Durant ce mois de juillet 2013, un important évènement est survenu pour les usagers de la téléphonie mobile à savoir la décision prise par l’Autorité de régulations des télécommunications et des postes (ARTP) d’instaurer la portabilité des numéros de téléphone. Attendue depuis longtemps, la portabilité du numéro, consistant pour un abonné à pouvoir conserver son numéro de téléphone même lorsqu’il change d’opérateur, avait fait l’objet d’une première étude par l’Agence de régulation des télécommunications (ART) en 2005. A cette époque où il n’existait que deux opérateurs de téléphonie mobile, Orange et Tigo, les auteurs de l’étude avaient conclu que la mesure n’était pas opportune. En janvier 2009 avec l’arrivée d’Expresso sur le marché de la téléphonie mobile, la question est redevenue d’actualité. Pour faciliter la pénétration du marché par le nouvel entrant et stimuler la concurrence entre les trois opérateurs, l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (ARTP) aurait pu instaurer la portabilité du numéro mais elle n’en fit rien se confinant dans un attentisme souvent déploré par les acteurs du secteur des TIC. Il aura donc fallu attendre plus de quatre années pour que l’ARTP se décide à prendre cette mesure que les usagers de la téléphonie mobile et les fournisseurs de services à valeur ajoutée appelaient de tous leurs vœux. La mesure a été saluée par l’ensemble des acteurs à l’exception notable de la Sonatel qui a déclaré par la voix d’un de ses responsables n’être « pas convaincue de l’opportunité de la mise en œuvre de la portabilité ». Cette position n’a rien de surprenant puisqu’avec le retour en force de Tigo, sur la tête duquel ne pèse plus l’épée de Damoclès de l’annulation de sa licence et qui a au contraire vu la durée de celle-ci allongée et son périmètre étendu à la 3G, et l’arrivée possible d’un quatrième opérateur suite au lancement par le gouvernement d’une étude sur les modalités d’attribution de nouvelles licences, l’opérateur historique qui domine aujourd’hui le marché serait potentiellement le plus grand perdant. En effet, dans un contexte où le taux de pénétration de la téléphonie mobile dépasse les 90%, l’enjeu est désormais moins de faire progresser son parc d’abonnés en allant chercher de nouveaux clients parmi le peu de citoyens encore « non branchés » que de conserver ses abonnés et d’en débaucher de nouveaux dans les rangs des concurrents. Or aujourd’hui, un des plus grand freins au changement d’opérateur sur le marché sénégalais de la téléphonie mobile est notamment la non portabilité des numéros qui fait que nombreux sont ceux qui préfèrent rester chez leur opérateur plutôt que de devoir perdre le numéro de téléphone à travers lequel ils sont connus depuis des années voire depuis le début de la téléphonie mobile au Sénégal en 1996. Preuve s’il en est d’ailleurs que les réserves de la Sonatel vis à vis de la portabilité du numéro n’ont rien d’une position de principe, en Tunisie, où Orange se classe en dernière position des opérateurs avec seulement 11% de parts de marché compte tenu de son statut dernier entrant, l’opérateur français a effectué lui-même un test de portabilité des numéros mobiles sur son réseau et en a conclu à « la nécessité pressante de lancer la portabilité dans le pays » ! Au-delà de ces considérations somme toute secondaires, il faut espérer que l’adoption de la portabilité des numéros aura un effet positif sur la concurrence entre les opérateurs et qu’en dernier ressort, les abonnés à la téléphonie mobile en recueilleront les fruits en termes de baisse des tarifs, d’amélioration de la qualité et de diversification de l’offre de service. L’adoption de la portabilité des numéros est d’autant plus facilitée que l’ARTP et les opérateurs viennent de procéder à l’identification réelle des propriétaires de cartes SIM. Cela étant, l’arrivée d’un quatrième opérateur est peu probable au regard de la quasi saturation du marché de la téléphonie mobile avec 12 millions de puces vendues pour une population de 13 millions d’habitants. Même si le gouvernement a lancé une étude sur les modalités d’attribution de nouvelles licences, l’opérateur historique, qui domine aujourd’hui le marché sera potentiellement peu inquiété par l’arrivée « suicidaire » d’un quatrième opérateur qui trouverait un marché dont la seule perspective d’ouverture résidera dans le passage à la 4G. L’Etat ferait donc mieux de miser sur la redistribution des fréquences du dividende numérique qui accompagnera le passage de la radiotélévision de l’analogique au numérique avant juin 2015.
Amadou Top
Secrétaire général