Vie et mort du Fonds de développement du service universel des télécommunications
jeudi 31 mars 2011
La création, auprès de l’Agence de régulation des télécommunications (ART), du Fonds de développement du service universel des télécommunications (FDSUT) découle de l’article 9 de la loi n° 2001-15 du 27 décembre 2001 portant Code des télécommunications. Cependant, il n’a été officiellement créé qu’en février 2003 suite à l’adoption du décret n° 2003-63 du 17 février 2003 fixant les règles d’organisation et de fonctionnement de l’ART. A l’époque, le Sénégal est le premier pays de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) à se doter d’un tel instrument. Alimenté par les contributions annuelles des opérateurs de télécommunications à hauteur de 3% de leur chiffre d’affaires brut hors charges d’interconnexion, en sus de la contribution de l’État et des bailleurs de fonds, le FDSUT a pour mission de favoriser le développement des réseaux et services de télécommunications dans les zones où leur déploiement n’est pas rentable. Son fonctionnement sera précisé avec l’adoption du décret n° 2007-593 du 10 mai 2007 fixant les modalités de développement du service universel des télécommunications ainsi que les règles d’organisation et de fonctionnement du fonds de développement du service universel des télécommunications. Cependant, il n’est devenu pleinement opérationnel qu’à partir du 23 février 2010, date à laquelle ses organes constitutifs, à savoir l’Administrateur du Fonds et son Comité de direction, ont été officiellement installés. Durant toutes ces années, le FDSUT a fonctionné de la manière la plus opaque qui soit et l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (ARTP) s’est toujours refusée à communiquer le montant des sommes collectées et à rendre compte de la gestion qui en avait été faite. En termes d’actions, la seule que l’on puisse mettre à l’actif du FDSUT est le lancement du projet-pilote de télécommunications dans la région de Matam en mai 2010. Exécuté par le Consortium du service universel (CSU), adjudicataire d’une la licence de service universel de télécommunications suite à une procédure d’appel d’offres international piloté par la Banque mondiale, ce projet vise à connecter 166 villages aux services de télécommunications et dans une deuxième phase, qui se déroulera avant la fin de 2012, il devrait mettre en œuvre des applications pour l’enseignement à distance, la télémédecine, le e-gouvernement et le commerce électronique. Précision importante, le CSU n’a demandé aucune subvention au FDSUT pour la réalisation de ce projet et la question se pose donc de savoir à quoi ont bien pu être utilisés les milliards de FCFA versés dans les caisses du FDSUT par les opérateurs de télécommunications. Alors que le FDSUT, censé lutter contre la fracture numérique, commençait à peine à prendre sa vitesse de croisière, il vient d’être dépouillé de l’essentiel de ses prérogatives par l’adoption du décret n° 2001-311 en date du 7 mars 2011 qui abroge en son article 6 toutes les dispositions fixant les modalités du développement du service universel des télécommunications ainsi que les règles d’organisation et de fonctionnement du FDSUT. En effet, les sommes collectées auprès des opérateurs de télécommunications seront désormais affectées pour 95% au Fonds de soutien à l’énergie (FSE) et seulement pour 5% au profit du FDSUT. De ce fait, ce décret ne respecte pas l’esprit des textes communautaires puisque les sommes collectées seront désormais détournées vers un secteur qui n’a rien à voir avec celui des télécommunications. Dès lors, le FDSUT risque de devenir une de ses coquilles vides qui encombrent l’appareil d’État et que l’on agite à l’occasion avant de les laisser retomber dans l’oubli. Le moins que l’on puisse dire est que cela fait quelque peu désordre dans un pays qui se présentait, il y a peu encore, comme le héraut de la lutte contre la fracture numérique et dans lequel un ministre d’État, excusez du peu, chargé de la connectivité, a été nommé il y a quelques mois ! Cette attitude politique conforte tous ceux qui pensent que la vision de l’État consiste pour l’essentiel à considérer le secteur des télécommunications comme une simple vache à lait pour le Trésor public et non comme un précieux outil de développement économique et social. A ce rythme, il faudra attendre encore longtemps avant que le berger du département de Linguère arrive, à partir d’une tablette électronique, à voir où se trouve son troupeau de vaches en même temps qu’il pourra regarder la télévision et savoir les points ou il y a du foin comme en rêve Alassane Dialy Ndiaye...
Olivier Sagna
Secrétaire général d’OSIRIS