TV White Spaces : une opportunité pour le développement d’Internet au Sénégal ?
vendredi 31 mai 2013
Dix-sept ans après la connexion permanente du Sénégal à Internet, le bilan que l’on peut tirer du niveau de pénétration de cette technologie dans la société sénégalaise n’est guère reluisant. En effet, si l’on s’en tient aux derniers chiffres publiés par l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (ARTP) pour l’année 2012, le taux de pénétration des services Internet au sein de la population, mesuré sur la base du nombre d’abonnements aux services Internet, n’était que de 5,2% au 31 décembre 2012. Par ailleurs, selon les chiffres donnés par l’Union internationale des télécommunications (UIT), le Sénégal comptait 2 269 681 utilisateurs d’Internet au 30 juin 2012 soit un taux de pénétration de 17,5%. Pire, ces données agrégées sur le niveau d’utilisation d’Internet cachent une forte inégalité sur le plan géographique puisque la majeure partie des utilisateurs d’Internet est concentrée dans les principales agglomérations urbaines du pays et plus précisément dans celles situées dans la région de Dakar (Dakar, Pikine, Guédiawaye et Rufisque) qui ne représente que 0,28% de la superficie du Sénégal et regroupe à peine le quart de sa population. Même si comparaison n’est pas raison, on ne peut s’empêcher de relever que la téléphonie mobile, lancée sensiblement à la même époque, totalisait quelques 11 470 646 abonnés au 31 décembre 2012 soit un taux de pénétration de 94, 24% ! Conclusion, non seulement l’utilisation d’Internet est peu développée au sein de la population sénégalaise mais de surcroît, elle se concentre principalement dans sa capitale et sa périphérie, excluant de ce fait la grande majorité des Sénégalais et des Sénégalaises qui vit dans le reste du pays et notamment dans les zones rurales. En dehors de des questions liées à l’analphabétisme, au cyber-illettrisme, à la cherté du matériel informatique malgré une baisse régulière des prix et le développement d’un marché de l’occasion et à la rareté des contenus locaux, notamment en termes de services utiles aux citoyens, etc., cette situation s’explique également et surtout par le faible développement de la téléphonie fixe (taux de pénétration de 2,8% au 31 décembre 2012) et par conséquent une faible couverture de l’ADSL, au coût élevé des abonnements ADSL avec notamment des frais d’accès de 25 000 FCFA pour une liaison 1 Mbps/256 Kbps soit plus de 50% du montant du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), le monopole de facto, jusqu’à une date récente, de la Sonatel sur l’accès à la bande passante internationale et enfin la limitation de l’accès aux ressources de fréquences aux seuls opérateurs de télécommunications interdisant ainsi l’émergence de fournisseurs d’accès alternatifs. Dès lors, la possibilité d’utiliser les fréquences de télévision actuellement non utilisées (TVWS) ainsi que celles qui seront libérées par le passage au numérique à partir de 2015 constitue-t-elle une réelle opportunité de développer l’Internet à large bande au Sénégal. Elle devrait en effet permettre de faire baisser les coûts de connexion à condition que l’on autorise la venue sur le marché de nouveaux acteurs, d’étendre la couverture Internet dans des zones où elle est actuellement inexistante tout en augmentant la bande passante et par conséquent le confort de connexion. Cependant, comme à chaque fois que la technologie autorise de nouvelles avancées, le véritable point d’achoppement sera moins la mise en œuvre de ces solutions que la question de la régulation. En effet, dans notre pays, l’innovation dans le domaine des technologies de l’information et de la communication s’est régulièrement heurtée à une régulation frileuse, peu évolutive, voire immobile, favorisant le statu quo et les opérateurs en place au détriment de l’innovation et des acteurs émergents. Il ne faut donc pas trop s’emballer au sujet des opportunités offertes par les TV White Spaces qui risquent de ne pas pouvoir être matérialisées avant longtemps à moins qu’un miracle se produise !
Amadou Top
Secrétaire général