Réguler les régulateurs
mardi 31 mars 2009
L’attitude adoptée tant par le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) d’une part que par l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (ARTP) d’autre part, à l’occasion des élections locales de mars 2009, a mis, une fois de plus, en exergue les graves dysfonctionnements qui entachent le fonctionnement et surtout la crédibilité de ces organes censés assurer une régulation transparente, honnête, équilibrée et démocratique des secteurs dont ils ont la charge. S’agissant du contrôle des contenus véhiculés par les médias audiovisuels, la promptitude avec laquelle le CNRA a suspendu trois radios communautaires sous prétexte de violation de leur cahier des charges contraste avec sa passivité devant la flagrante inégalité du traitement réservé aux acteurs politique et sociaux par les médias d’Etat. Il suffit en effet d’écouter les stations de radio et de regarder la télévision appartenant à l’audiovisuel public pour constater que l’indépendance et la liberté de l’information et de la communication ainsi que l’objectivité et le respect de l’équilibre dans le traitement de l’information y sont très souvent bafoués. L’ARTP qui s’était déjà illustrée lors de l’attribution de la licence à Sudatel, a de son coté, hâtivement sorti un communiqué le dimanche 22 mars à 20h39 par lequel elle menaçait de suspendre pour une durée de quarante cinq jours à partir du lundi 23 mars 2009, toutes les stations de radios et chaînes de télévisions qui n’étaient pas en règle vis-à-vis de leurs obligations financières. L’annonce de cette mesure a immédiatement provoqué un tollé général, avec notamment l’intervention en direct du PDG du Groupe Wal Fadjri, ce qui amena le Ministre de l’information, s’exprimant au nom des autorités gouvernementales, à désavouer cette mesure et à en demander la suspension. Le caractère politique, pour ne pas dire politicien, de cette décision de l’ARTP n’avait en effet échappé à personne. Heureusement que certains tenants du pouvoir ont eu l’intelligence et le courage de désamorcer cette bombe qui aurait pu conduire au pire. Certes comparaison n’est pas raison mais il faut rappeler que c’est la fermeture de la télévision détenue par Andry Rajoelina qui a servi d’accélérateur à la crise politique et sociale qui couvait à Madagascar au point d’engendrer des manifestations publiques qui ont eu pour résultats de provoquer la mort de plus d’une centaine de personnes et finalement d’entraîner la chute du régime du Président Marc Ravalonama. Les apprentis sorciers qui ont pris cette décision avaient-ils réfléchis aux conséquences qu’auraient pu avoir leur décision si jamais des responsables de l’opposition avaient appelé leurs partisans à descendre dans la rue pour défendre la liberté d’expression et le droit à l’information ? Manifestement non et c’est pourquoi après être peut être passé à côté d’une crise politique certaine, les autorités sénégalaises se doivent de prendre l’initiative de lancer une large réflexion, associant les partis politiques, la société civile et le secteur privé, sur le fonctionnement des organes d’information public et les modalités de nomination, la composition, les missions et surtout le contrôle citoyen des organes de régulation intervenant dans le champ de l’information et de la communication afin de corriger les dérives constatées. Cette question est essentielle car le domaine présente la particularité de poser des enjeux qui sont à la fois d’ordre démocratique et économiques.
Amadou Top
Président d’OSIRIS