Quel dispositif pour promouvoir l’innovation dans le secteur de l’économie numérique ?
mercredi 28 février 2018
Au début du mois de février 2018, l’opérateur de téléphonie mobile Expresso a procédé à l’inauguration d’un incubateur dédié à l’entrepreneuriat dans le domaine du numérique. Si la démarche est louable, elle n’a rien d’originale tant sont nombreuses les initiatives en la matière avec l’Incubateur du CTIC Dakar, l’espace de co-working de Jokkolabs, la Sonatel Aademy, la Fabrique numérique Simplon.AUF@Dakar, etc. pour ne citer que les plus connues. Si l’on ajoute à cela les multiples hackathons, boot camps, mobile camps et autres concours et challenges, chacun pourra constater que les activités en matière d’innovation sont légion. A cela, il faut adjoindre les dispositifs de financement et/ou d’accompagnement mis en place par l’Etat, tels le Fonds de Garantie des Investissements Prioritaires (FONGIP), le Fonds souverain d’investissement stratégiques (FONSIS), l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi des jeunes (ANPEJ), le Programme Sénégalais pour l’Entrepreneuriat des Jeunes (PSE/J) ou encore la Délégation générale pour l’entrepreneuriat rapide des femmes et des jeunes (DER/FJ), actions qui mobilisent des milliards de FCFA avec des résultats pour le moins mitigés. En effet, quelles sont les « start-up » ayant bénéficié de ces dispositifs et que l’on peut ériger en modèle de réussite ? Quel est leur chiffre d’affaires ? Combien d’emplois ont-elles créés ? Quels sont les produits-phares qu’elles exportent dans la sous-région, en Afrique et dans le monde ? A vrai dire, ces dispositifs font penser à la célèbre émission de télévision « The Voices » où l’on peut écouter avec admiration des candidats ayant des voix magnifiques mais dont aucun n’a jamais fait par la suite une carrière musicale digne de ce nom ! Il convient dès lors de faire un bilan sans complaisance de ces nombreux dispositifs d’encouragement, d’accompagnement, d’encadrement et de financement afin de trouver enfin le bon modèle permettant d’utiliser de manière optimale les ressources mises à leur disposition pour promouvoir l’innovation numérique. Les expériences réussies menées ailleurs dans le monde, montrent qu’il est indispensable de créer un écosystème réunissant en son sein des structures d’enseignement supérieur offrant des formations dans des secteurs de pointe, des institutions de recherche, des structures d’encadrement et d’accompagnement (espaces de co-working, incubateurs, accélérateurs, pépinières d’entreprises, etc.) couplées à des dispositifs de financement, les uns et les autres travaillant dans le cadre d’une parfaite synergie et non en parallèle, en s’ignorant les uns les autres, voire en se concurrençant inutilement. Depuis plus d’une vingtaine d’années, les projets structurants n’ont pourtant pas manqués avec le lancement du Technopole en 1996, puis sa transformation en Cybervillage en 2004 jusqu’à l’élaboration du projet de création d’un Parc des technologies numériques (PTN) à Diamniadio, bénéficiant d’un prêt de la Banque africaine de développement (BAD) de plus de soixante-dix millions d’euros approuvé en juin 2015 mais dont la réalisation tarde à voir le jour. S’il faut se réjouir de la création du Centre d’excellence Mathématiques informatique et technologies de l’information et de la communication (MITIC), logé à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (UGB), il faut résolument s’engager dans la création d’institutions d’enseignement supérieur et de recherche dans le domaine du numérique ayant une taille critique, à l’image de l’Institut Mines Télécoms (IMT) en France, en lieu et place de nos multiples structures dont aucune n’est capable de faire la différence à l’échelle internationale. A quand une véritable symbiose des acteurs-clés de l’économie numérique, qui mettent plus l’accent sur les actions à caractère médiatique que sur celles à caractère stratégique, avec les structures de formation et de recherche dont les moyens sont largement insuffisants ? A quand un véritable partenariat entre l’Etat, l’enseignement supérieur et la recherche et le secteur privé national pour développer les multiples solutions indispensables à la transformation digitale de notre société en lieu et place des marchés attribués aux groupes étrangers qui bénéficient eux de l’appui de leurs états respectifs ? A quand un grand fond d’appui à l’innovation géré dans la transparence et l’objectivité avec comme leitmotiv l’utilisation optimale des fonds dont il a la responsabilité ? Autant l’innovation a besoin d’un climat de liberté créatrice pour s’épanouir autant elle a besoin de dispositifs forts et structurants pour déboucher sur des résultats économiques palpables.
Alex Corenthin
Secrétaire aux relations internationales