Passage à l’audiovisuel numérique : Des défis majeurs à relever
jeudi 30 juin 2011
L’atelier sur la transition de la radiodiffusion au numérique, organisé il y a quelques jours par l’Association for progressive Communication (APC) et Balancing Act, a permis de faire un premier bilan de la tâche accomplie par le Comité national pour le passage de l’audiovisuel analogique au numérique (CNN). D’emblée, il faut dire qu’un travail colossal a été réalisé par cette structure regroupant quelques cent vingt personnes venant de divers secteurs de la société sénégalaise qui ont travaillé, pour l’essentiel dans un environnement virtuel, dans le cadre de quatre commissions techniques en charge des questions juridiques et éthiques, techniques, des contenus et des programmes, des aspects techniques juridiques ainsi que du volet commerce et distribution. Sur le plan technique, un certain nombre d’options ont été retenues à savoir la fréquence UHF, le standard de diffusion DVB-T2 et de la norme de compression MPEG4, le formatage de la production en définition standard (SD) et en haute définition (HD), l’utilisation de couches permettant de diffuser 15 programmes en SD et 5 programmes en HD, la réception fixe et mobile (CPR1 et CPR3) ainsi que le recours à un structure unique chargée du multiplex, du transport et de la diffusion. En matière juridique, des propositions de modification ou de nouvelle rédaction des dispositions devenues inadaptées ont été faites de même que de nouvelles dispositions pour les régimes de licence et d’autorisation en relation avec les nouveaux services et supports. S’agissant des contenus, des mécanismes de financement de la création audiovisuelle et d’incitation à l’innovation en matière de production audiovisuelle ont été étudiés, des orientations pour une politique nationale d’archivage numérique des contenus audiovisuels et de leur valorisation suggérés et des mécanismes de contrôle des contenus et de mesure de l’audimat proposés. Enfin en matière de communication et d’accompagnement du citoyen, un plan de communication a été élaboré de même que des mesures d’aide pour l’acquisition des décodeurs envisagées. Après la réalisation d’un certain nombre d’études complémentaires et la mobilisation des moyens nécessaires, le déploiement de la stratégie arrêtée devrait se faire entre 2012 et 2014 de telle sorte que le Sénégal soit en mesure de respecter la date butoir du 17 juin 2015 fixée par l’Union internationale des télécommunications (UIT). Néanmoins, bien des défis restent à relever car cette mutation est beaucoup plus qu’une simple révolution technologique, comme a pu l’être le passage de la télévisée en noir et blanc à la couleur à la fin des années 60, tant ses enjeux sociétaux s’annoncent considérables sur les plans économique, social et culturel. Le paysage audiovisuel sénégalais, qui compte une douzaine de chaines de télévision disposant pour la plupart de faibles moyens humains, techniques et financiers, à l’exception notable de la Radio télévision sénégalaise (RTS), devra à la fois consentir d’importants investissements en matière d’équipements et de formation et se professionnaliser en donnant notamment naissance à des entreprises spécialisées dans la production de programmes, les chaines de télévision se contentant de proposer des grilles de programmes à leurs téléspectateurs qui les regarderont gratuitement, dans le cadre de bouquets payants ou via la vidéo à la demande (VOD). Dès lors, vu la cherté de la production audiovisuelle d’un côté et l’étroitesse du marché publicitaire de l’autre, il n’y aura sans doute plus place pour les « radios filmées » et autres chaines de télévision qui se contentent de diffuser des séries insipides et des talk-shows sans grand intérêt. La restructuration du paysage audiovisuel sénégalais qui se profile devrait être mise à profit par ceux dont l’ambition est de proposer des chaines de télévision de qualité de s’orienter vers la création de groupes audiovisuels ayant une dimension résolument régionale, à l’échelle de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) voire à l’échelle de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). A l’heure de l’intégration africaine, il est en effet grand temps que l’Afrique se dote de groupes de communication capables de livrer une vision africaine du monde en lieu et places des médias qui ne cessent de nous ressasser les informations, les émissions et les fictions produites ailleurs et pour d’autres avec tous les biais qu’elles peuvent véhiculer sur notre continent.
Olivier Sagna
Secrétaire général d’OSIRIS