Dans le cadre de la politique de libéralisation du secteur des télécommunications, menée par le gouvernement sénégalais, il y a bientôt trois ans de cela, l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (ARTP) lançait un appel à candidatures pour l’attribution de licences d’opérateurs mobiles virtuels, plus connus sous le sigle anglais de MVNO. Or, à ce jour, et bien que l’attribution des trois licences a été confirmée depuis août 2017 respectivement à Sirius Télécom associé à Tigo, Groupe Futurs Médias (GFM) associé à Sonatel et Origines SA associé à Expresso, aucun de ces MVNO n’est opérationnel. En janvier 2019, le Directeur général de l’ARTP s’inquiétait déjà publiquement que seul Sirius Télécom s’était acquitté de la redevance d’un montant de 300 millions de FCFA prévue par le cahier des charges et appelait les deux autres attributaires à en faire de même afin de démarrer leurs activités. Après avoir recruté 300 employés, créé vingt-cinq agences commerciales, acheté des véhicules et acquis des numéros de téléphone pour un montant de deux milliards de FCFA, Sirius Télécom, qui a choisi d’opérer sous la marque commerciale Promobile, avait prévu de lancer ses activités à l’occasion du Grand Magal de Touba. Cela étant, de lancement il n’en y eut point car un contentieux avait surgi entre Sirius Télécom et Free Sénégal sur le montant à payer par le premier pour bénéficier du support technique du second. Il faut dire qu’entre temps un changement de taille s’était produit avec le rachat de Tigo par Free Sénégal avec tous les changements de stratégie qui en ont découlé. Sans vouloir nous prononcer sur le fait de savoir lequel des deux protagonistes est dans son bon droit, il nous semble important de rappeler un certain nombre d’évidences qui déterminent le fonctionnement d’un MVNO afin d’éclairer le débat qui prend place dans l’opinion publique. Tout d’abord, il doit être clair qu’un MVNO ne peut concurrencer les opérateurs traditionnels, d’une manière générale, et encore moins l’opérateur sur lequel il s’adosse puisqu’il utilise le réseau de celui-ci pour offrir ses services. Dès lors, un MVNO ne peut qu’aider l’opérateur sur lequel il s’adosse à développer son chiffre d’affaires via la vente en gros de capacités de trafic. Ces revenus additionnels ont le double avantage de compenser les éventuelles pertes financières résultant des parts de marché conquises par le MVNO comme par ses concurrents traditionnels. Un MVNO doit donc se positionner comme un opérateur de niche ciblant une clientèle particulière et offrant des services qui ne sont pas offerts par les autres opérateurs. En dehors de savoir si Sirius Télécom et les deux autres MVNO n’ont pas sous-estimé les ressources nécessaires pour être présents dans le secteur des télécommunications, l’équation qui se pose à Promobile et aux deux autres MVNO, est celle des clientèles qu’ils envisagent de cibler et surtout de la nature des services innovants qu’ils comptent offrir de manière à présenter un avantage comparatif susceptible d’attirer une clientèle conséquente. Cela étant, compte tenu de la dépendance des MVNO par rapport aux opérateurs traditionnels, l’autre enjeu essentiel est celui de la régulation et à ce titre le contentieux survenu entre Sirius Télécom et Free Sénégal n’est guère rassurant. En effet, si l’attribution de licences à des MVNO vise à accroître la concurrence, faire baisser les prix, encourager l’offre de service innovants et bénéficier in fine aux consommateurs, il revient à l’ARTP de mettre en place une régulation favorable aux MVNO et les protégeant contre les diktats des opérateurs classiques. Or historiquement parlant, l’ARTP n’a jamais mis en œuvre une régulation asymétrique visant à favoriser l’entrée sur le marché de nouveaux opérateurs, se contentant de faire jouer le principe d’égalité entre les acteurs ce qui est un non-sens. C’est cette pratique constante qui explique que plus de vingt-ans après la privatisation de l’opérateur historique et la libéralisation du marché des télécommunications, ce dernier est toujours dominant sur l’ensemble des segments du marché des télécommunications. L’ARTP devrait donc s’assurer que ces MVNO bénéficient d’offres tarifaires suffisamment abordables pour leur permettre d’être compétitifs sur le marché de détail face aux opérateurs qui les hébergent. Une fois les conditions réunies, les trois MVNO, dont l’arrivée avait été annoncée à grand bruit pourraient enfin démarrer leurs activités dans des conditions idoines et cesser de jouer les arlésiennes, ces personnages dont on entend souvent parler mais qui restent invisibles !
Amadou Top
Président d’OSIRIS