Mission d’actualisation du Code des télécommunications de 2011 : Entre dépense inutile et consultation de façade
dimanche 18 juin 2017
La décision d’actualiser le code des télécommunications de 2011 a été
prise en 2015 par le ministère des postes et des télécommunications du
Sénégal. Le premier acte fut posé en Janvier 2016, le consultant
sélectionné en Juillet 2016, le lancement du projet en Février 2017,
présentation de l’avant-projet de communications électroniques en Avril
2017 et le projet révisé, a été partagé en Mai 2017.
ASUTIC compte faire à partir d’aujourd’hui des notes de décryptage sur
ce projet afin de fournir aux citoyens un socle nécessaire à son sens
critique et à ses engagements en plaçant les intérêts du Sénégal au
cœur de ses réflexions dans une approche systémique. L’objectif de
l’analyse est la vérification qui permet de mettre au jour les écarts,
les manquements, les restrictions, les imprécisions aux fins de formuler des
recommandations. A ce titre, nous analyserons d’abord la méthodologie et
ensuite l’impact du code sur l’utilisateur final, la concurrence, la
sécurité, le service universel et enfin la régulation.
Tout d’abord le recrutement du consultant suite à un appel à
manifestation d’intérêt soulève des interrogations et la question de son
opportunité se pose. Pourquoi utiliser 74,5 millions du contribuable
sénégalais pour payer des consultants quand l’expertise locale, en mesure
d’assurer cette mission est disponible ? Pour rappel le code des
télécoms de 2011 a été élaboré par des sénégalais. L’article 18 du
code de 2011 brandi par le ministère pour se justifier, ne contient aucune
clause qui lui impose de recruter un consultant pour la mission
d’actualisation du code. En plus, il n’existe pas de texte qui interdit
à un ministère de travailler avec les fils de ce pays (expertise locale)
comme ce fut le cas en 2011. Par conséquent cette dépense de l’argent du
contribuable sénégalais est injustifiée et inopportune.
La gestion optimale des maigres ressources budgétaires et une mise à jour
du code qui préserve les intérêts du Sénégal, n’étant pas au cœur de
cette mission, le recrutement d’un consultant s’avère indispensable pour
le ministère des postes et télécommunications du Sénégal. En effet, avec
le consultant, le ministère obtient ce qu’il demande, pas nécessairement
ce dont il a besoin pour développer le secteur des télécoms. Ainsi, le
Ministère a obtenu le projet de code de communications électroniques
souhaité.
Depuis l’atelier de lancement du projet, le ministère a initié une
consultation publique d’abords par un mailing liste, ensuite par un
questionnaire envoyé aux acteurs identifiés et enfin par la mise en place
d’un comité technique. En fait, il s’agit d’une consultation
restreinte par internet. Quant au comité technique, il n’a pas de termes
de référence donc pas d’objectifs, de résultats attendus encore moins
une définition claire de son fonctionnement, sa composition et sa durée
de vie. Toute la collaboration se fait ainsi dans un cadre informel avec
des réunions sans ordre du jour et des comptes rendus loin d’être
fidèles.
A l’issue de l’atelier de présentation de l’avant-projet du code,
seuls 15 jours ont été accordés aux acteurs pour faire leurs observations
et contributions sur un document de 100 pages contenant 278 articles, en sus
des 167 pages du tableau comparatif du consultant. Pendant ce temps le
consultant a travaillé pendant 10 mois et le ministère a eu 18 mois pour
faire le même travail. L’*ASUTIC *a porté à l’attention du ministre
des postes et télécommunications, les manquements et dysfonctionnements
constatés par courrier en date du 05 mai 2017.
Malgré ce délai très court, l’ASUTIC a proposé la modification de 28
articles, 2 chapitres, l’insertion de chapitres sur les contrats (5
articles), sur les contrats à distance (9 articles), sur les actions des
Associations des Utilisateurs dans l’intérêt des utilisateurs (3
articles). Au total, 47 propositions. Enfin, elle a formulé des questions
pour mieux comprendre certaines dispositions du projet de code. Elle n’a
reçu aucune réponse et seule une proposition a été prise totalement en
compte et deux en partie.
Les articles du projet de code sont ainsi le fruit d’arbitrages propres au
ministère et de son consultant, et ne reflètent pas nécessairement le
contenu des contributions de la consultation. Le ministère n’est donc pas
allé jusqu’au bout de sa démarche inclusive et participative : recueillir
des avis, des contributions, mettre en place une pondération, créer une
méthodologie de validation pour déterminer quelles propositions étaient
les plus pertinentes, les plus innovantes. En lieu et place, on assiste à
une parodie de consultation.
Au final, ce projet de code sera publiquement présenté par le ministère
comme le fruit d’une large concertation, qui a duré plusieurs mois et qui
s’est faite par le biais d’une consultation en ligne mais également
d’ateliers contributifs. La même démarche fut adoptée avec la stratégie
« Sénégal numérique 2016-2025 » malgré les nombreuses réserves sur
ses limites et insuffisances.
La loi étant l’expression de la volonté du peuple sénégalais, ASUTIC
– considère que l’expertise nécessaire à l’élaboration d’un nouveau
code de télécommunications dépasse largement le cadre des « experts et
consultants » et qu’il est important de puiser ses idées et son sens
critique dans différentes strates de la société. Par conséquent, ASUTIC
– estime qu’on ne devrait pas laisser à quelques spécialistes la charge de
déterminer les axes d’un code des télécommunications, destiné à être
celui du Sénégal tout entier.
L’Association Sénégalaise des Utilisateurs des TIC « ASUTIC » :
- Dénonce, l’utilisation inopportune et injustifiée de l’argent du contribuable sénégalais ;
- Déplore, la consultation de façade en vue de donner une légitimé citoyenne à ce projet ;
- Demande, la mise en place d’une commission de réécriture du projet de loi sur les communications électroniques.
_ Fait à Dakar, le 18 Juin 2017
Le Président Ndiaga Guèye
(Source : ASUTIC, 18 juin 2017)