Mettre l’économie numérique au cœur des politiques publiques pour amorcer l’émergence
mardi 30 avril 2019
Au cours de ces vingt dernières années, le paysage de ce que l’on appelle actuellement l’économie numérique a profondément changé. A ces débuts, l’on a beaucoup épilogué pour savoir s’il s’agissait d’une simple évolution ou bien d’une véritable révolution. A la lumière de ce qui se fait aujourd’hui, on peut dire que les tenants de la seconde thèse ont eu raison sur les premiers puisque nous vivons désormais à l’ère de la « disruption ». Le moteur principal de ce phénomène a été la numérisation d’un ensemble de procédés qui ont donné naissance à de nouveaux concepts. C’est ainsi qu’à la fin des années 90 sont apparues les « autoroutes de l’information », aujourd’hui disparues du champ lexical, et avec elles les « nouvelles technologies de l’information et de la communication » (NTIC). Celles-ci ont également disparues du vocabulaire usuel pour laisser la place aux « technologies de l’information et de la communication » (TIC) qui elles-mêmes cèdent le terrain à l’intelligence artificielle (IA) et l’Internet des Objets (IoT) qui sont en train de reconfigurer la désignation de cet environnement polymorphe et en perpétuelle mutation. Ces changements ont influé sur la dénomination des départements ministériels en charge du secteur. A la fin des années 90, le « Ministère de la Communication » avait succédé au « Ministère de l’Information » dont l’objet principal était la gestion de la presse nationale même si le développement des infrastructures avait été pris en compte suite à la création de la Société nationale des télécommunications du Sénégal (SONATEL). En février 2001, avec l’arrivée au pouvoir d’Abdoulaye Wade, un premier changement significatif surviendra avec la mise en place d’un « Ministère de la Communication et des Nouvelles technologies », traduisant la volonté de prendre en charge cette problématique alors naissante. Après une disparition de l’organigramme gouvernemental entre 2001 et 2003 et de multiples restructuration, un « Ministère des Postes, des Télécommunications et des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication » vit le jour, marquant l’importance croissante des télécommunications qui feront partie intégrante de l’appellation de quasiment tous les ministères pendant quinze ans. Entre 2001 et 2012, les appellations nouvelles technologies, nouvelles technologies de l’information et de la communication, TIC et NTIC figureront également dans les diverses dénominations du ministère symbolisant le rôle désormais déterminant des applications numériques ainsi que la naissance d’un écosystème du numérique au Sénégal. En juillet 2012 les autorités créeront même un Ministère de la Communication et de l’Economie numérique suivi en février 2014, d’une éphémère Direction générale de l’Economie numérique qui sera supprimée en juillet 2014 pour laisser la place à une simple Direction de la Promotion de l’Économie numérique et des Partenariats En septembre 2017, le département verra à nouveau la notion d’économie numérique figurer dans sa dénomination et deviendra Ministère de la Communication, des télécommunications et de l’Economie numérique. Finalement, en avril 2019, avec la constitution du premier gouvernement du second mandat du Président Macky Sall, l’économie numérique s’imposera avec la création d’un Ministère de l’Economie numérique et des Télécommunications qui assurera pour la première fois la tutelle de l’Agence de l’Informatique de l’Etat (ADIE). Comme on le voit, le fronton du ministère en charge des TIC a souvent changé de libellé et plus d’une douzaine de ministres s’y sont succédés depuis 2000, dont certains découvraient un environnement nouveau et complexe qu’ils avaient la charge de piloter. De nombreux séminaires se sont tenus, de multiples plans ont été élaborés et des visions déclinées mais il n’en demeure pas moins que ni les besoins immenses du pays en matière de solutions basées sur les TIC pour soutenir le développement des secteurs stratégiques de l’économie, ni le grand potentiel qu’il recèle en termes de capacité d’innovation et de créativité n’ont permis de donner naissance à une véritable industrie du savoir et des services. Dans l’indifférence, quelques startups peinent à se frayer laborieusement un chemin tandis que de multiples talents se perdent dans une fuite de « cerveaux » de plus en plus intense. C’est dire qu’au-delà des incantations, il faut souhaiter que les politiques publiques mettent désormais véritablement l’économie numérique parmi les priorités de leurs préoccupations afin que nous puissions tirer profit de toutes les opportunités qu’elles peuvent offrir à la société qui en a tant besoin pour amorcer son émergence.
Amadou Top
Président d’OSIRIS