Les grands noms des nouvelles technologies se retrouvent à Dakar...et après ?
samedi 30 avril 2011
Microsoft, Nokia, Google, OVH, Samsung, Jouve, Siemens, Viadeo, Mozilla, nombreuses sont les firmes étrangères, petites et grandes, opérant dans le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) qui ont décidé d’ouvrir une représentation au Sénégal où d’y organiser ponctuellement des activités promotionnelles. De même, nombre d’initiatives portées par des nationaux comme Seneweb, Gaïndé 2000, Facedakar, Money Transfer, PCCI, etc. rencontrent un succès qui dépassent souvent les frontières du pays pour s’étendre à la sous-région voire à d’autres parties du continent. Si l’on ajoute à cette tendance, la dynamique entretenue par la communauté des développeurs et des utilisateurs de logiciels libres et de sources ouvertes autour des multiples « Camp » (BarCamp, BootCamp, CodeCamp, BlogCamp, DruppalCamp, etc.), les concours de développement d’applications organisés par le projet « Mobile Sénégal », etc., la récente inauguration d’un incubateur d’entreprises TIC, ou encore le seuil des cinq millions d’abonnés atteint par la Sonatel, on pourrait être tenté de penser que tout va pour le mieux dans le monde des TIC au Sénégal. Et pourtant la réalité est loin d’être aussi rose qu’elle n’y parait à première vue. Ainsi, plus d’une décennie après l’élaboration des fameux « Plans NICI » initiés par la Commission des nations unies pour l’Afrique (CEA) dans le cadre de l’Initiative pour la société de l’information en Afrique (AISI), le Sénégal ne possède toujours de stratégie nationale pour le développement des TIC là où certains pays en sont à la deuxième voire à la troisième génération de plans en la matière ! D’aucuns rétorqueront qu’une stratégie a été développée dans le cadre de la grappe TIC et téléservices de la Stratégie de croissance accélérée (SCA) quand d’autres disent que le stratégie du Sénégal est de ne pas avoir de stratégie ! Certes, la grappe TIC et téléservices dispose bien d’une stratégie mais celle-ci tarde à être mise en œuvre dans un secteur où le pire ennemi est le temps qui s’écoule à grande vitesses du faite de la rapidité de l’évolution technologique et du positionnement de la concurrence sur tel ou tel créneau. De plus, cette stratégie ne possède pas un caractère national, entendu au sens de stratégie holistique, puisqu’elle ne s’intéresse qu’au développement de la filière TIC en tant que sous-secteur économique et guère plus. Or, l’expérience a montré, un peu partout dans le monde, que l’on ne peut efficacement et durablement insérer un pays dans la société de l’information sans concevoir une stratégie nationale dans le domaine des TIC puisque dans l’expression « société de l’information » le mot le plus important est quand au fond le mot « société ». De même si le Sénégal vient de se doter d’un incubateur d’entreprises TIC, à l’initiative du secteur privé, il ne dispose toujours pas de l’instrument essentiel pour faire faire un bond qualitatif significatif au secteur des TIC à savoir un parc technologique intégrant la formation, la recherche et la production de biens et services TIC et offrant toutes les facilités nécessaires, le projet du Technopole de Dakar lancé en 1996 ayant été abandonné au profit de celui du cybervillage initié en 2004, étant l’un comme l’autre d’une très grande virtualité. Côté financement, le secteur ne dispose toujours pas de dispositifs destinés à encourager l’investissement et l’innovation alors que des taxes multiples et diverses (RUTEL, CODETE, etc.) frappent le sous-secteur des télécommunications simplement considéré par l’État comme une vache à lait destinée à résoudre les problèmes de trésorerie qu’il rencontre régulièrement. Dans le domaine de la formation à l’utilisation des TIC, il n’existe toujours pas de stratégie sectorielle digne de ce nom visant à l’introduction des TIC dans le système éducatif de la case des tout petits à l’université même s’il existe une multitude de projets et d’expériences souvent fort intéressant. Last but not least, la recherche en matière de TIC ne fait pas partie des préoccupations des autorités gouvernementales qui ne lui ont jamais assignée ni objectifs ni moyens. Or, sans effort de longue durée dans ce domaine, il est totalement illusoire de vouloir passer du statut de consommateur de biens et services et TIC dans lequel se trouve aujourd’hui le pays à celui de producteur.
Olivier Sagna
Secrétaire général d’OSIRIS