Le monde des nouvelles technologies en Afrique est riche de ses pionniers, de ses entrepreneurs, de ses cyberactivistes et de ses penseurs qui guident et influencent l’innovation en Afrique. Ces leaders tech sont pour la plupart animés par le rêve un peu fou de transformer le continent avec des outils digitaux pensés pour l’Afrique. Là où des technologies occidentales connaissent parfois leurs limites en Afrique, ils innovent et adaptent un savoir faire, souvent acquis aux États-Unis, aux réalités concrètes du continent. Satisfaire les besoins des Africains et contribuer au développement avec les technologies pourrait bien révolutionner l’Afrique et créer des opportunités entrepreneuriales sans précédent. Galerie de mini-portraits de ces leaders tech qui bâtissent e-Africa.
Herman Chinery-Hesse, le « Bill Gates d’Afrique »
« Si l’Afrique rate le navire tech, il n’y aura peut-être jamais plus une opportunité pareille pour une création de richesse aussi rapide sur le continent ». Telle est la vision de Herman Chinery-Hesse. Cet entrepreneur ghanéen de 46 ans, surnommé par les médias anglosaxons le « Bill Gates d’Afrique » est un leader respecté, un aîné. Diplômé de l’université du Texas, il martèle sa vision : « les technologies sont la seule possibilité pour l’Afrique de s’enrichir. Nous n’avons pas d’usines ni d’infrastructures mais si vous me mettez devant un ordinateur, et vous me dites d’écrire un logiciel, je peux rivaliser de cerveau à cerveau avec un codeur basé aux USA ». Il est l’un des véritables boss des nouvelles technologies en Afrique. Il a fondé il y a vingt ans son entreprise SOFTtribe qui a produit des logiciels et de solutions pour plus de 300 clients. Ses conférences sur les planches de TED ou de Tech4Africa en octobre prochain à Johannesburg sont des leçons de tech et de business qui sont méditées par les geeks d’Afrique.
Jonathan Gosier, du showbiz en Amérique aux tech en Afrique
Agé de 30 ans, ce black américain est devenu un acteur incontournable du microcosme tech en Afrique. Avant de débarquer dans l’univers technologique, il a roulé sa bosse dans l’industrie musicale comme producteur et ingénieur du son et a collaboré avec Kanye West et d’autres pointures de la musique mainstream. Installé à Kampala depuis 2008, ce développeur de logiciel, designer, artiste et écrivain dirige d’une main de maître sa start-up Appfrica qui fait office de fonds d’investissement dans des entreprises de création de logiciel en Afrique de l’est et de laboratoire de visualisation de donénes. Avec sa dégaine cool mais smart, ce nounours est plus qu’un Venture capitalist. Il maîtrise parfaitement les nouvelles technologies participatives à savoir le « crowdsourcing » (« approvisionnement par la foule ») qu’il a mis en œuvre en temps réel et en zone de crise avec ses acolytes de Ushahidi. Depuis 2009, il a rejoint Ushahidi en tant que directeur de la branche Swift River qui permet notamment de collecter et de vérifier l’origine des données de la « foule » transmises ou récoltées via les réseaux sociaux ou par sms.
Olivier Sagna, le pionnier
Il est l’un des pionniers du mouvement tech d’Afrique de l’Ouest. Avec une approche à la fois technique et intellectuelle des nouvelles technologies, le sénégalais Olivier Sagna décrypte et contribue à façonner les politiques publiques d’information et communication. Chaque mois, il publie la riche lettre d’information BATIK, dont il est rédacteur en chef, dans le cadre de l’Observatoire sur les Systèmes d’Information, les Réseaux et les Inforoutes du Sénégal (OSIRIS), fondé en 1998 par Amadou Top, dont il est Secrétaire général. A la réputée université Cheikh Anta Diop de Dakar, Olivier Sagna a enseigné les sciences de l’information, et a occupé le poste de directeur du campus numérique francophone de Dakar. Il a également travaillé avec l’Agence internationale d’aide au développement USAID pour mettre les nouvelles technologies au service des besoins de l’Afrique de l’Ouest. On dit de lui qu’il est l’un des meilleurs connaisseurs de la culture tech du continent.
Herman Heunis, le king sud-africain des réseaux sociaux
Cet ingénieur originaire de Namibie est le seul africain à pouvoir se vanter de tenir tête à Facebook. En Afrique du Sud, il écrase le géant californien. Son réseau social Mxit, lancé en 2003, compte aujourd’hui plus de 10 millions d’utilisateurs en Afrique du Sud là où Facebook peine avec 3,9 millions de comptes. En tout, en Afrique sub-saharienne, Mxit compte près de 24 millions d’utilisateurs et ne cesse de croître. En 2007, le géant sud-africain Naspers a acquis 30 % des parts de Mxit qui continue de se développer en intégrant des applications qui font florès en Afrique comme le « mobile banking ». Plus proches de la réalité africaine où le téléphone mobile est devenu l’ordinateur de poche des Africains (près de 500 millions de mobiles sur le continent), Mxit s’est imposé avec sa simplicité d’usage comme le maître des réseaux sociaux en Afrique du Sud. Une simplicité à l’image de son fondateur, amoureux de la nature et des voyages en VTT. Herman Heunis vit et innove depuis Stellenbosch, au milieu des vignobles.
Erik Hersman, le geek « africain blanc »
Il est blanc et africain. Auto-surnommé White African sur les réseaux sociaux, Erik Hersman s’est imposé comme un gourou des technologies en Afrique. Celui qui a grandi entre le Kenya et le Soudan vit aujourd’hui à Nairobi d’où il influence et soutient les geeks du continent. Co-fondateur d’Ushahidi, blogueur, il s’est donné pour mission de transformer le continent avec les nouvelles technologies. Ambassadeur de l’organisation californienne TED en Afrique, il a considérablement contribué à éduquer les décideurs aux outils technologiques. A commencer par le Kenya qui vient d’adopter la plate forme Open Data. Il y est pour quelque chose... Et quand on lui demande ce qu’il manque pour un développement encore plus fort des tech en Afrique, il répond sans hésiter : « un écosystème Silicon Valley avec des investisseurs prêts à prendre des risques en investissant dans des start-up ». Pour lui, ce n’est pas les idées ni les innovations qui manquent sur le continent mais un mécanisme de financement et des infrastructures. D’ailleurs, il vient de créer un pôle dédié à l’innovation en plein coeur de Nairobi, iHub où les geeks de la capitale kenyane ont accès à une connexion rapide, à une communauté de développeurs et à une atmosphère où tous les outils sont rassemblés pour innover.
Joan Tilouine
(Source : Africa Tech, 16 août 2011)