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Accueil > Articles de presse > Année 2025 > Septembre 2025 > « La Fintech est une révolution qui redonne le pouvoir aux populations »

« La Fintech est une révolution qui redonne le pouvoir aux populations »

mardi 16 septembre 2025

Portrait/Entretien

Mettre la digitalisation au service de ceux qui sont exclus du système bancaire. C’est la philosophie politique d’El Hadji Cheikhou Sall. Pour lui, le secteur informel est un gisement d’opportunités. Mais plusieurs fois, sa vision a été incomprise par les incubateurs et les investisseurs. Parce que le modèle s’inspire des pratiques traditionnelles africaines : le ‘’bëcëg’’ (paiement journalier), la tontine et le ‘’rënk’’. Il a quand même cru en lui-même et a réussi à mettre en place une société sans avoir bénéficié de programme d’incubation, ni de subvention, ni d’aide, devenant une fierté sénégalaise. Il s’agit de ‘’Lebalma’’.

El Hadji Cheikhou Sall, parlez-nous de votre parcours académique.

J’ai obtenu une Licence en administration des affaires (BBA), spécialisation finance, à l’Institut africain de management (IAM) de Dakar. Par la suite, j’ai poursuivi mes études en Angleterre, où j’ai obtenu un Master en International Business à l’University of Ulster. Ce parcours m’a permis d’acquérir à la fois une expertise financière et une vision internationale, qui nourrissent aujourd’hui ma démarche entrepreneuriale avec Lebalma.

Vous avez réussi à mettre en place votre société sans avoir bénéficié de programme d’incubation, ni de subvention, ni d’aide. Comment votre parcours a-t-il façonné la philosophie de Lebalma et votre propre vision en tant qu’entrepreneur ?

J’ai appris à bâtir dans la contrainte. Sans incubateur ni subvention, il a fallu trouver des solutions concrètes, au quotidien, en restant au plus près de mes clients. Cela a forgé une philosophie de résilience et de patience : ne pas attendre qu’on vienne nous donner les moyens, mais créer les moyens par nous-mêmes. C’est ce qui a façonné Lebalma : une entreprise qui croit en l’autonomie, la dignité et la confiance.

Vous parlez de “se choisir soi-même”. Quel a été le moment décisif où vous avez fait ce choix et comment cela s’est-il manifesté concrètement dans la direction de votre entreprise ?

Le moment décisif, c’est quand j’ai compris qu’aucun programme ou investisseur ne viendrait ‘’valider’’ mon idée au départ. J’ai donc décidé de me valider moi-même : investir mes économies, convaincre mes premiers clients, et bâtir pierre par pierre. Ce choix s’est traduit par une discipline : avancer ‘’ndànk ndànk’’ (petit à petit), prouver par l’action et non par les promesses.

Vous affirmez que votre modèle “interroge”. Pouvez-vous nous expliquer plus en détail en quoi consiste ce modèle et pourquoi il est si difficile à “comprendre” pour les programmes traditionnels de financement et d’accompagnement ?

Notre modèle s’inspire des pratiques traditionnelles africaines : le ‘’bëcëg’’ (paiement journalier), la tontine, le ‘’rënk’’. Nous avons digitalisé ces mécanismes de confiance pour en faire une plateforme fintech moderne. Les programmes classiques ont du mal à comprendre qu’une innovation puisse partir du terrain, sans forcément correspondre aux standards occidentaux. Nous ne parlons pas seulement de ‘’paiement en plusieurs fois’’, mais de finance communautaire augmentée par la technologie.

Comment fonctionne précisément la plateforme Lebalma ? Quel est son modèle économique et comment générez-vous de la valeur pour vos clients et pour l’entreprise ?

Les clients choisissent un produit (téléphones, électroménager, etc.), paient un acompte, puis règlent le reste en plusieurs fois. Lebalma ne prend pas d’intérêts, mais se rémunère sur la marge commerciale réalisée avec les fournisseurs. La valeur créée : l’accès à des biens essentiels pour les clients et pour nous une croissance portée par la confiance et la récurrence.

Les fintechs représentent une véritable révolution à l’ère du numérique. Un souffle nouveau dans le monde de la finance…

Exactement. La fintech casse les barrières d’accès. Avec un smartphone et un compte mobile money, un Sénégalais peut désormais acheter, payer petit à petit, épargner et même investir. C’est une révolution silencieuse, mais puissante, qui redonne le pouvoir aux populations jusque-là exclues du système bancaire classique.

Le “crédit sans garantie, basé sur la confiance” est au cœur de votre modèle. Comment parvenez-vous à évaluer la solvabilité et la fiabilité de vos clients sans les garanties classiques ? Quel est votre taux de défaut et comment gérez-vous le risque de non-remboursement ?

Nous avons créé un système de crédit scoring interne basé sur la confiance, le KYC, et la régularité dans l’utilisation de l’application. Notre taux de défaut reste maîtrisé, car le client commence comme débutant avec un paiement en trois fois pour finir premium avec un paiement en dix fois. Le risque est géré par un mélange de technologie (suivi en temps réel) et de proximité humaine.

Dans un contexte où la méfiance peut être élevée, comment avez-vous réussi à construire cette confiance avec vos clients ? Quels mécanismes avez-vous mis en place pour que ce système fonctionne ?

Nous avons d’abord livré, puis encaissé. Autrement dit, nous avons montré que nous faisions confiance aux clients avant même qu’ils ne nous fassent confiance.

Cette confiance s’est construite aussi grâce au bouche-à-oreille.

Ce modèle est particulièrement innovant au Sénégal. Pensez-vous qu’il pourrait être réplicable dans d’autres secteurs d’activité ou dans d’autres pays d’Afrique ?

Absolument. Le ‘’lebalma’’ est une réalité africaine. Ce modèle peut s’appliquer à l’alimentation, à l’énergie, au transport, à l’éducation à la santé… et il est réplicable dans toute l’Afrique.

Au Sénégal, nous pensons aussi que ce modèle peut s’intégrer avec des programmes publics existants. Par exemple, en travaillant avec le Fongip, la Der, l’Adepme, etc., pour faciliter l’accès aux prêts et sécuriser les financements ou encore avec d’autres secteurs de l’État qui veulent promouvoir l’inclusion financière et le développement économique.

L’idée est de créer des partenariats public-privé où chacun joue son rôle : l’État garantit et encadre, et nous, nous apportons la technologie, le suivi et la proximité avec les populations.

Selon vous, quelles sont les plus grandes opportunités du numérique au Sénégal et comment Lebalma les exploite-t-elle ?

Les plus grandes opportunités sont l’inclusion financière, la digitalisation des habitudes locales et le mobile money. Lebalma exploite ces leviers en créant une super app : achat en plusieurs fois, le (Coffre Rënk) et bientôt des solutions d’investissement halal basé sur le partage du bénéfice et du risque.

Vous avez fait face à de nombreux refus. Quels sont, selon vous, les principaux défis ou les “angles morts” de l’écosystème d’incubation et de financement des startups au Sénégal ?

L’écosystème valorise trop souvent les modèles du ‘’copié-collé’’ de l’étranger ou ceux qui savent faire beaucoup de bruit. Ce qui vient du terrain, des réalités locales, est parfois perçu comme ‘’trop informel’’, alors que c’est précisément là que se trouvent les vraies solutions.

On demande aux entrepreneurs des pitch decks parfaits, des business plans calibrés sur des standards occidentaux, mais on oublie que la vraie innovation au Sénégal naît dans les quartiers, dans les marchés, dans les villages : des solutions imparfaites au départ, mais profondément adaptées.

Un autre angle mort, c’est le manque de mécanismes de financement patient. Beaucoup de structures promettent de l’accompagnement, mais très peu prennent le risque d’investir vraiment dans les modèles qui bousculent les codes. C’est pour cela que je croie à des partenariats plus ouverts, avec des institutions comme le Fongip, la Der, la BNDE, qui peuvent apporter des garanties ou du financement en appui à des entreprises comme la nôtre, qui travaillent au quotidien avec les réalités du terrain.

Vous êtes parvenu à bâtir une entreprise avec 38 collaborateurs. Quel rôle joue l’innovation technologique dans votre modèle et comment le développement du numérique au Sénégal a-t-il facilité ou, au contraire, compliqué votre croissance ?

La technologie est notre colonne vertébrale. Sans elle, impossible de gérer des milliers de paiements fractionnés. Mais elle n’est rien sans la proximité humaine. Au Sénégal, le numérique progresse vite, mais la confiance reste clé. Notre défi a été d’équilibrer le digital et la relation humaine.

Votre expérience avec ces programmes semble avoir été particulièrement frustrante. Si vous deviez redéfinir le concept d’incubation, que changeriez-vous pour qu’il soit plus pertinent pour des entrepreneurs comme vous, qui opèrent sur le terrain et avec des modèles non conventionnels ?

Je mettrais beaucoup moins l’accent sur la théorie et beaucoup plus sur l’opérationnel. Trop souvent, ces programmes sont gérés par des personnes qui n’ont jamais réellement entrepris. Même les mentors, parfois, n’ont aucune expérience concrète de la création d’entreprise. Ils connaissent les concepts, mais ils ne peuvent pas t’expliquer ce que signifie tenir une équipe dans la durée, gérer une trésorerie sous pression, négocier avec un fournisseur quand un client tarde à payer.

Pour être pertinente, l’incubation doit apporter trois choses essentielles :

• un accès au marché, pour trouver des clients et des partenaires ;

• un accès aux fournisseurs stratégiques ;

• et surtout un accès au financement adapté, avec des mécanismes patients et réalistes, en phase avec nos réalités africaines.

Mais au-delà de l’opérationnel, il faut aussi un cadre réglementaire clair et favorable. L’État doit aider à structurer la réglementation des startups, créer un label officiel qui reconnaît et protège les entrepreneurs, et pourquoi pas s’inspirer du Startup Act de la Tunisie, qui a été un modèle en Afrique. Ce type de cadre donne confiance aux investisseurs et sécurise les fondateurs.

Enfin, l’État doit aussi voyager avec ses champions : soutenir et mettre en avant les startups locales lors des grands événements internationaux, pour en faire des ambassadeurs de notre écosystème. Nos tontines, nos ‘’bëcëg’’, notre achat’’ ‘’ndànk ndànk’’ ne sont pas des archaïsmes ou des faiblesses : ce sont des forces africaines qu’il faut reconnaître, digitaliser et accompagner dans un cadre moderne et structuré.

Quel message aimeriez-vous faire passer aux jeunes entrepreneurs qui, comme vous, se sentent laissés de côté par les programmes de soutien traditionnels ?

Ne perdez pas de temps à attendre une validation extérieure. Choisissez-vous vous-mêmes. Lancez, testez, ajustez. La dignité de l’entrepreneur africain, c’est sa capacité à créer dans la contrainte.

Aujourd’hui, si un programme venait à vous proposer un partenariat, que faudrait-il qu’il vous offre pour que vous acceptiez de vous y associer, et comment cela s’alignerait-il avec la philosophie que vous avez construite ?

Je suis très ouvert, et je suis aussi un patriote. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’après mes études en Angleterre, j’ai décidé de rentrer au Sénégal.

Je crois à l’avenir de l’Afrique, mais cet avenir passe par ce que disait Senghor : ‘’Enracinement et ouverture.’’ C’est exactement l’esprit de Lebalma : rester fidèle à nos réalités locales tout en nous ouvrant à des partenariats stratégiques.

Mais je n’attends pas une aide ponctuelle. Ce que j’attends, c’est un partenariat d’égal à égal :

• un partenariat qui ouvre des marchés,

• qui facilite les relations avec les fournisseurs stratégiques,

• qui co-investit dans notre croissance,

• et qui respecte notre philosophie basée sur la confiance et la proximité avec les clients.

Si un programme ou une institution vient dans cette logique de co-création et non d’assistanat, alors oui, c’est un partenariat qui s’aligne parfaitement avec la vision de Lebalma : bâtir une finance inclusive qui redonne dignité et opportunités aux Africains.

Babacar Sy Sèye

(Source : Enquête, 16 septembre 2025)

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