L’infrastructure nationale partagée de télécommunications de nouveau à l’ordre du jour ?
samedi 31 mars 2018
Sans tambour ni trompette, à la fin du mois de février 2018, l’Agence De l’Informatique de l’Etat (ADIE) a réuni les acteurs de différents secteurs en vue de la mise en place d’un cadre de concertation nationale des infrastructures partagées (CNNIP) en vue d’optimiser tant les coûts d’investissements que l’exploitation des infrastructures de télécommunications envisagées ou exploitées par différents acteurs, au sein comme à l’extérieur de l’écosystème des télécommunications. L’idée, tel un serpent de mer, revient régulièrement sur le devant de la scène tout simplement parce qu’elle répond à une logique économique que l’on a voulu pendant un certain temps faire semblant d’oublier au nom de la libéralisation du secteur mais qui finira par s’imposer d’une manière ou d’une autre. En effet, historiquement, la construction de tous les grands réseaux, qu’il s’agisse des réseaux routiers ou ferroviaires, de distribution d’eau ou d’électricité ou encore de télécommunications, a toujours débouché sur la mise en place de monopoles publics, suite aux échecs rencontrées par les multiples initiatives privées. Si au début du chemin fer, il y a bien eu des compagnies privées qui exploitaient des lignes spécifiques, la nécessité de les interconnecter en vue de créer un réseau national a vite fait de sonner le glas de ces compagnies incapables de financer la construction, l’exploitation, la maintenance et le développement d’un réseau à l’échelle nationale. C’est la même logique qui a prévalu lorsqu’il s’est agi de développer les réseaux nationaux de télécommunications et qui a justifié la création de monopoles publics qui, au fil du temps, ont constitué des monopoles dits « historiques ». Dans le secteur des télécommunications, cette situation a été la norme pendant longtemps jusqu’à ce que les Etats-Unis décident de se lancer dans la dérégulation de leur secteur national des télécommunications puis de l’imposer au reste du monde au tournant des années 1990 à travers l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) et la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). C’est la mise en œuvre de cette logique qui a conduit à la privatisation de la SONATEL et par la même occasion de l’infrastructure nationale de télécommunication qui avait été patiemment déployée grâce à des ressources exclusivement publiques pendant des décennies. Certes, cette infrastructure couvrait insuffisamment et inégalement le territoire national mais elle avait le mérite d’exister et surtout avait été mise en place dans le cadre d’un investissement utilisant, de manière optimale ou du moins rationnelle, les ressources mobilisées. La privatisation de la SONATEL puis la libéralisation du secteur des télécommunications avec l’arrivée de deux opérateurs de téléphonie mobile, la mise en œuvre du réseau de l’Agence de l’informatique de l’Etat (ADIE), le développement de réseaux de communications propres par divers acteurs (SENELEC, SOGEM, etc.), la construction de l’infrastructure de diffusion nécessaire à la télévision numérique terrestre (TNT) et tout dernièrement l’autorisation de trois fournisseurs d’accès Internet (FAI) ont conduit à une véritable prolifération des réseaux. Autant, il est souhaitable de disposer d’une certaine redondance de ces derniers afin de pallier les éventuels problèmes technique pouvant priver de connexion toute une partie du pays autant il n’est pas économiquement ni socialement justifié de faire payer, au final, des investissements inutiles aux consommateurs que nous sommes car bien entendu répercuté sur le prix des services fournis. Même si nous sommes aujourd’hui dans un environnement libéralisé, il est prouvé que la concurrence dépend plus de la qualité et de la diversité des services proposés que de la qualité de l’infrastructure dont le fournisseur, et par conséquent les équipements et les technologies utilisés, est souvent le même quel que soit l’opérateur. A l’heure où il est question de la mise en place une infrastructure nationale à haut débit, il est grand temps de s’orienter dans cette direction afin de rationaliser les investissements, améliorer la couverture du territoire national par les infrastructures de télécommunications, encourager la concurrence autour de la qualité et de la diversification des services et diminuer les prix des services de télécommunications. Pour ce faire, l’Etat doit reprendre la main en la matière et définir, en étroite collaboration avec les acteurs concernés, les modalités de gestion de cette infrastructure nationale partagée qui n’aura pas forcément un caractère public mais qui mettra en avant l’intérêt général pour ne pas dire national.
Alex Corenthin
Secrétaire aux relations internationales