L’Internet sénégalais en deuil : Michel Mavros nous a quitté
mardi 31 octobre 2006
Comme souvent en de telles circonstances, la nouvelle est tombé brutale, incroyable, douloureuse, injuste : Le 9 octobre 2006, Michel Mavros, tout juste âgé de 53 ans, s’est éteint à Paris des suites d’une courte maladie. Peu connu du grand public, Michel Mavros était par contre bien connu de tous ceux qui évoluent au Sénégal dans le monde d’Internet depuis une dizaine d’années. En effet, lorsque le Sénégal a été pleinement connecté à Internet en mars 1996, il créa en juillet de la même année, avec ses associés Alex Sirkosky et Oumou Sy, le célèbre Métissacana, le premier cybercafé d’Afrique de l’ouest et le troisième du continent africain après ceux ouverts à Johannesburg (Afrique du Sud) et au Caire (Egypte). L’année suivante Le Métissacana deviendra fournisseur de services Internet (FSI) à une époque où seul Télécomplus, filiale de la Sonatel, était présent sur le marché. Pionniers parmi les pionniers, il n’aura de cesse de mener le combat pour la démocratisation d’Internet au Sénégal et alors que Télécomplus proposait l’abonnement mensuel à Internet 30.000 FCFA, il le proposera à 8.000 FCFA. Réclamant l’augmentation de la bande passante internationale, dénonçant la mauvaise qualité des liaisons fournies par la Sonatel, militant pour la baisse des tarifs exorbitants des liaisons spécialisées, demandant la création d’un statut pour les FSI, il verra en 2001 sa liaison coupée sans autre forme de procès par la Sonatel ce qui lui fera perdre 60% de ses abonnés sur une période de quinze jours. Membre fondateur du chapitre sénégalais d’Internet Society (Isoc-Sénégal), Michel Mavros était un des piliers de l’organisation de la Fête de l’Internet pour laquelle il ne manquait jamais de mettre le Métissacana à contribution. Jamais à court d’idées, il sera le premier au Sénégal à mettre des radios en ligne sur Internet (Sud Fm et Radio Nostalgie), à organiser des débats en ligne à l’occasion de l’élection présidentielle de 2000, à initier des activités de commerce électronique avec la boutique en ligne d’Oumou Sy, à retransmettre en direct des concerts ou encore à lancer une pétition électronique. Souhaitant ardemment le développement d’Internet en dehors de Dakar, il s’associera avec la société Alcatel pour améliorer la connectivité rurale en proposant une solution technique reposant sur la combinaison du satellite, de relais Wireless et de la boucle locale radio afin de pouvoir amener Internet jusque dans les villages les plus reculés et surtout de proposer, dès cette époque, d’amener le téléphone via Internet alors qu’Internet était amené par le téléphone. Après de longues tractations, l’Etat en défenseur aveugle des intérêts de la Sonatel au détriment de l’intérêt général, refusera l’octroi d’une licence et le projet avortera. L’issue de ce combat entre le pot de terre et le pot de terre ne pouvait que se terminer à l’avantage de la Sonatel et en mai 2002, le Métissacana cessa son activité de cybercafé et de FSI. Juste avant de nous quitter, Michel Mavros travaillait à la réalisation d’un opéra intitulé « L’Opéra du Sahel » dont le livret a été rédigé par Koulsy Lamko (Tchad) et Wasis Diop (Sénégal), la musique composée par Zé Manel (Guinée Bissau) et dont l’équipe artistique comprenait Wasis Diop (Musique), Jean Pierre Leurs (mise en scène), Germaine Acogny (chorégraphie) et sa compagne Oumou Sy (Costumes et décors), excusez du peu ! A Oumou Sy ta compagne et complice ainsi qu’à ta famille nous présentons nos sincères condoléances. Michel tu nous as quitté prématurément mais sache que tu as laissé ta marque dans le paysage de l’Internet sénégalais et pour cela nous ne t’oublierons pas. Que la terre d’Afrique, et en particulier celle du Sénégal, dont tu avais fait ton pays d’adoption, te soit légère.
Amadou Top
Président d’OSIRIS