Entre satisfaction et inquiétude
jeudi 31 mai 2001
L’annonce par la Sonatel d’une baisse généralisée de ses tarifs et en particulier de ceux relatifs aux liaisons spécialisées et aux communications Internet est incontestablement une bonne nouvelle. Pour les professionnels, cette mesure permettra à certains de réduire considérablement un de leurs postes budgétaires, à d’autres de doubler la capacité de leur bande passante à moindre frais et à d’autres encore de franchir le pas et de se doter d’une liaison spécialisée jadis pour eux inaccessible. Le grand public devrait également applaudir cette décision qui devrait lui faire bénéficier d’un meilleur confort d’utilisation si les fournisseurs de services Internet en profitent pour augmenter les capacités de leurs LS. Dans un pays comme le notre, qui vient malheureusement de faire son entrée dans le club des pays les moins avancés (PMA) et dans lequel 58% des ménages vivent en dessous du seuil de pauvreté, l’Etat, les opérateurs de télécommunications, les vendeurs d’équipements informatiques et de télécommunications et les fournisseurs de services doivent bien comprendre chacun en ce qui le concerne qu’il ne pourra pas y avoir de développement notable du secteur des TIC tant que les prix pratiqués excluront la grande masse des personnes physiques et morales de l’accès à Internet. Tout doit donc être fait, sur le plan de la modification de l’environnement légal, réglementaire, fiscal et douanier pour que les prix puissent être le plus bas possible dans un souci de compétitivité de notre économie mais aussi d’intégration du plus grand nombre à la Société de l’Information. Cette modification de l’environnement global des technologies de l’information et de la communication doit bien entendu s’inscrire dans le cadre d’une stratégie nationale, tendant à la matérialisation d’une vison partagée et à l’atteinte d’objectifs précis à travers la mise en oeuvre d’une philosophie et d’un plan d’action. Un peu partout dans le monde, dans les pays développés, comme dans les pays en développement, l’expérience montre qu’il ne peut y avoir de développement réel du secteur sans une politique volontariste de l’Etat s’appuyant sur des structures fortes, spécialement chargées de la conception et de la mise en oeuvre d’une politique nationale. Paradoxalement, les autorités sénégalaises, qui déclarent depuis des années vouloir faire de notre pays un champion dans le domaine des téléservices, viennent de supprimer le ministère chargé de cette mission alors que les démembrements de l’Etat qui doivent prendre la relève ne sont pas encore connus. S’il est trop tôt pour se prononcer définitivement sur la question, il y a néanmoins de quoi être inquiet quant à notre capacité à tirer profit de nos avantages comparatifs dans le domaine des télécommunications, car à l’époque du « temps Internet », il n’y a de place ni pour les louvoiements, ni pour les hésitations, ni pour les lenteurs et encore moins pour l’immobilisme.
Amadou Top
Président d’OSIRIS