Assainir sereinement le secteur des télécommunications
mardi 31 octobre 2000
L’annonce du retrait définitif de la licence de téléphonie mobile accordée à Sentel et du réexamen du contrat portant autorisation du réseau Alizé de la Sonatel ont sonné comme de bruyants coups de tonnerre dans le ciel relativement calme du secteur des télécommunications. En effet jusque là, en dehors des récriminations contre les tarifs élevés pratiqués par la Sonatel tant pour la location des liaisons spécialisées que pour les communications locales, la dénonciation du monopole accordé à cette même Sonatel sur la téléphonie fixe jusqu’en 2004, la revendication d’une augmentation significative de la bande passante et le développement de la téléphonie rurale, tout semblait aller pour le mieux dans le secteur des télécommunications. L’affaire Sentel a le mérite de mettre en évidence les « anomalies » qui ont entaché le processus de privatisation de la Sonatel et l’octroi des licences pour la téléphonie mobile. S’agissant de la Sonatel, non seulement le dossier d’appel d’offres a été communiqué aux investisseurs intéressés sans avoir été préalablement validé par le comité en charge de l’ouverture du capital de ladite société mais de surcroît il est évident que la valeur globale de la société a été largement sous-estimée quant on sait que les 70 milliards de Francs Cfa payés par France Télécom pour l’acquisition du tiers des actions ont été amortis en moins de trois ans. A cela s’ajoute le principe de l’octroi, « sans concourir », d’une licence d’exploitation pour l’ensemble des services soumis au régime de la concurrence réglementée et cerise sur le gâteau le monopole pour la téléphonie fixe jusqu’en 2003. Pour ce qui est de Sentel, l’octroi de la licence d’exploitation du GSM s’est faite sur la base d’un simple appel d’offre international sans qu’il y ait paiement du moindre « ticket d’entrée » pour un marché qui dépassera d’ici peu, en nombre d’abonnés, celui de la téléphonie fixe. Dans le processus de libéralisation du secteur des télécommunications l’Etat du Sénégal a été doublement perdant en encaissant un prix de cession relativement faible pour les actions de la Sonatel au regard de sa marge bénéficiaire et en abandonnant les ressources qui auraient dû découler de la vente des licences d’exploitation pour la téléphonie mobile. Last but not least, du fait du monopole accordé à la Sonatel sur la téléphonie fixe, les usagers supportent des coûts de communications locales élevés, les fournisseurs de services Internet payent le prix fort pour des liaisons spécialisées aux capacités limitées, les utilisateurs d’Internet pâtissent d’une bande passant internationale insuffisante et globalement le développement du secteur des téléservices s’en trouve freiné. Un tel diagnostic prouve s’il en était encore besoin qu’il est grand temps que le Gouvernement assainisse la situation qui prévaut dans le secteur des télécommunications. Il faut mettre fin au monopole des uns et aux situations de rente des autres qui ne profitent qu’à une minorité de personnes et à des intérêts étrangers. Mieux, il faut créer dans les meilleurs délais une autorité de régulation indépendante, composée d’hommes et de femmes honnêtes, crédibles, compétents, venant de divers horizons et n’ayant jamais été directement impliquées dans les processus de privatisation ou d’attribution de licences. Le développement des téléservices, en particulier et l’utilisation des technologies de l’information et de la communication pour le développement social en général ne prendront de l’ampleur que si une telle réforme est rapidement conduite à son terme. Cependant, cet assainissement nécessaire du secteur des télécommunications doit s’effectuer dans le cadre d’une renégociation sereine des engagements pris par les anciennes autorités de manière à ne pas mettre en péril l’emploi de dizaines de travailleurs, assurer la continuité du service pour les utilisateurs et garantir un climat de confiance pour les investisseurs étrangers
Amadou Top
Président d’OSIRIS