Actions Sonatel : Vendre ou ne pas vendre, telle n’est pas la seule question !
samedi 31 mai 2008
Depuis quelques mois, la question de la vente des actions détenues par l’état sénégalais dans le capital de la Sonatel suscite de vifs débats dans nombre de secteurs de l’opinion publique. Il faut rappeler qu’en juillet 1997, lorsque la Sonatel fut privatisée malgré l’avis défavorable de la Banque mondiale, l’Etat conservât 36,67% du capital et en céda 33,33% à France Télécom, 20% à des privés et 10% aux salariés et anciens salariés. En janvier 1999, à l’occasion de la visite au Sénégal de Michel Bon, PDG de France Télécom, l’Etat vendit, en catimini, 9% de ses actions portant ainsi la part de France Télécom à 42,33% et ramenant la sienne à 27,67%. A l’occasion de l’attribution de la troisième licence de télécommunications à Sudatel en septembre 2007, l’information filtra comme quoi l’Etat était en train de prendre les dispositions nécessaires pour vendre sa participation dans le capital de la Sonatel. La nouvelle suscitât aussitôt une levée de boucliers de la part des travailleurs de la Sonatel, de dirigeants politiques, de responsables d’organisations patronales, etc. et même de ...la Banque mondiale qui estima préférable pour l’Etat de continuer à percevoir les revenus tirés de sa participation dans le capital de la Sonatel. La vigueur de la réaction semblait avoir amené l’Etat à renoncer son projet mais depuis quelques jours le bruit court selon lequel la vente de 300 000 actions serait imminente. Confronté à des difficultés de trésorerie suite aux dépenses liées à l’organisation du sommet de l’OCI et du fait de la mise en œuvre d’une politique de subvention à la consommation visant à réduire l’impact de l’envolée des prix du pétrole et des produits agricoles, l’Etat a semble-t-il décidé de franchir le pas. En réaction, l’intersyndicale des travailleurs de la Sonatel envisage de déposer un préavis de grève mais la question dépasse le simple fait de savoir si l’Etat doit vendre ou non sa participation dans la Sonatel. D’un point de vue principiel mais aussi principal, c’est en effet le rôle de l’Etat dans le développement qui est jeu, dans un contexte marqué par l’échec du consensus de Washington dans les pays placés sous la tutelle des institutions de Bretton Woods et la crise économique naissante à l’échelle mondiale découlant de l’affaires des subprimes et de la hausse spectaculaire des produits pétroliers et des matières premières agricoles. L’observation de ce qui se passe dans le monde, et plus particulièrement dans les pays développés, montre qu’un peu partout l’Etat est appelé à la rescousse montrant par là même les limites du libéralisme à tous crins. De plus, en matière de télécommunications et de TIC, l’histoire enseigne que le développement du secteur a, pour l’essentiel, toujours reposé sur des politiques publiques volontaires visant à encourager l’innovation technologique, protéger les entreprises nationales, garantir l’accès universel, conquérir des marchés extérieurs, etc. La Sonatel contribuant à 6 % dans la formation du PIB, à 12 % des recettes fiscales et à 12,5 % des recettes budgétaires sans parler d’un investissement de 80 milliards en 2007, l’Etat ne peut se priver d’avoir un droit de regard sur la gestion de la première entreprise du pays, même s’il n’y possède plus de minorité de blocage.. Cela dit, il est tout aussi essentiel d’instaurer une véritable concurrence sur le marché sénégalais des communications outrageusement dominé dans tous ses compartiments par la Sonatel qui bénéficie d’une situation de rente et d’une politique de régulation qui n’a pas su, ou pu créer les conditions d’une concurrence saine et loyale encourageant l’entrée de nouveaux opérateurs sur le marché. Dégroupage de la boucle locale, téléphonie sur Internet, utilisation des technologies alternatives (Wi-Fi, WiMax, CPL, satellite), etc. sont autant de questions à l’étude depuis des années dont la non résolution bloque le développement du secteur. Par ailleurs, malgré la libéralisation du secteur et la présence de deux autres opérateurs, la Sonatel jouit d’une position stratégique plus que privilégiée en exerçant un monopole sur toutes les lignes de communications internationales par fibre optique (câbles sous-marins Atlantis 2 et SAT-3/WASC/SAF, câble de garde en fibre optique (Sénégal, Mali, Mauritanie) ) Dès lors on s’aperçoit que la question principale n’est pas forcément vendre ou ne pas vendre...
Amadou Top
Président d’OSIRIS