Volontariat et Société de l’information : « L’Afrique est condamnée si elle ne s’implique pas »
vendredi 24 octobre 2003
En ouvrant hier, au CESAG, les travaux du symposium international sur « le
volontariat et le développement de compétences humaines dans la société
de l’information », Mamadou Diop Decroix, ministre de l’Information et de la
Coopération panafricaine dans les NTIC, a estimé que « les Technologies de
l’information et de la communication menacent de marginaliser
dangereusement tous ceux qui n’en auront pas saisi les enjeux ». Pour lui, la
convergence du téléphone, de la radio, de la télévision et de l’ordinateur,
entre autres, « laisse entrevoir des mutations structurelles dont il est
difficile d’imaginer toutes les conséquences sur l’évolution de nos sociétés
».
Et de rappeler les « problèmes complexes » que posent les effets des NTIC
aux décideurs et aux citoyens, « entraînant quelquefois des réactions de
rejet ou de suspicion qui témoignent de l’impréparation manifeste de nos
sociétés - du Nord comme du Sud - à assumer le passage de l’ère
industrielle à l’ère informationnelle ».
Le ministre s’est ensuite demandé « quel sera la place de l’individu dans ce
nouvel espace aux contours flous » Selon lui, l’Afrique, du fait de
l’esclavage et de la colonisation, a raté la Révolution industrielle s’installant
malgré elle dans une « exclusion » qui s’est poursuivie après les
indépendances avec la mise à l’écart de notre continent des grands
programmes de solidarité internationale. En lieu et place, l’Afrique a eu ses
décennies d’ajustements structurels et a subi la dérégulation de ses
systèmes de télécommunication.
Il convient, selon M. Diop, que « le mouvement d’exclusion soit contenu et
inversé », car « l’Afrique sera condamnée si elle ne prend pas part
résolument à la société de l’information ». Dans cette optique, le
symposium devra considérer, selon le ministre « avec le maximum
d’attention la proposition du président Abdoulaye Wade pour la mise en
place d’un fonds de solidarité numérique conjointement administré par la
société civile, le secteur privé et les pouvoirs public ». M. Diop s’est dit
aussi persuadé que « la vraie bataille qu’il ne faut pas perdre est celle des
contenus : banque de données, commerce électronique, numérisation du
patrimoine culturel, usages pour la bonne gouvernance… » Il a rappelé que,
malgré tout, « c’est de communication entre les hommes dont il est question
[et que] les machines et les technologies associées ne devraient avoir
comme seule finalité que de faciliter celle-ci ».
Divers orateurs s’étaient exprimés sur le sujet. Theo Van Loon, de
l’International Association for Volunteer Effort (IAVE), avait insisté sur
l’importance du volontariat dans le processus des changements
nécessaires à la société, les volontaires étant les « intermédiaires » de ces
changements. Il a aussi évoqué le « volontariat électronique qui permet à
des compétences bénévoles d’aider les gens à se servir des Nouvelles
technologies ».
Mme Renata Bloem, président de la Conférence des ONG en relation
consultative avec les Nations unies (CONGO) s’était, elle, appesantie sur
l’importance de la société civile dans le processus menant au SMSI et sur le
rôle de son organisation, née en 1948. C’est par l’action sur le terrain, des
volontaires et de la société civile, qu’on pourra combler la fracture
numérique, avait-elle martelé. L’ambassadeur de Suisse au Sénégal, Livio
Hürzeler, avait, pour sa part, rappelé le soutien des autorités suisses à
toutes les initiatives autour du SMSI, affirmant aussi que le président
Abdoulaye Wade a été « un des premiers à comprendre l’enjeu des
Nouvelles technologies », et que « le principe de la solidarité numérique a
été admis lors des réunions préparatoires au SMSI ».
Quant à Mme Mame Fatim Guèye, ambassadeur, secrétaire général de la
Commission nationale pour la Francophonie, elle avait estimé que le but du
symposium était de « trouver les voies et moyens de rendre la densité de la
Toile plus efficace » dans un processus « qui nous occupera au-delà du
Sommet mondial sur la société de l’information ». Rappelant également les
devoirs des volontaires, elle avait soutenu que ce sont eux « qui mettent en
pratique le savoir ».
La cérémonie d’ouverture a aussi enregistré les messages vidéo de
Guy-Olivier Segond, ambassadeur spécial SMSI, et d’Adama Samassékou,
président des PrepComs du SMSI. Le premier, après avoir rappelé que 91 %
des usages des NTIC sont localisés dans un espace qui ne regroupe que 19
% de la population mondiale, a posé le problème de la fracture numérique
qui « ne concerne pas seulement les infrastructures, mais aussi les
contenus ». Elle oppose non seulement Nord et Sud, mais aussi villes et
campagnes, jeunes et vieux. Pour la réduire, il faut compléter la coopération
Nord-Sud par la coopération Sud-Sud, « souvent plus respectueuse et plus
adaptée ». Pour lui, il faut mobiliser et préparer la grande famille des
volontaires et des bénévoles qui doit être écoutée.
M. Samassékou a d’emblée remercié le président Wade pour « ses efforts
pour l’avènement de la société de l’information » et pour son concept de
solidarité numérique « qui fait un bon chemin ». Il est important, selon lui, de
transformer la fracture numérique en perspective numérique, et que, chacun
puisse participer à une telle ambition dans la diversité culturelle et
linguistique, richesse des peuples. Il a aussi mis en exergue la nécessité
d’une solidarité (sociale). « Rien de durable ne se fera si nous ne changeons
pas nos habitudes, a-t-il averti en substance. Comme les éducateurs aux
droits humains, a-t-il conclu, les volontaires, acteurs de proximité, sont les
défricheurs du futur.
Les travaux du symposium se poursuivent, aujourd’hui et demain samedi,
en ateliers dans les cinq grands thèmes retenus : infrastructure, formation,
développement de contenus, partenariats et financements, cadre
institutionnel. Une conférence de presse est prévue par les organisateurs ce
vendredi à 10h 30.
ALAIN JUST COLY
(Source : Le Soleil 24 octobre 2003)