Vandalisme de la fibre : un frein aux ambitions de désenclavement numérique du Tchad
vendredi 21 novembre 2025
En tant que pays enclavé, le Tchad dépend de ses voisins côtiers pour accéder à la connectivité internationale. Pour cela, des interconnexions sont nécessaires, comme celle qui existe avec le Cameroun, actuellement unique fournisseur du Tchad.
Le ministère tchadien des Télécommunications, de l’Économie numérique et de la Digitalisation a signalé, mercredi 19 novembre, un acte de vandalisme sur un tronçon de la composante tchadienne de la Dorsale transsaharienne de fibre optique (DTS). C’est le deuxième incident en moins de deux semaines sur cette infrastructure, qui doit permettre de désenclaver numériquement le Tchad et qui est actuellement achevé à 52 %.
Les deux incidents ont eu lieu sur l’axe Massakory-Ngouri. « Une chambre à fibre optique située à environ 18 km de Massakory a été saccagée. Les auteurs ont soulevé les dalles et coupé le câble sans rien emporter. Un acte de vol ? Difficile à qualifier puisque rien n’a été retiré de la chambre et la boîte de jonction est intacte », explique le ministère dans un communiqué sur Facebook. Il a indiqué qu’une plainte contre X a été déposée et qu’une enquête déterminera les responsabilités.
Le projet DTS est financé par l’Union européenne à hauteur de 28,9 millions d’euros (33,3 millions $). Il consiste en la construction d’une dorsale de 509 km reliant Massaguet-Massakory-Ngouri-Bol-Liwa-Rig Rig-Daboua-Frontière du Niger, ainsi que 50 km de réseau dans la ville de N’Djaména. Le projet DTS vise à désenclaver le Tchad en lui offrant un accès numérique aux câbles sous-marins en Méditerranée et en le connectant au Niger, au Nigeria, au Mali, au Burkina Faso, à la Mauritanie, à l’Algérie et à la Tunisie.
Concrètement, cette interconnexion doit permettre au Tchad d’acheminer la capacité internationale indispensable à l’accès Internet en s’appuyant sur les pays côtiers. Toute coupure sur l’infrastructure de transport compromet donc l’acheminement de ces flux et peut entraîner des perturbations du réseau à l’échelle nationale. Le pays en a déjà fait l’expérience à plusieurs reprises avec la liaison passant par le Cameroun, où des ruptures de fibre ont provoqué des ralentissements et des interruptions de service.
Le problème du vandalisme de la fibre optique est commun à la plupart des pays africains. Au Nigeria, où environ 50 000 incidents de coupures de fibre ont été signalés en 2024, le gouvernement a signé une ordonnance criminalisant toute atteinte délibérée aux infrastructures télécoms, dont la fibre optique. En Gambie, le gouvernement a adopté en avril 2023 une politique de protection des infrastructures à fibre optique, assortie d’une amende minimale de 500 000 dalasis (environ 6800 $) pour tout dommage causé au réseau. Les acteurs du secteur dans plusieurs pays africains mettent en œuvre des initiatives comme les campagnes de sensibilisation, la coordination entre les acteurs, le renforcement de la surveillance de l’infrastructure…
Si aucune mesure particulière n’a été annoncée, rappelons que la loi tchadienne sur les communications électroniques de 2014 prévoit dans son article 116 une peine d’emprisonnement d’un an à cinq ans et une amende de 5 millions de francs CFA (environ 8 800 $) à 50 millions de francs CFA, ou l’une de ces deux peines seulement, pour celui qui, par tout moyen, « cause volontairement l’interruption des communications électroniques ».
Isaac K. Kassouwi
(Source : Agence Ecofin, 21 novembre 2025)
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