Le pays d’Afrique de l’Ouest, dans une situation économique préoccupante, a décidé de taxer les paiements mobiles et les transferts d’argent pour renflouer ses caisses. Au grand dam de l’opinion publique.
Cinq mois après une première tentative marquée par un pugilat entre députés et mouvements de protestation au sein de l’opinion publique, le gouvernement ghanéen a fait entériner, mardi 29 mars au Parlement, une nouvelle taxe sur les paiements électroniques d’un montant supérieur à 100 cedis (environ 16 dollars). Une étape franchie non sans mal, puisque le vote a été tout bonnement boycotté des députés de l’opposition, farouchement contre l’initiative.
Baptisée e-levy, la taxe de 1,5% devrait s’appliquer à la fois aux virements bancaires, aux opérations de transferts d’argent, aux paiements des commerçants ainsi qu’aux transactions par Mobile Money impliquant notamment les opérateurs de téléphonie. Avec comme principe, des frais à la charge de l’expéditeur, excepté les cas de transferts entrants.
Augmenter les recettes de l’État
L’État ghanéen vise, à travers cette taxe, une augmentation de ses recettes fiscales, dans un contexte de raréfaction des ressources. Le Ghana, une des principales économies d’Afrique de l’Ouest, est en effet confronté à une crise sans précédent depuis l’apparition du coronavirus.
Une situation amplifiée par la guerre russo-ukrainienne. Conséquence : le niveau de la dette - près de 80% du PIB - explose face à une inflation galopante. Le cedi, la monnaie nationale, est fortement déprécié et les investisseurs échaudés par les notations négatives des agences spécialisées, ont de moins en moins confiance en la capacité de solvabilité du pays.
Ce tableau économiquement précaire pour l’ancienne Côte-de-l’Or fait resserrer l’étau autour du président Nana Akufo-Addo. Même s’il en est à son second et dernier mandat depuis fin 2020, son parti, le New Patriotic Party (NPP), pourrait bien faire les frais du mécontentement ambiant lors des prochaines échéances électorales.
C’est ce contexte qui explique l’avènement du e-levy parmi tant d’autres mesures drastiques décidées ces dernières semaines, pour empêcher, ou, à tout le moins ralentir, la paupérisation de la population. D’autant que l’État ghanéen, malgré les exhortations, exclut de solliciter l’aide du FMI.
Le pouvoir parie notamment sur l’engouement autour des transactions numériques chiffrées à 500 milliards de cedis en 2020, soit 80 milliards de dollars. Objectif : générer 6,96 milliards de cedis (1,1 milliards de dollars) dans les caisses de l’État cette année.
« Les autorités prévoient d’augmenter les recettes intérieures de 44 % en 2022 », lit-on dans un document de la Banque mondiale rendu public en février.
L’opinion publique reste fortement opposée à cette taxe perçue comme pénalisante pour les populations ; surtout celles vivant loin des métropoles, pour lesquelles le Mobile Money, par exemple, constitue un outil d’inclusion financière. Nombre de commerçants indiquent d’ores et déjà refuser les transactions via ce mode de paiement, pourtant plus populaire que les banques au Ghana comme dans plusieurs autres pays africains.
L’État, dont les finances sont désormais sous coupe réglée, ne l’entend pas de cette oreille. Il est décidé à aller jusqu’au bout, quitte à mettre à mal les efforts entrepris ces dernières années pour promouvoir les services financiers numériques.
(Source : Voice of America, 6 avril 2022)