Nous avons noté ces derniers temps avec circonspection un affrontement à fleurets mouchetés et par presse interposée, de deux acteurs du monde des Télécoms. Cette période est également marquée parle décès de Alassane Dialy Ndiaye, Fondateur et premier DG de SONATEL. Je saisis cette occasion pour lui rendre un hommage mérité. Tout en m’inclinant devant sa mémoire, je prie le Tout Puissant de l’accueillir au Paradis.
Après quelques jours de réflexions, je décide de sortir de mon silence pour partager un certain nombre de constats et de convictions sur la situation actuelle de notre système de télécommunications en indexant les acteurs qui le composent.
Les télécommunications jouent un rôle capital dans la souveraineté des états en ce sens qu’ils englobent les questions économiques, de développement et de sécurité. L’avènement du Numérique et de l’Intelligence Artificielle font que tout état doit les inscrire dans ses axes de développement stratégiques. Cela passe par une maîtrise dans l’évolution des réseaux de télécommunications mais également des offres de services destinées à faciliter leur utilisation par les acteurs économiques et les populations.
Nous avons l’ARTP qui a une démarche de spoliation des ressources stratégiques telles que les licences et les fréquences sans qu’on aborde la réflexion dans le fond sur la véritable place de l’état dans cet écosystème. L’état a mis en place l’ADIE devenu Société des Services Numérique sans jamais lui faire jouer un véritable rôle dans le domaine du développement numérique de notre état en lui permettant de bénéficier de ce secteur à fort potentiel de revenus. Le débat sur l’infrastructure comme souveraineté de l’état et les services concédés aux opérateurs reste de vigueur.
Pour en revenir à l’état actuel de nos réseaux, force est de reconnaitre que les utilisateurs continuent de souffrir de la qualité de service offerte même dans les grandes agglomérations avec les réseaux 3G et 4G. considérons juste les 2 plus importantes que sont Dakar et Diourbel où on continue de noter des zones de non-réseaux. Ne parlons donc pas des zones rurales où le réseau est parfois absent.
Les opérateurs entament leur saut vers la 5G laissant derrière eux un océan de zones dites blanches où les clients particuliers comme entreprises souffrent pour accéder correctement aux services de télécommunications notamment dans l’accès à Internet.
On est dans le FUN, le combat de l’innovation tout en laissant de côté ce qui est convenu d’appeler le Customer Need.
La 5G va certainement révolutionner l’usage des services du numériques dont les meilleures applications restent dans les domaines de la santé et de l’éducation donc des domaines prioritaires d’unétat en développement. Son utilisation dans le domaine agricole comme certains semblent le mettre au-devant relève plutôt d’un maquillage artistique de la scène. Les paysans que nous sommes serions déjà très contents si la 3G était assurée en permanence dans nos zones agricoles avant de songer à la 4G encore moins à la 5G.
Dès l’avènement de la 5G, nous avons relevé les positions affichées déjà par les Etats Unis et l’Europe de manière générale sur les technologies qui seront autorisées pour continuer à garantir la sécurité de leurs états et leur éviter toute act de cyberattaque voire d’accès à des données stratégiques telles militaire ou autres. Même si on soupçonne qu’au-delà de cette menace sécuritaire, ces pays affichent un protectionnisme face à la montée de l’industrie asiatique très en avance dans ce domaine de la haute technologie.
Est-ce que notre état dans son cahier de charge s’est entouré de précaution sur l’utilisation de certaines technologies ? s’est-il donné les moyens de contrôler de suivre la QS sur les réseaux encours de déploiement ?
Je crains fort que nous risquions grandement de rater une fois de plus le virage vers les réseaux du futur en confiant son développement à des entreprises commerciales qui n’ont pas encore fini de construire les réseaux de bases et pour qui certains besoins dits primaires de leurs clientèles ne sont toujours pas satisfaits.
L’état a besoin plus qu’une quelconque autre entreprise de posséder les réseaux 5G qui seront de véritables leviers pour développer nos systèmes éducatifs (universités virtuelles, téléenseignement.) et nos systèmes de santé avec la télémédecine pouvant palier au déficit de spécialistes dans certaines zones éloignées et permettre à toutes les populations un accès facile aux différents services de santé. Mais la 5G, dans nos états en développement devra être mis à contribution pour favoriser les recherches dans l’ensemble des domaines stratégiques tels la santé, l’éducation, l’agriculture, les questions d’environnement mais surtout pour accompagner l’introduction et le développement de l’intelligence artificielle au sein des entreprises de la place.
Moussa Diop
(Source : Léral, 11 mai 2024)