Un bien mauvais signal adressé aux investisseurs étrangers
mardi 2 décembre 2008
Pour ceux qui doutait encore du caractère surfait de l’action engagée par les autorités sénégalaises contre le second opérateur de téléphonie mobile, Sentel GSM, les décisions prises tout au long du mois de novembre pour apporter des solutions urgentes à la crise des finances publiques sont venues confirmer ce que nombre d’observateurs avaient supputé. En effet, l’opération lancée contre Sentel, s’inscrit purement et simplement dans une stratégie faisant feu de tous bois pour résorber de tout urgence une dette intérieure oscillant, officiellement, entre 130 milliards et 174 milliards de Francs CFA. Parallèlement à cette attaque en règle contre Sentel, visant ni plus ni moins à la faire cracher au bassinet comme cela a été dit presque ouvertement par un ministre de la République lors de la dernière session budgétaire à l’Assemblée nationale, une série de décisions ont été prises visant à tirer profit de la vache à lait que représente le secteur des télécommunications. La première, bien mal inspirée, a consisté à vendre 1,9% des actions flottantes que l’Etat détenait dans le capital de la Sonatel à un moment où le prix de celles-ci a baissé de 46,15% par rapport à ce qu’il était au début de l’année. Résultat, de cette opération symbolisant « le Sénégal qui perd », les 199 642 actions vendues par l’Etat en novembre 2008 n’ont rapporté que 19,82 milliards de francs Cfa quant l’Institution de prévoyance retraite du Sénégal (IPRES) qui n’en avait vendues que 75 003 en février de la même année avait retiré 13,5 milliards francs Cfa. Non contents de cette opération calamiteuse, ceux qui gèrent, bien mal, les finances publiques, ont gagé les actions que l’Etat détient dans le capital de la Sonatel pour obtenir rapidement des liquidités, comme le ferait n’importe quel « goorgoorlu », confronté à la pauvreté, qui gagerait ses derniers biens auprès d’usuriers pour tenter de garder la tête hors de l’eau ou plutôt comme ceux qui se livrent à la pratique du « boukiman » afin de pouvoir faire face au train de vie qu’ils ont choisis de mener sans pour autant en avoir les moyens. Enfin, la troisième étape a été de demander à la Sonatel d’anticiper le paiement des impôts et taxes qu’elle doit à l’Etat, autre pratique peu orthodoxe, mais qui est conforme à la pratique actuelle de l’Etat consistant à engager des dépenses sans pour autant disposer des sommes en question dans les caisses du Trésor public, consistant en quelque sorte à demander à un citoyen de payer l’impôt sur des revenus qu’il n’aurai pas encore touchés. Comme si cela ne suffisait pas, pour démontrer le caractère illégitime sommes exigés de Sentel, au moment où l’Etat sénégalais exige de cette société le paiement séance tenante d’une somme de 100 milliards de Francs CFA pour sa licence de téléphonie mobile, cette dernière s’est vue attribuer une licence de téléphonie mobile au Rwanda, pays dont la population est légèrement inférieure à celle du Sénégal et qui est connu pour la consistance et le sérieux de sa politique en matière de TIC, pour la somme de 30 milliards de Francs CFA ! Pour le Sénégal qui a l’ambition de devenir un pays émergent, en misant principalement sur l’investissement étranger, c’est un bien mauvais signal qui est ainsi adressé aux investisseurs potentiels qui exigent avant tout de pouvoir compter sur des garanties solides en matière de sécurité juridique et judiciaire afin de protéger leurs investissements. En effet, si les firmes qui veulent investir au Sénégal ont le sentiment qu’à tout moment l’Etat peut revenir sur les accords qu’il a signé avec elles et que par ailleurs elles peuvent se voir extorquer des fonds destinés à corriger les « erreurs » de gestion de la puissance publique, alors il est clair qu’ils se détourneront du Sénégal pour aller sous d’autres cieux. Ce qui ressemble à un « acharnement » contre Sentel est d’autant plus mal venu que le secteur des télécommunications est devenu un secteur clé du développement quand on sait que dans un pays comme le Nigeria, les revenus issus de la téléphonie mobile sont supérieurs à ceux provenant du pétrole !
Ousmane Sylla
(Source : Regul-Telco-Afrik, 2 décembre 2008)