Troc d’Etat sur 100 milliards de francs Cfa : Une partie du « bloc stratégique » des actions à la SONATEL mise sur le marché
mardi 24 février 2009
L’Etat du Sénégal semble ne plus trouver une solution pour sortir de la crise financière qui le tenaille. En effet, pour honorer des découverts consentis auprès des banques qui avaient payé certaines entreprises privées, il a fini de ficeler une opération de troc sur une partie du « bloc stratégique » de ses actions à la Sonatel. Pendant ce temps, celle-ci cherche 30 milliards sur le marché financier.
Tenaillé par la crise et la conjoncture économique, l’Etat du Sénégal s’est investi pour faire face et résoudre, par la même occasion, l’insoluble équation de la dette intérieure qu’il peine à payer. Dans le lot de mesures alors prises pour régler l’ardoise due au secteur privé, figure la vente des actions flottantes que l’Etat détenait dans le capital de la Sonatel. Dans notre édition n°1622 du jeudi 19 février 2009, il a été annoncé la volonté de l’Etat de mettre sur le marché la totalité ou une partie du « bloc stratégique des actions de l’Etat à la Sonatel. Maintenant, on en sait un peu plus sur les dessous et les manœuvres de cette opération pour le moins secrète. En effet, c’est une grosse opération d’environ 100 milliards de francs Cfa que l’Etat est en train de monter pour renflouer ses caisses et apurer sa dette intérieure. Seulement, le mécanisme suscite des inquiétudes, et est sujet à des interrogations en ce sens que c’est le bloc stratégique des actions à la Sonatel qui va servir de garantie. En effet, certaines banques de la place avaient été approchées pour payer des entreprises auxquelles l’Etat doit de l’argent. Mais, devant l’incapacité de la puissance publique à rembourser ses créances pour pouvoir bénéficier d’autres découverts, l’Etat va payer les banques par un système de troc contre des actions du bloc stratégique. Les services du ministère des Finances n’ayant pas voulu trop s’épancher sur la question, il reste, selon des personnes mises à contribution dans cette opération, que l’Etat ne va pas seulement se limiter à l’échange de la valeur des actions contre les sommes dues aux établissements bancaires ». Car, l’on annonce qu’un « package global » d’un peu plus de 100 milliards sera extrait du bloc stratégique. Le surplus de la somme devra être versé au Trésor public pour faire face à des dépenses urgentes.
Dans cette opération où l’Etat aliène une partie de son patrimoine, ce sont les banques qui se frottent les mains. D’une part, elles rentrent en possession de leur argent et gagnent dans ce marché en s’octroyant des actions dont le cours ne cesse de connaître des hausses sur le marché de la bourse. D’autre part, les bénéfices du troc s’étendent dans le temps, dans la mesure où les banques, en sus de conserver la valeur marchande de leurs actions vont continuer à tirer des dividendes générées par leur entrée dans le capital de la Sonatel. Et compte tenu du fait que la plupart des entreprises privées avaient préfinancé leurs prestataires de service à travers des prêts et des garanties bancaires, l’argent revient à la case de départ. Car, les banques ne se privent pas de recouvrir, d’abord, les créances que leur doivent des entreprises. Des sources anonymes au niveau du Ministère de l’Economie et des Finances assurent qu’il n’y a rien d’irrégulier dans cette opération. Et que la transparence est de mise. Comme elle le sera dans la vente du Méridien-Président, où l’on annonce un appel d’offres en bonne et due forme qui sera bientôt lancé.
N’empêche des spécialistes de la haute Finance affichent leur scepticisme quant à la pertinence de cette opération. Ces derniers constatent en effet qu’elle ne permet pas d’engager de nouveaux fonds dans le système financier. C’est un montage qui permet à l’Etat de souffler sans réellement doper la machine économique.
Cette opération lourde de 100 milliards de francs Cfa intervient au moment où la Sonatel décide de lancer, sur le marché financier, un emprunt obligatoire de 30 milliards de francs Cfa. Même s’il est difficile d’établir un lien entre ces deux opérations, cet emprunt, dont la date de lancement est annoncée pour le mois de juillet prochain, s’explique par le besoin de la société de téléphonie de réaliser des infrastructures dont elle a besoin. Mais, selon des sources, la Direction de la Sonatel aurait souhaité que les banques et les sociétés d’assurance intéressées par ce marché passent à la caisse dès maintenant. Cet empressement de la Sonatel à vouloir anticiper sur les souscriptions à l’emprunt obligataire suscite des interrogations. Mais du côté de la Sonatel, l’on se refuse à livrer une version officielle. Le chargé de la Communication, Bassirou Ndiaye, que nous avons joint au téléphone, a laissé entendre n’avoir aucune information à nous fournir à ce sujet. Mais assure que si cela se confirme, il s’agirait là d’une opération banale. Et ce n’est pas parce que la Sonatel draine des milliards qu’elle ne doit pas emprunter auprès des banques.
Ndiaga Ndiaye
(Source : L’Observateur, 24 février 2009)