TIC et Libertés : Les experts élaborent une « base de données » pour le législateur
mercredi 31 août 2005
Riches et fructueux. Ces deux qualificatifs collent aux échanges menés par les experts et professionnels du Droit qui ont participé au séminaire organisé par l’Agence de l’informatique de l’État (Adie), clôturé hier, sur le thème « Informatique et libertés, quel cadre juridique pour le Sénégal ? ». Au-delà du cadre législatif et réglementaire adéquat auquel veulent parvenir les spécialistes, ces derniers ont déblayé au législateur le chemin pour mieux se pencher sur l’un des fléaux des temps modernes : l’Internet. Ainsi, les questions des données personnelles, de l’économie numérique et de la cybercriminalité ont été passées au peigne fin. La valise de recommandations ne devrait, selon les souhaits du ministre de la Justice, nullement occulter la « protection des droits fondamentaux des citoyens dans l’univers électronique ».
« Nous avons pu réunir une masse d’informations qui nous permet non seulement d’identifier plus précisément, et plus rigoureusement, les contours et le contenu des lois prioritaires de ce nouveau cadre juridique, mais également d’engager dans de meilleures conditions les chantiers y afférents ». La certitude du ministre d’État, ministre de la Justice et garde des Sceaux, Cheikh Tidiane Sy, qui a clôturé le séminaire sur l’ « Informatique et libertés, quel cadre juridique pour le Sénégal ? », est fondée par la qualité et les contributions des experts qui ont alimenté les deux journées d’échanges. Et d’ores et déjà, la voix semble balisée pour de « nouvelles perspectives et l’émergence d’une nouvelle perception en matière de prise en charge du cadre et du régime juridique des questions liées aux Technologies de l’information et de la communication par le Droit positif sénégalais », a indiqué M. Sy.
Il était ainsi nécessaire de mener ces débats intenses en vue de l’adoption prochaine d’ « un cadre législatif et réglementaire adéquat (puisque) les réformes législatives ont pour objectif la mise en place d’un cadre normatif approprié ».
Il convient de rappeler que trois grands thèmes ont été ouverts aux ateliers comme en plénières. Ainsi, il est revenu aux participants de se pencher sur les données personnelles, le commerce électronique et la cybercriminalité. Pour l’autorité ministérielle, il s’est agi, eu égard à l’adoption des lois, de « protéger les droits fondamentaux des citoyens dans l’univers électronique ».
Protéger les droits fondamentaux
Il est revenu au Pr Abdoullah Cissé, doyen de l’Unité de formation et de recherches (Ufr) en Sciences juridiques de l’Université Gaston Berger, de présenter la synthèse des travaux. Le Pr Cissé a rappelé la « démarche participative et inclusive de l’ensemble des acteurs et les trois soucis constants d’équilibrer pour dépasser la tension entre l’économie et les droits humains ». Cette logique conduisant inévitablement à un « Droit en adéquation avec nos institutions politiques et nos structures économiques, sociales et mentales ».
Sur les données personnelles, une éventuelle loi ne pourrait être envisagée comme un « luxe, mais une nécessité ». Seulement, il s’agira de « veiller à trouver le meilleur équilibre entre les exigences de la liberté d’entreprise et les respects des droits fondamentaux ». Le dispositif devrait, en outre, conjuguer avec une lisibilité, une accessibilité et une prévision des données.
Le législateur se devra également d’être ingénieux pour la mise en place de mécanismes à même de « protéger les citoyens dans le cadre des transferts frontaliers de données », a récapitulé Abdoullah Cissé. Il aura aussi mis en exergue des enjeux importants ayant trait à la « fiabilisation de l’état-civil et du fichier électoral, preuve de l’identité... ».
L’adoption de la loi sur les données personnelles devrait induire, la « nécessaire harmonisation du caractère juridique. Il conviendra ainsi d’articuler la loi sur les données personnelles et la loi sur la cybercriminalité avec la loi sur l’identification numérique et mettre en harmonie la nouvelle loi sur l’identification numérique avec le Droit positif ».
La nécessité de garantir la sécurité sans préjudice à la liberté d’application doit être de mise dans l’économie numérique. Le Pr Cissé a appelé à « consacrer la signature numérique en vue de garantir la sécurité des échanges électroniques et la protection du consommateur, organiser la preuve et régler la coexistence des documents papiers..., à réglementer les applications des techniques électroniques ».
Des éléments de « parade » ont été identifiés contre la cybercriminalité. Ainsi, l’universitaire a demandé des mesures pour « favoriser en modèle juridique normalisé par l’adoption de nouvelles incriminations et des incriminations actuelles, l’aménagement de règles de procédure, l’adaptation de la formation des professionnels ».
IBRAHIMA KHALILOULLAH NDIAYE
(Source : Le Soleil, 31 août 2005)