Télécommunications : La Sonatel dans le collimateur des opérateurs de terminaison d’appels
samedi 23 novembre 2002
Les opérateurs privés de terminaison d’appels, regroupés en collectif, ont donné
hier un point de presse pour dénoncer certaines pratiques de la Sonatel qu’ils
jugent déloyales. Ils lui reprochent de pratiquer une politique commerciale
discriminatoire envers les opérateurs sénégalais et d’exiger le paiement de
factures erronées.
"Il existe une dizaine d’opérateurs privés de terminaison d’appels au Sénégal,
explique Abdoulaye Diagne, directeur général d’Infocom International et membre
du Collectif des opérateurs privés de terminaison d’appels (Copta). Aujourd’hui,
du fait de certaines pratiques de la Sonatel, aucun ne fonctionne".
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont permis de
modifier radicalement les pratiques de télécommunications internationales. Les
avancées dans ce domaine offrent dorénavant la possibilité de téléphoner de
l’étranger en passant par Internet, ce qui réduit considérablement les coûts.
Désormais, le protocole Internet (IP) peut être utilisé pour, non seulement
transmettre des données, mais également des paquets contenant des appels
d’une destination à une autre (locale, nationale ou internationale).
A titre d’exemple, une ligne louée de 512 kbits/s peut véhiculer jusqu’à 50
communications simultanées selon les algorithmes de compressions utilisés.
L’intérêt réside dans le coût. L’acheminement par l’IP est gratuit. Le coût de
l’appel est donc quasiment équivalent à celui d’un appel local. La Sonatel, qui
dispose du monopole de la boucle locale, réglemente les appels internationaux
passant par la voie sur IP. Le Copta s’élève contre certaines pratiques
commerciales de la Sonatel qu’il qualifie de déloyales. Il souhaite également
avertir l’opinion sur les erreurs de facturation que ses membres endurent en leur
défaveur.
"Nous subissons un traitement discriminatoire dans la fixation des prix de la
minute de la terminaison d’appels", explique M. Lamine Sèye du collectif. Selon
lui, la minute appliquée à la téléphonie fixe est vendue 30% plus cher aux
opérateurs sénégalais par rapport aux opérateurs étrangers. "Sur les cellulaires,
la minute est tellement élevée qu’on ne peut faire des offres", ajoute-t-il.
Enfin, la bande passante serait vendue 35% moins cher aux opérateurs étrangers tel Itxc, gros opérateur
américain hébergé par la Sonatel et qui ramasse beaucoup de trafic. Le collectif s’insurge donc contre le
système de gestion de « deux poids, deux mesures » appliquées par la Sonatel en fonction des origines de
l’opérateur et, cela, pour le même produit et le même marché. D’autant plus, complète un membre du Copta,
que c’est la Sonatel qui héberge les opérateurs internationaux qui n’ont donc pas à supporter les coûts et les
taxes d’une installation physique.
En ce qui concerne la facturation, les opérateurs de terminaison d’appels ont, pour la plupart, relevé de graves
anomalies n’allant pas dans leurs intérêts. Ces erreurs ont été signalées à la Sonatel. "Nous sommes de
bonne volonté, nous sommes prêts à payer. Mais, avant de payer une facture, il faut qu’elle soit conforme",
martèle M. Diagne. Avant d’ajouter : "nous demandons à la Sonatel de faire des séances de rapprochement et
elle nous rétorque de payer d’abord et de réfléchir ensuite !".
Les membres du Copta ne comprennent pas la réaction de la Sonatel. Ils affirment qu’il y a de la place pour
tout le monde dans ce marché et que les infrastructures de la société de télécommunications ne permettent
pas de supporter tous les appels entrants. "Quand nous nous sommes engagés sur le marché, nous croyions
en la bonne foi de la Sonatel, affirme M. Diagne. Nous ne pouvions envisager qu’elle ferait payer moins cher
aux opérateurs étrangers. La Sonatel a l’attitude d’une société en situation de monopole. Elle affirme ainsi sa
volonté de nous nuire, sans aucune raison valable".
Selon les membres du Copta, des contacts ont été noués avec les autorités et l’Agence de régulation des
télécommunications (Art) pour les amener à se pencher sur leur cas.
VINCENT JOGUET
(Source : Le Soleil 23 novembre 20002)