Systèmes de dédouanement : « Gaindé » et « Orbus », en vitesse de croisière
lundi 31 janvier 2005
Au centre du système informatique douanier, le colonel Augustin Ndione fait partie des concepteurs du logiciel « Gaindé ». Après quelques années de fonctionnement, ce système a été renforcé par la mise au point d’un nouvel outil, « Orbus », qui facilite les procédures douanières.
Quelles sont les innovations majeures que le système « Gaindé 2000 » a apportées dans l’évolution du système de dédouanement électronique ?
On est parti d’un système de dédouanement centralisé vers un système de dédouanement décentralisé multipolaire. La modernisation du système Gaindé se base essentiellement sur le fait qu’aujourd’hui, les techniques utilisées sont des techniques de l’Internet qui offrent beaucoup plus de fiabilité, de maniabilité et de convivialité pour l’utilisateur. La première information de base, c’est l’anticipation sur la marchandise qui arrive. Avant, on ne pouvait rien faire sans que la marchandise ne soit débarquée, manifestée et prise en charge par le système. Avec « Gaindé 2000 », la douane peut anticiper ses contrôles parce que l’information vient avant la marchandise. La deuxième innovation est que la traçabilité de l’opération est suivie non seulement par la douane, mais aussi par l’usager qui a la possibilité de suivre le cheminement de la déclaration. La troisième innovation est qu’il y a d’autres modules qui sont venus enrichir l’application. On a collé le logiciel « leuk » qui est en fait un logiciel d’information documentaire et des statistiques. À travers « leuk », vous pouvez retrouver le produit recherché. Ce système vous sort toutes les positions tarifaires douanières et vous permet même de simuler le calcul des droits de taxe éventuels, etc. D’ailleurs, on va le mettre sur le site web pour que les gens puissent accéder facilement à cette information. À ces innovations, on peut ajouter le calcul des analyses de risque qui permet d’accentuer la flexibilité des contrôles. Pour systématiser le contrôle, on a mis dans le système des critères qui permettent d’orienter la marchandise vers un circuit qui permet à la douane de se fixer sur les pourcentages des différentes marchandises. Cela rend la fluidité des mouvements beaucoup plus accentuée.
L’intégration d’Orbus dans le système « Gaindé 2000 » constitue sans doute l’innovation de taille. Pouvez-vous nous expliquer, de manière détaillée, ce nouveau logiciel ?
Le système Orbus, c’est un espace d’échanges entre plusieurs acteurs. Les uns demandent et les autres fournissent des documents. Au lieu de faire du porte-à-porte pour collecter les différents documents qui viendront à l’appui de la déclaration faite dans les délais, on permet, dans un espace virtuel, au demandeur d’établir sa demande sans bouger. C’est un grand apport dans l’environnement de dédouanement, car tous les documents sont collectés et reliés à travers le système « Gaindé » par le système Orbus. Il suffit simplement de créer un numéro de dossier Orbus.
On n’entend plus parler de panne du système « Gaindé » comme cela a toujours été le cas, il y a quelques années. Qu’est-ce qui explique cette performance ?
Vous me donnez l’occasion de revenir en arrière pour expliquer les énormes difficultés qu’on a connues au début. Ces difficultés étaient essentiellement d’ordre pratique, organisationnel, mais jamais elles n’étaient conceptuelles. On ne nous a jamais dit que telle procédure informatisée ne marchait pas. Le système conceptuel en tant que tel n’a jamais fait défaut. Quand on parle de panne, c’est toujours l’environnement physique qui a fait défaut. Pour résoudre cette équation, nous avons revalorisé l’environnement physique et nous avons délocalisé le site, parce que le site initial n’était pas fonctionnel. Nous avons également changé de gamme de machine et nous sommes passés d’un système de grosses machines à celles de moindre taille avec des puissances plus importantes. Et, en plus, nous avons sécurisé l’environnement, c’est-à-dire que nous avons renforcé tous les bureaux par des groupes électrogènes et, au niveau central, nous avons deux groupes qui supportent le système. Nous avons rarement touché au concept « Gaindé » et certains émissaires européens qui étaient venus visiter le site ont reconnu qu’au niveau conceptuel, nous avons un des meilleurs systèmes. Ce n’est pas pour rien que certains pays lorgnent vers le Sénégal pour avoir le même système.
Justement, qu’est-ce qui explique l’intérêt des autres pays en faveur de ce système ?
Le Kenya, qui a sollicité nos services, est allé voir à Singapour, aux Philippines, en Tunisie, un peu partout dans le monde. Il a comparé tous ces systèmes et, finalement, il a opté pour le système sénégalais, aussi bien le système « Gaindé » que le système « Orbus » intégré. Parce que ce pays a vu les avantages que ces systèmes offrent. Mais, il faut dire qu’il y a eu beaucoup de travail qui s’est fait dans les coulisses. La première difficulté a trait à la langue, car les Kenyans sont anglophones et nous francophones. Il y a surtout un problème d’adaptation d’architecture parce qu’au Kenya, ils ont la douane, les taxes indirectes et la Tva regroupées sous un même système (appelé Kenyan autority). Il y a actuellement une mission qui est au Kenya en train de finaliser l’étude pilote, parce que nous voulons que dans les prochains mois, cette étude soit opérationnelle au niveau de Nairobi.
Une technologie a souvent des défaillances. Quelles sont les assurances que vous donnez aux usagers ?
Vous pouvez rester dans votre bureau et concevoir un système informatique, le tester, le lancer et, dès que vous le déployez en grandeur nature, vous avez des problèmes immenses. Cela parce qu’il y a des réalités qui sont vécues par des usagers que vous n’avez pas intégrés dans votre conception. Les problèmes que nous avons rencontrés en 1996 ne sont plus les mêmes parce que la technologie a évolué. Aujourd’hui, l’essentiel des problèmes est bien identifié puisque des séances de pilotage périodiques sont organisées avec les usagers. Nous avons créé un comité de suivi et d’évaluation dans lequel participent tous les acteurs aussi bien les banquiers, les transitaires, les assureurs que les corps administratifs. Nous nous sommes rendus compte que ce sont des problèmes purement techniques dans les programmes qui se sont révélés avec des insuffisances de capacité de transmission des données qui sont pour la plupart des données scannées. Et, petit à petit, nous avons affronté ces problèmes en invitant chacun des acteurs à venir les exposer. Les techniciens se sont rencontrés, ils ont pris à bras le corps ces problèmes et ils les ont réglés. Aujourd’hui, à chaque fois que nous nous rendons compte que certaines questions reviennent de manière récurrente au niveau des usagers, nous provoquons une rencontre pour renforcer la formation.
Le Kenya est-il le seul pays intéressé par ce système ? Est ce qu’il y a d’autres qui sont également fascinés par ces modèles ?
Il faut d’abord préciser qu’en matière douanière, les principes sont partout les mêmes. Ce que nous faisons, c’est d’essayer de montrer aux autres que les problèmes auxquels ils sont confrontés sont pris en charge dans notre application. Le Togo nous a contactés et, à partir du 19 de ce mois, il y aura une mission complémentaire à l’étude dans ce pays. Il n’y a pas beaucoup de pays qui se sont rapprochés de nous pour voir s’ils ne pouvaient pas expérimenter chez eux un système avec l’expertise sénégalaise.
Une technologie ne s’arrête jamais d’évoluer. Quelles sont alors les perspectives pour rendre Orbus encore plus performant ?
Cette préoccupation, si vous l’avez tout le temps à l’esprit, ça vous permet d’anticiper sur la charge de travail qui va se démultiplier par rapport à vos capacités de départ et sur la capacité technologique à intégrer les nouveaux besoins. Aujourd’hui, nous avons, en termes de perspectives, l’automatisation à outrance (par exemple la facilitation par l’automatisation des tâches). Lorsque quelqu’un amène sa marchandise et que certains critères sont remplis, notamment la crédibilité, la transparence et la valeur, ce n’est pas la peine de perdre du temps avec des opérations de visite. On peut donner le bon d’enlever. Il y a des techniques de contrôle qui permettent de limiter les dégâts. Aujourd’hui, pour les marchandises destinées à l’exportation au niveau de l’aéroport, dès que vous faites votre déclaration, vous avez le bon à embarquer en attendant que la douane prenne vos documents pour pouvoir finaliser votre déclaration. Ce sont ces critères que nous avons mis en place qui permettent une autorisation d’enlèvement. Il y a la combinaison des techniques d’échanges d’informations électroniques qu’on appelle « Edi » qui permettent, à partir d’un navire, de transférer dans le système de la douane les informations relatives aux marchandises destinées à être débarquées au Sénégal, depuis l’étranger, avant même que la marchandise n’arrive. Grâce à un système, nous savons que tel conteneur qui vient de tel pays présente ou non des risques de fraude. À partir de ces informations, nous pouvons appliquer les critères d’autorisation de bon à enlever, de visite superficielle ou approfondie et de délivrance de bon à enlever avant l’arrivée de marchandises. Il y a aussi que le papier coûte très cher, or dans les procédures, on l’utilise beaucoup pour justement laisser des traces qui permettent de suivre les documents. Mais, lorsqu’il y a la traçabilité électronique, je crois qu’on peut faire l’effort d’économiser du papier, car 20 % de la valeur des marchandises sont souvent imputables à la paperasserie. C’est l’objectif que nous recherchons à travers d’abord les procédures de dédouanement, mais aussi à travers les modalités de paiement. Donc, c’est le paiement électronique que nous voulons introduire comme module complémentaire du système « Gaindé ».
Dossier réalisé par ADAMA MBODJ et FELIX NANKASE
(Source : Le Soleil, 31 janvier 2005)