Suspension du décret sur les appels entrants : Wade brouille le réseau de Global Voice
lundi 22 novembre 2010
Entre la défenestration de l’ex-ministre des Tic, Mme Fatou Blondin Ndiaye Diop, qui atterrit à l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (Artp) comme Présidente du Conseil de surveillance, en remplacement de Serigne Mboup, la nomination du Directeur général de la Sonatel, Cheikh Tidiane Mbaye, comme Pca de la Senelec, tout porte à croire que le sort de Global Voice est définitivement scellé. Même si le décret 2010-1524 du 19 novembre 2010 parle belle et bien de suspension et non d’annulation. Dès lors, deux équations se posent : l’avenir du Directeur de l’Artp Ndongo Diaw et les modalités de sortie, voire de dédommagement, de Global Voice.
Les dispositions des articles 6 à 11 du décret n°2010-632 du 28 mai 2010 instituant un système de contrôle et de tarification des communications téléphoniques internationales entrant en République du Sénégal sont suspendues. C’est ce que dit, en substance, « l’article unique » du décret 2010-1524 du 19 novembre 2010, contresigné par le Premier ministre « par intérim » Me Ousmane Ngom, qui vient mettre un terme, du moins provisoirement, à une guerre feutrée qui avait fini d’embrasser le secteur des télécommunications. Hasard ou coïncidence ? On ne saurait trop dire. Toujours est-il que ce recul de l’Etat, annoncé samedi par la Rts, intervient au lendemain de l’audience accordée, par le chef de l’Etat, au Directeur général de la Sonatel, Cheikh Tidiane Mbaye, qui venait d’être nommé Président du conseil d’administration de la Société nationale d’électricité (Senelec). Une mesure qui intervient après la décision de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) - suite à une dénonciation anonyme concernant les conditions d’attribution de ce contrat et d’une requête officielle de la Sonatel qui s’estime lésée par cet accord - d’annuler ce marché du fait de « sérieuses présomptions d’irrégularités ». Ce fut, en effet, par la décision n° 127/10 du 15 septembre 2010 que l’Armp a annulé ce « marché par entente directe » qui était, d’ailleurs, suspendu depuis le 8 septembre dernier.
La Sonatel au front
Et, comme si cela ne suffisait pas, le personnel et la direction de la Sonatel estimaient que la décision d’attribuer la gestion des appels entrants à Global Voice risque d’entraîner des fraudes et une hausse conséquente des prix des communications téléphoniques internationales. Tout a commencé au mois de juin, lorsque les autorités sénégalaises ont décidé, par décret, de contrôler le nombre d’appels entrants et d’adopter une nouvelle tarification du prix de base de ces communications augmenté de 54%. Le décret confie également à Global Voice le soin de contrôler le trafic. Pour l’État sénégalais, l’idée est, à l’instar de la Guinée, d’augmenter les tarifs, et donc les revenus, sans peser sur le marché local. La différence devant être partagée à parts égales entre l’État et son partenaire technique. Une décision inacceptable pour la Sonatel qui redoute une contraction des appels entrants et une augmentation non maîtrisée des tarifs entre les pays de la sous-région. L’opérateur a déployé tous les moyens pour faire reculer l’État. Dans un premier temps, la Sonatel a fait appel à ses syndicats pour faire plier le gouvernement. C’est ainsi que le personnel de la Sonatel avait observé, le 5 août dernier, une grève surprise pour protester contre l’attribution par l’Etat sénégalais de la gestion des appels téléphoniques entrants à Global Voice. Un mouvement qui avait sérieusement perturbé, pendant 24 heures, les communications nationales et internationales.
Plaintes tous azimuts
Pis, la Sonatel a attaqué le décret devant la Cour Suprême en vertu de la convention de concession qui la lie à l’État. Mais, la nouvelle tournure prise par cette affaire laisse aisément penser que la Cour suprême n’aura plus à se prononcer sur la bataille entre l’Etat, via l’Agence de régulation des postes et des télécommunications (Artp) et la Sonatel dont les cadres, au premier rang desquels le Directeur de la réglementation et des affaires juridiques, Seydi Ahmed Sy Sarr, n’ont jamais cessé de dénoncer que « la demande des détails des communications (numéro appelant, numéro appelé, date, heures ...) autorisée par le décret 2010-632 restait une grave remise en question du principe sacré ayant trait au secret de la correspondance ». En guise de représailles, l’Artp inflige une amende de 5 milliards de francs Cfa à la Sonatel, Non sans menacer de ... lui retirer la licence d’exploitation. Pour ne pas perdre au change, la Sonatel porte plainte, pour diffamation, contre le patron international de Global Voice Group, Laurent Lamothe, qui saisit, à son tour, les juridictions sénégalaises, pour le même délit, contre Mamadou Aïdara Diop qui se trouvait être le fer de lance de la contestation syndicale interne à la Sonatel contre Global Voice. Une escalade qui avait atteint son paroxysme avec la convocation, le 13 juillet 2010, à la Division des investigations criminelles (Dic), de la syndicaliste Ndèye Founé Niang, pour « offense au chef de l’Etat ».
Papa Souleymane Kandji
(Source : L’Observateur, 22 novembre 2010)