Sonatel : France Télécom lorgne toujours les actions de l’Etat sénégalais
mercredi 24 novembre 2010
« On n’est pas dans une optique de sortir de Sonatel et du Sénégal », a fermement fait comprendre le Directeur général de France Télécom, Stéphane Richard. D’après lui, si l’Etat du Sénégal veut vendre des actions, sa société est « toujours » acquéreuse.
Avis sans frais à l’Etat du Sénégal : France Télécoms est « toujours désireuse » d’acquérir d’autres parts dans le capital de Sonatel. C’est ce qu’a confié le Directeur général de la multinationale française, Stéphane Richard, hier, en marge de la pose de la première pierre du nouveau siège de la Sonatel situé sur la Vnd à Dakar. D’après M. Richard, « si l’Etat (du Sénégal) souhaite, à un moment ou à un autre, céder quelques fractions supplémentaires du capital de Sonatel, tout en restant en-dessous de 50% pour nous, on sera très heureux de pouvoir le faire et donc de consolider un peu notre présence dans le capital de Sonatel ».
En fait, une première tentative du gouvernement sénégalais de vendre 9,87% de ses actions (27%) à France Télécom a échoué, malgré un protocole signé le 8 avril 2009 entre les deux parties. Le pouvoir sénégalais a dû reculer face à une levée de bouclier général des travailleurs de Sonatel soutenus par l’opposition politique et la société civile. Si l’opération avait abouti, l’entreprise française seraient devenue l’actionnaire majoritaire avec près de 52% des actions. Une perspective qui n’agrée pas les « Sonatéliens » qui préfèrent plutôt une cession à des privés nationaux.
Certes, « pour l’instant, il n’y a pas de projet (de vente d’actions) qui soit ouvert sur la table », a plutôt tempéré Marc Rennard, le président du Conseil d’administration de Sonatel, et représentant de France Télécom dans la société sénégalaise. « Il n’y a pas de demande particulière de France Télécom d’ouvrir le dossier de vente d’actions », a précisé M. Rennard, tout en arguant que si un tel projet devait exister, il ferait l’objet d’un consensus avec l’ensemble des partenaires (travailleurs, management, Etat et France Télécom). Mais, ce discours ambigüe, qui cache à peine la teneur d’un nouvel appel du pied des dirigeants de France Télécom, risquent de remettre leurs détracteurs sur le qui-vive.
Quid de l’après 2017 ?
En tout cas, cette Offre publique d’achat (Opa) exprimée par France Télécom renseigne sur son option à demeurer le partenaire stratégique de Sonatel devenue son hub en Afrique de l’Ouest. « On n’est pas dans une optique de sortir de Sonatel et du Sénégal », a fermement fait comprendre le Directeur général de France Télécom. Stéphane Richard ne semble pas se faire du souci sur l’avenir de son groupe au Sénégal, alors que la concession la liant à Sonatel et l’Etat prend fin en 2017 (elle a démarré en 1997). « C’est clair que le moment venu, on souhaitera discuter de renouvellement de cette concession avec l’Etat », a laissé entendre M. Richard. Il n’ignore sans doute pas le courroux du président de la République, Me Abdoulaye Wade, suscité par l’opposition de Sonatel et, par ricochet, de France Télécom au décret sur le contrôle et la gestion des appels entrants assorti à une surtaxe sur ces communications. D’ailleurs, à en croire notre confrère du magazine « La Gazette », Me Wade aurait, lors d’une audience accordée, vers fin août dernier, aux syndicalistes de Sonatel, accusé France Télécom d’« instrumentaliser » ceux-ci. Le chef de l’Etat aurait même informé avoir écrit au Président français Nicolas Sarkozy pour lui annoncer qu’il va nationaliser la Sonatel en 2016, d’après toujours « La Gazette ». Le magazine, citant des sources syndicales ayant pris part à cette rencontre, rapporte que Wade aurait renchéri : « France Télécoms est le dernier symbole de la colonisation au Sénégal. »
Le président sénégalais serait-il revenu à de meilleurs sentiments ? Sa décision de suspendre certains articles du décret polémique, notamment ceux liés à la surtaxe, le laisserait croire. France Télécom s’en est, en tout cas, réjouie. « Nous avons toujours pensé que ce projet de surtaxe n’était pas conforme globalement aux intérêts de l’économie sénégalaise et de la contribution que notre secteur peut apporter à cette économie, ç’aurait été un mauvais coup porter au secteur des télécommunications et à l’économie », a soutenu Stéphane Richard. « Il y a un partenariat à long terme entre l’Etat et France Télécom autour de Sonatel, dans lequel chacun est tourné vers l’avenir », a-t-il souligné, notant en avoir discuter, hier, avec le Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye et le Président Wade.
Mamamdou Lamine Badji
(Source : L’Observateur, 24 novembre 2010)