Sommet mondial sur la société de l’information : Me Wade prône la « solidarité numérique »Nord-Sud
mercredi 19 février 2003
La Genève internationale a écouté hier avec enthousiasme, celui qui était présenté comme un « visionnaire » par ses pairs. Le chef de l’Etat, Abdoulaye Wade, était convié par l’Union Internationale des Télécommunications (UIT) à s’exprimer dans le cadre du « Groupe de réflexion prospective » à dessiner ensemble avec d’autres orateurs de renom comme le président roumain, Ion Iliescou, les écrivains Jacques Attali, France, Lawrence Lessig, USA, les contours de ce que sera demain la société de l’Information. Le chef de l’Etat s’est voulu pourtant modeste, car dit-il, je viens m’exprimer « au nom de tous les peuples marginalisés du Tiers monde ou en voie d’exclusion du monde numérique, car notre situation est partout identique et notre quête la même » .
Les organisateurs, M. Yoshio Utsumi, secrétaire général de l’IUT et M. Adama Samessekou, président du Comité préparatoire du Sommet mondial sur la société de l’information, qui se tiendra du 10 au 12 décembre 2003 à Genève et en Tunisie en 2005, ont donné une tâche honorable et difficile à Mme Maria Cattaui de la chambre de commerce internationale qui devait modérer des communications empreintes de philosophie, de droit, d’économie, de politique avec un relent d’humanisme et de questionnements qui n’ont laissé aucun participant indifférent. Me Wade a, à l’occasion, sorti de son sac « un serpent » magique pour éradiquer le gap numérique.
Le remède du Professeur Abdoulaye Wade consiste à ce qu’il a appelé « la solidarité numérique ». En quoi consiste ce concept ? Le président sénégalais le définit comme un mouvement de serpent, une sorte d’analogie avec l’intégration monétaire et la politique de convergence des gouvernements. « C’est-à-dire, explique le président Wade, que tous les pays dont le taux d’utilisation d’Internet est supérieur à un certain chiffre, devraient mener telle ou telle action quantifiée en direction des pays dont les taux sont inférieurs à un chiffre donné ». Avec son humour, Wade essaie de rendre plus compréhensible son idée aux néophytes, il donne lui-même alors la pédagogie à appliquer et aider les techniciens à mieux utiliser la méthode. « Il s’agit d’un serpent numérique dévié par une marge supérieure et une marge inférieure. L’effort commun consisterait à faire en sorte que tous les pays soient à l’intérieur du serpent. Le serpent serait évolutif et les marges appelées à se rétrécir ». « Ce double mouvement fera disparaître, à terme, affirme le Pr. Abdoulaye Wade, le gap numérique ». Ce fonctionnement pourrait être explicité dans la Charte de la solidarité numérique par tous les Etats qui ont l’intention d’y adhérer. Pour sa part, le chef de l’Etat croit que le Nepad dont il est le vice-président en charge du Secteur des Nouvelles technologies de l’information (NTIC), est un cadre propice à un tel concept qui est facilement applicable dans des pays qui ont le même niveau de développement.
La virginité digitale de l’Afrique, loin d’être un handicap, constitue un atout pour le Continent premier, les compagnies spécialisées dans les NTIC conviendront avec M. Wade que « la virginité annule les risques de l’émigration technologique qui coûte très chère ». C’est en des termes poétiques, rappelant le Chantre du métissage culturel, Léopold Sédar Senghor, que le président sénégalais a fini son cours inaugural en psalmodiant en guise de prière et de recommandations d’un sage africain : « Travaillons ensemble, pour que la sagesse du Sud, ses couleurs, sa tradition, sa joie et sa chaleur visitent les maisons du Nord à la vitesse de la lumière ».
EL HADJI GORGUI WADE NDOYE - Correspondant à Genève
(Source : Le Soleil 18 février 2003)