Pour combler la fracture numérique, l’Afrique s’ouvre à la connectivité spatiale. Les satellites LEO, portés par des acteurs comme Starlink ou OneWeb, promettent un accès Internet rapide dans les zones mal desservies, tout en posant de nouveaux enjeux techniques et réglementaires.
En 2024, seulement 38 % de la population africaine avait accès à Internet, contre 68 % à l’échelle mondiale, selon l’Union internationale des télécommunications (UIT). Pour combler cette fracture, le continent explore une solution venue de l’espace : les satellites en orbite basse, ou LEO (Low Earth Orbit). Contrairement aux satellites géostationnaires (GEO), positionnés à plus de 35 000 km, ou aux satellites en orbite moyenne (MEO), les LEO gravitent entre 500 et 2 000 kilomètres de la Terre. Cette proximité permet une latence réduite et des connexions plus stables. Mais au-delà de la simple transmission de données, les satellites LEO instaurent aujourd’hui un nouveau paradigme de connectivité.
Une technologie disruptive : le direct-to-device (D2D)
L’un des apports majeurs des satellites LEO réside désormais dans leur capacité à offrir une connectivité directe aux appareils (D2D). Cette technologie permet aux smartphones, capteurs ou autres terminaux de communiquer directement avec les satellites, sans passer par des infrastructures terrestres comme les relais télécoms ou les stations de base.
Ce modèle redéfinit les économies d’échelle du secteur : les opérateurs satellites n’ont plus besoin d’investir massivement dans des kits de réception coûteux ou dans des stations au sol à forte maintenance. Du côté des télécoms, c’est l’occasion de devenir revendeurs de connectivité spatiale, en accédant aux capacités satellites sans investissement dans les tours relais. Les consommateurs, eux, peuvent se connecter de partout, y compris dans les zones rurales où l’investissement en infrastructure télécom est encore trop faible. Selon la Banque mondiale, moins de 20 % des habitants des zones rurales africaines ont accès à Internet.
Cette évolution contribue à résoudre en partie le problème de couverture réseau à haut débit, ouvrant la voie à de nouveaux usages (enseignement à distance, e-santé, services financiers numériques…). À terme, cette amélioration de l’accès à Internet peut avoir une forte incidence économique. Une augmentation de 10 % de la pénétration de l’Internet mobile pourrait entraîner une hausse potentielle de 2,5 % du PIB, toujours selon la Banque mondiale.
Des acteurs mondiaux déjà présents en Afrique
Plusieurs géants de l’industrie spatiale, souvent en collaboration avec des partenaires africains, déploient leurs services sur le continent. Starlink s’est implanté dans une vingtaine de pays africains, facilitant l’accès à la connectivité grâce à des kits de réception ou des accords avec des opérateurs mobiles. Récemment, Airtel Africa a conclu un partenariat avec Starlink pour déployer ce service d’Internet par satellite dans neuf pays africains : Nigeria, Tchad, Kenya, Zambie, Malawi, Rwanda, Niger, Madagascar et République démocratique du Congo.
Au Mali, Intelsat a signé un accord avec Orange en 2022, permettant à plus de 360 000 personnes vivant dans des zones rurales d’accéder à Internet. Ce projet a conduit au déploiement de plus de 60 sites dans une trentaine de localités reculées, avec une capacité satellitaire augmentée à plus de 5 Gbps, contre seulement 200 Mbps auparavant.
Eutelsat, via sa filiale OneWeb, s’est associé à Liquid Intelligent Technologies pour connecter entreprises et institutions dans des zones isolées. Telesat a également signé un accord stratégique avec Liquid pour introduire son service Lightspeed. D’autres acteurs comme SES, Lynk Global proposent aussi des solutions hybrides GEO/MEO/LEO adaptées au marché africain.
Un marché en forte croissance
Selon Mordor Intelligence, le marché mondial des services Internet par satellite en orbite basse représentait environ 176,98 milliards USD en 2024, et pourrait atteindre 284,39 milliards USD d’ici 2029, avec une croissance annuelle de 9,95 %. Cette dynamique est portée par la demande croissante en connectivité dans les zones non couvertes, mais aussi par des usages stratégiques tels que l’agriculture de précision, la surveillance environnementale et la communication d’urgence.
Avec le déploiement croissant des satellites LEO et l’adoption progressive de la technologie D2D, l’Afrique peut espérer franchir un cap dans sa transition numérique. Mais pour transformer cette promesse en réalité, il est nécessaire d’adapter les régulations nationales, de favoriser des modèles de subvention ciblés pour réduire les coûts d’accès, et de promouvoir une intégration fluide entre les réseaux spatiaux et terrestres.
Samira Njoya
(Source : Agence Ecofin, 30 juin 2025)