Ruée médiatique vers l’Afrique : les Américains se lancent dans la bataille
mercredi 4 mars 2015
La Voix de l’Amérique (VOA, sigle en anglais), service public américain, vient de poser un pas qui l’ajoute à la longue liste des grands médias dits « internationaux » à se lancer sur la bataille pour le contrôle des opinions publiques africaines. La station qui émet depuis Washington, a procédé ce mardi 3 mars 2015 à l’ouverture d’une station radio à Dakar, la capitale sénégalaise.
Cette initiative confirme la ruée médiatique vers le continent notée ces dernières années, avec l’implantation de nombreux bureaux de médias étrangers.
La station de la VOA vient renforcer la présence américaine dans la capitale sénégalaise où la radio disposait déjà d’un bureau. Elle vise essentiellement une cible jeune entre 15 et 24 ans, selon le directeur de la stratégie, Bruce Sherman qui a fait face à la presse.
« Nous voulons informer, éduquer et inspirer cette classe d’âge importante dans la population sénégalaise et africaine en général », a-t-il précisé.
Désormais les Dakarois ont la possibilité de suivre en FM et 24/24H les programmes de la VOA. La radio n’exclut pas de s’étendre à l’intérieur du pays et promet de diffuser éventuellement en langue nationale wolof en plus du français et de l’anglais, selon M. Sherman.
Le continent africain naguère délaissé subit aujourd’hui un fort regain d’intérêt des pays du nord dont les convoitises économiques s’accompagnent de plus en plus d’un déploiement qui n’est que la confirmation de l’enjeu stratégique autour de information.
bataille pour le contrôle des opinions
Jadis prisées par les élites africaines, qui dans leur pays n’avaient d’autres sources que les stations de radio gouvernementales, les radios « étrangères » ont connu un grand recul un peu partout en Afrique avec l’avènement des radios privées et des radios communautaires, jouant la carte de la proximité et des langues « nationales », ont bousculé les vieux « majors » étrangers.
Aujourd’hui ceux-ci se redéploient en force, tentent de trouver de nouvelles stratégiques pour reconquérir le public africain. Ainsi tous les « grands » médias occidentaux sont actuellement dans une logique de renforcement de leur présence sur le continent.
Dans le secteur de l’audiovisuel, des chaînes d’informations comme Al Jazeera et Euronews pour ne citer que ceux-là ont déjà annoncé leur implantation prochaine en Afrique. Le groupes américains Bloomberg, la chaines CNBC, ont des « versions » africaines depuis. La télévision publique chinoise (CCTV) est aujourd’hui implantée en Afrique et Radio Chine internationale peut être écoutée sur la fréquence FM dans nombre de capitales africaines.
Floraison d’initiatives
Et les campagnes de communications de Radio France Internationale et de France 24 font de plus en plus partie du décor des capitales des pays d’Afrique francophones.
Dans la même foulée, le groupe de presse français le Monde a lancé depuis la mi-janvier 2015 un site d’infos entièrement dévolu au continent. Selon, Serge Michel, responsable éditorial du site, « l’Afrique, qui compte déjà la moitié des francophones de la planète (85 % en 2060), est la destination naturelle des développements internationaux du Monde ».
Le très « sérieux » Financial Times britannique, quant à lui préféré nouer un partenariat avec Le Soleil (quotidien du service public sénégalais) pour lancer un magazine spécialisé dans l’économie et la finance. Depuis le milieu de l’année 2014, Le Point, Canal Plus et le groupe Lagardère à travers une radio (Vibe radio) ont aussi mis en place des initiatives pour capter les audiences africaines. Et on peut continuer de citer les exemples à foison.
Les Africains qui font de la résistance
Néanmoins, quelques « entrepreneurs africains » ayant aussi compris l’enjeu vital derrière l’information, ne veulent pas céder si facilement le champ de bataille aux seuls médias venus de l’extérieur. La chaîne Africa 24 (créée en 2009 et basée à Paris) est actuellement en train de procéder à l’élargissement de ses bases sur le continent, parallèlement l’ancien directeur de TV5 Afrique, le Sénégalais Mactar Sylla a annoncé la création d’une télévision « panafricaine » qui sera basée à Libreville au Gabon.
Quant à la VOA, qui diffuse déjà dans 15 langues en Afrique pour une audience cumulée de 50 millions d’auditeurs, elle est en train de parachever son maillage du continent.
« La station dakaroise est pour le moment la dernière d’une série d’inauguration de stations comme au Mali, au Tchad, en Mauritanie, en République centrafricaine, en Côte d’Ivoire et il y a encore plus à venir », selon M. Sherman. Selon Bruce Sherman, l’idée est de renforcer la présence de VOA dans toute l’Afrique.
La cartographie déclinée pour l’instant laisse indiquer une légère inclinaison vers les pays du Sahel, région où le terrorisme et désordre politique sévissent fortement.
De l’avis de l’ambassadeur des Etats –unis au Sénégal, Monsieur James Zumwalt, qui a voulu rassurer sur le caractère « indépendant » de la nouvelle station du point de vue de sa ligne éditoriale, a affirmé qu’elle va approfondir davantage les « relations étroites » qui existent entre le peuple sénégalais et le peuple américain.
(Source : Ouestaf, 3 mars 2015)