Les cadres de la Rts n’y sont pas allés par quatre chemins pour dénoncer les problèmes de gestion de leur boîte ainsi que les contraintes liées à l‘exercice de leur métier au sein de cette structure. Les idées reçues et véhiculées (rien tous les soirs par exemple) concernant « ce service dit d’Etat par méconnaissance » plongent les travailleurs dans une situation plus que difficile, discréditant par la même occasion cet organe de service public. Une situation qui, malgré l’atmosphère détendue de la salle, a été dénoncée non seulement par les conférenciers mais par les journalistes et autres employés.
Le débat a été plus que houleux entre panélistes, hommes politiques, membres de la société civile, patrons de presse privée et cadres de la Rts, lors du dîner-débat organisé, samedi dernier, au Novotel par l’Amicale des cadres de cette structure (Acarts). Mansour Sow, conseiller du Directeur général de la Rts, estime que « le service public n’est ni une propriété privée encore moins celle du gouvernement ou de l’Etat. Le service public trouve sa signification dans l’application de sa mission qui est d’être au service du public et de l’intérêt général ». Ainsi, « la Rts doit se sacrifier au devoir d’informer juste et bien sur toute l’actualité en évitant autant que peut se faire, la rétention d’informations ».
Mais face aux tares de la Rts liées en grande partie, de l’avis de Mbaye Sidy Mbaye, « au statut de la Rts où le journaliste est frustré de liberté », Mansour Sow décrie l’attitude des hommes politiques qui se focalisent plus sur les minutes qui leur sont réservées au Journal télévisé que sur le reste du programme.
Programme constitué d’émissions éducatives, informatives en dehors du champ politique. La Rts, selon M. Sow, souffre « non seulement du syndrome du parti unique qui prévaut depuis les indépendances et qui n’est plus d’actualité, mais aussi du dictat des hommes religieux dont « certaines émissions pourraient heurter la sensibilité ».
Le Haut conseil de l’audiovisuel (Hca) explique les difficultés du respect du principe de la pluralité par le fait que « tous les gouvernants ont eu envie de contrôler la communication et que partout dans les démocraties, l’audiovisuel est le terrain de bataille de toutes les oppositions politiques ». A en croire Mamadou Camara, représentant de la présidente du Hca, l’exigence d’indépendance et de pluralité pour le service public se heurte à l’obstacle budgétaire dans sa globalité : « La création et la production coûtent cher et l’audiovisuel dépend entièrement de l’exécutif. »
Un problème budgétaire que met en relief Mansour Sow qui soutient que « le véritable casse-tête de la Rts est lié aux problèmes de prise en charge ». Une situation qu’il urge de régler pour assurer le repositionnement de la Rts dans le paysage audiovisuel. Mais pour Me Aïssata Tall Sall, il faut assurer plus de professionnalisme dans le traitement de l’information qui ne peut être crédible qu’en reposant sur la pluralité. En sa qualité d’ancien ministre de la Communication, elle avoue que « l’Etat ne laissera jamais ce morceau succulent qu’est l’audiovisuel. La Rts doit aller contre le bastion de l’information étatique pour être un média libre. »
Et le Hca, dont la mission est d’assurer, entre autres, le respect de l’objectivité, l’accès des couches sociales à l’information, l’indépendance de la liberté d’information..., est limité dans ses prérogatives de sanctions et de prise de décisions, justifie Mamadou Camara. Toutefois, poursuit-il, l’objectivité, l’accès des différentes couches sociales à l’information est une obligation, même si l’Etat peut à tout moment changer la législation. « Tous les mois par exemple, un grand débat sur un sujet d’actualité réunissant la presse publique et privée doit être organisé et le Hca attend la Rts pour l’organisation de telles émissions », fait-il savoir.
Mais, quelque soit l’angle d’attaque du thème de ce jour, « obligations et contraintes de la mission de service public dans le traitement de l’information à la radio et la télévision », les conférenciers ont fustigé le manque de responsabilité des journalistes de la Rts. Ainsi, Mbaye Sidy Mbaye soutient que la Rts doit être libéralisée.
Et Hervé Bourges de montrer qu’une télévision d’Etat qui n’est là que pour porter la voix de son maître est différente d’une télévision de service public. Pour lui, le problème du Sénégal est lié au fait qu’il n’y a pas de rivalité au plan télévisuel entre secteur public et privé.
« Le problème de la Rts est lié au financement et seule la publicité lui permettra de survivre, ce qui d’ailleurs est très mauvais pour un service à vocation publique. Les journalistiques, quant à eux, doivent prendre leur responsabilité dans le traitement de l’information, tout en évitant de faire du zèle », conclut Abdou Ndao, président de l’Acrts.
Mame Saye DIOP
(Source : Le Quotidien, 21 février 2005)