Régulation du secteur des télécommunications : L’Artp serait-elle timide face à la Sonatel ?
vendredi 31 octobre 2008
Certains privés ne sont pas contents de l’attitude de l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (Artp) face à la Sonatel. Les raisons de ce courroux sont liées au marché des fournisseurs d’accès Internet et Adsl qui, de quatorze, sont passés à deux.
S’il y a un sujet qui a alimenté les débats lors de l’atelier sur la ‘Libéralisation internationale du commerce des services Tics : enjeux du secteur privé et implications pour la mise en œuvre de politiques publiques en Afrique de l’Ouest (Licom)’, ouvert à Toubab Dialaw, c’est bien la question de la dépendance de la régulation au sein des pays de la sous-région. ‘La régulation se montre-t-elle timide face aux pouvoirs de l’opérateur historique ?’ Les participants à cet atelier ont saisi la balle au rebond pour se prononcer sur cette problématique soulevée par Ken Lohento, coordonnateur du programme Tic de l’Institut Panos qui expliquait les raisons qui ont amené à la mise en place de ce projet Licom.
Si on prend l’exemple de l’organe de régulation au Sénégal qu’est l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (Artp), son indépendance est relative, car elle dépend de la présidence. Mais se situe-t-elle à égale distance des opérateurs, des consommateurs et des privés ? En tout cas, certains privés se plaignent de son attitude vis-à-vis de l’opérateur historique du Sénégal qu’est la Sonatel. Les raisons de ce courroux sont liées au marché des fournisseurs d’accès Internet et Adsl. En effet, de quatorze fournisseurs d’accès, la Sonatel a opéré à une restriction du marché avec deux seuls fournisseurs disponibles présentement. Sonatel Multimédia, une filiale de la Sonatel, et Arc Informatique demeurent ainsi les seuls autorisés à fournir l’accès à Internet et Adsl aux entreprises privées. ‘Une situation incompréhensible’, se désole Karim Sy, consultant indépendant, Opensys Sénégal. Ses complaintes auprès de l’organe de régulation n’ont pas changé grand chose. ‘L’Artp m’a répondu qu’elle n’a pas légalement les textes pour obliger la Sonatel à étendre ce marché de fournisseurs d’accès à Internet et Adsl’, regrette le chef de Opensys.
Pour le juriste Abdoulaye Sakho, président du conseil de régulation à l’Artp, il y a lieu de nuancer cette ‘timidité’ du régulateur. Selon lui, le problème crucial du secteur des télécoms en ce qui concerne sa réglementation, et même des autres secteurs, c’est l’existence d’un jeu d’intérêts extraordinaire. ‘Nous avons les intérêts de l’Etat qui voudrait soigner ses finances publiques, les consommateurs qui voudraient payer le moins possible et avoir un service de qualité et l’opérateur privé qui veut gagner le maximum d’argent au mépris de la qualité du service’. Autant d’intérêts divergents, indique le juriste, qui rendent la régulation difficile. Et le fait de présenter le régulateur comme étant un organe inutile lui pose problème. De son avis, le régulateur a en charge une gestion de transition d’une économie jadis administrée par l’Etat vers une économie libéralisée. Cette période peut être plus ou moins longue.
Dans les débuts de la régulation au Sénégal, on notait quelques balbutiements, car le régulateur veut asseoir son autorité. Autorité vis-à-vis des acteurs et vis-à-vis de ceux qui ont mis en place cet organe de régulation, c’est-à-dire l’Etat. Cependant, le Professeur Sakho estime que le Sénégal est relativement avancé en termes de régulation des télécommunications. ‘Depuis la sanction de la Sonatel, l’autorité de la régulation commence à prendre ses marques.
L’Artp, même si elle a les moyens de son indépendance, n’est pas un électron libre qui viendrait faire ce qu’elle veut. Elle a en charge la mise en œuvre d’une politique qui entre dans le cadre de la lettre de politique sectorielle’. Selon le président du Conseil de l’Artp, une bonne réglementation passe par une bonne décision et cette dernière vient d’un consensus. ‘L’Etat qui avait l’habitude de prendre seul les décisions, s’inscrit maintenant dans un processus de libéralisation et, dans ce cadre, il ne peut être juge et partie’, dit-il. D’où l’intérêt de bien réguler c’est-à-dire de prévenir et de corriger les déséquilibres du marché. Ces organes de régulation qu’on appelle autorité administrative indépendante sont rattachés à l’administration et bénéficie d’une certaine autonomie. C’est le cas de l’ancien Haut conseil de l’audiovisuel (Hca) devenu actuelle Cnra et de l’Artp qui sont des organes préposés à cet exercice de régulation.
‘Dans la plupart des pays, les régulateurs sont mis en place par des politiques. Qu’on le veuille ou non, l’opérateur historique est favorisé par ces politiques’, estime Olivier Nana Nzepa, du Cameroun, coordonnateur régional de Research Icts Africa (Ria).
Issa Niang
(Source : Wal Fadjri, 31 octobre 2008)