Refonte totale du fichier électoral, Organisation du vote : Un Informaticien défie la Daf
jeudi 26 août 2004
L’informaticien, Bakar Ndiaye, l’auteur du « Package Sena », un système
électoral avec un poste de vote mobile qui peut retrouver l’électeur
dans sa résidence, son lieu de travail et partout ailleurs, a lancé un
vrai défi aux techniciens du Ministère de l’Intérieur pour une
confrontation sur l’opération de la refonte totale du fichier électoral.
Dans un document intitulé « Gestion automatisée des élections », il
tente de démontrer que l’opération de refonte totale du fichier coûtera
moins de 3 milliards, au lieu de 9 milliards comme annoncé par
l’autorité de tutelle et que sa durée n’excédera pas 6 mois, alors que
les techniciens de l’Intérieur parlent de 14 mois. Le système « Package
Sena » qu’il propose « n’a plus besoin de cartes d’électeur, de listes
d’émargement, d’encre indélébile, d’isoloirs etc ». Mieux, « il laissera
à l’électeur le choix de son poste de vote, rendra le vote obligatoire
et permettra d’avoir des résultats à toute heure ».
Il demande au président de la République d’autoriser une confrontation
entre les experts et lui « dans le seul but de prouver votre
impartialité et l’absence de toute possibilité de fraude dans la
procédure de refonte que vous imposez à certains Sénégalais ».
Le technicien soutient que le système actuel de gestion des élections
favorise la fraude électorale
L’informaticien Bakar Ndiaye, propose à moindre coût ( moins de 3
milliards F Cfa) la réalisation de l’opération de refonte totale du
fichier électoral, à travers un système qu’il a mis en place et dénommé
« Package Sena ». De la gestion du fichier électoral à la gestion du
scrutin, il explique tout le processus de refonte totale du fichier.
En effet, cette opération de refonte doit, selon lui, s’accompagner de
la mise à jour du fichier des Cartes nationales d’identité (Cni), la
création d’un fichier de base pour une informatisation de l’Etat civil
au niveau national, celle d’un fichier électoral fiable sous contrôle de
tous les candidats et la mise à jour du répertoire national des localités.
En effet, le standard de gestion du fichier électoral sera toujours sous
la responsabilité des prestataires de services qui auront à veiller sur
le respect strict de toute la procédure d’exploitation.
L’auteur de « Package Sena » propose un poste de vote itinérant pour une
aire électorale délimitée lors du paramétrage. Ce travail nécessitera un
personnel composé d’un responsable de poste de vote et de son adjoint,
tous désignés par les autorités de tutelle et d’un représentant par
parti. En clair, chaque poste de vote ne mobilisera que trois personnes
seulement.
Et pour la logistique dans chaque poste de vote, un ordinateur, une urne
et des bulletins de vote conçus pour les besoins du système, suffisent
pour rendre le travail efficient et efficace.
Ce système est désigné sous le nom de Biscreen (Bulletins de vote,
modèle d’état, etc)
Plus de cartes d’électeur, d’encre indélébile.....
Le système qu’il propose n’a plus besoin de cartes d’électeurs, de
listes d’émargement, d’encre indélébile, d’isoloirs. Par conséquent, la
probabilité de votes est exclue, de même que l’existence de fichier
électoral permanent et de bulletins nuls. Ainsi, avec Biscreen, il n’y
aura plus de procès-verbaux, de bulletin de vote, d’urnes.
C’est un système, selon son concepteur, qui laissera à l’électeur le
choix de son poste de vote, rendra le vote obligatoire et permettra
d’avoir des résultats à toute heure. Conséquence, il offre la
possibilité d’avoir un taux d’abstention égal à zéro et surtout,
d’organiser des élections simultanément.
Représentativité et gestion des résultats
Le technicien a mis en place un logiciel dénommé Leader dont la fonction
est de gérer à la fois les partis politiques et les résultats des
élections sous le processus actuel (système traditionnel). Et
compte-tenu du nombre d’électeurs et de militants répertoriés dans
chaque localité, le logiciel Leader permet d’avoir en un temps réel la
représentativité de chaque formation politique, de manière à définir de
nouvelles stratégies d’occupation du terrain.
Le même système permet d’avoir les résultats définitifs dans les quatre
heures (4 h) après la fermeture des bureaux de vote.
Mais pour s’assurer de la fiabilité des résultats, il propose un système
de contrôle strict sur les fichiers des candidats, des bureaux de vote
et des électeurs, de même que sur le répertoire des localités sur
l’ensemble du territoire national.
Ce système de contrôle permet, dit-il, « avant la proclamation des
résultats par commission, de vérifier si tous les procès-verbaux ont été
pris en compte et si le nombre de voix obtenues par candidat a été saisi ».
Un autre logiciel dénommé Hybxx
Par ailleurs, à côté du logiciel Leader existe un autre dénommé Hybxx
(standard de base). Son rôle est de prendre en charge la refonte totale
du fichier électoral et de permettre de disposer dans un délai très
court d’un nouveau fichier des Cartes nationales d’identité (Cni), d’un
fichier de base pour l’informatisation de l’Etat civil au niveau
national, d’un fichier électoral fiable et d’un répertoire des localités
sur l’ensemble du territoire national.
Les différentes étapes de la refonte totale du fichier
Procédure de collecte des données.
La collecte des données est confiée à des contrôleurs qui vont se rendre
dans les familles, munis de fiches de renseignement.
Le contrôleur se chargera de collecter le numéro de la carte d’identité
de l’électeur et son code. La fiche de renseignement mentionne la
région, la commune d’arrondissement ou la communauté rurale, le
quartier, le village, le numéro de la parcelle etc.
Après avoir récupéré les fiches, celles-ci sont classées par quartier ou
par village. La centralisation des données collectées se fera au niveau
des communes d’arrondissement et des communautés rurales. Après quoi,
ces données seront transférées vers des centres de saisie.
Il faut au moins deux collecteurs par quartier ou village.
Quant aux Sénégalais de l’extérieur, ils doivent communiquer leur numéro
de Carte nationale d’identité à leur famille ( étant entendu que le
recensement se fera uniquement sur le territoire national).
Saisie des données
Une fois collectées, les données sont saisies. Les postes de saisie
peuvent être installés dans les télécentres. Ensuite, les données
saisies sont centralisées au niveau des communes d’arrondissement, des
communautés rurales, des départements. Une fois cela fait, toutes les
données saisies sont envoyées à la Direction de l’automatisation des
fichiers (Daf). C’est à partir de ces données centralisées au niveau de
la Daf, que fichier national des numéros d’identité sera constitué.
Traitement du fichier national des numéros d’identité saisis
Cette opération consistera à extraire des données de l’Etat civil à
partir du fichier des Cartes nationales d’identité logé à la Daf. Ce qui
permettra d’éliminer les cas des doublons, des décès, de corriger au
besoin les erreurs de saisie. Le fichier ainsi sécurisé ne fera plus
l’objet d’une manipulation frauduleuse.
Autorité de tutelle
Le système proposé n’écarte pas l’administration, au contraire.
L’autorité de tutelle, à savoir le Ministère de l’intérieur, s’occupe de
logistique (ordinateurs, urnes, bulletins de vote, listes nominatives,
papeterie, transport, papier), de la communication (radios, télévision,
presse écrite, affiches), de l’informatique (fichier électoral,
paramétrage, formation des formateurs, recrutement des collectionneurs
etc). De même que du scrutin (nomination, formation, exploitation, en
concertation avec les différents candidats).
Le technicien, au regard de ce dispositif, estime que son système n’a
plus besoin de structure fixe de supervision et de contrôle des
élections. « Désormais une commission nationale pour la gestion du
processus électoral sera créée six (6) mois avant le scrutin pour voir
sa mission se terminer un mois après la proclamation des résultats
définitifs ». Cette commission sera sous la responsabilité de l’autorité
de tutelle et comptera parmi ces membres les représentants de tous les
candidats et pour la durée de l’exploitation du processus.
Gestion du scrutin
Pour ce qui est de la gestion du scrutin, la commission nationale pour
la gestion du processus électoral aura ses démembrements au niveau des
départements. La commission nationale sera forte de six (6) membres (2
exploitants, 2 contrôleurs, 2 représentants pour chaque candidat).
Sa mission est de centraliser les suffrages provenant des commissions
départementales et de proclamer les résultats. Pour la logistique, elle
est dotée d’un ordinateur, d’une imprimante et autres accessoires.
La commission départementale a le même nombre de personnel et bénéficie
de la même logistique. Tout comme la commission nationale, elle
centralise les suffrages provenant des postes de vote du département et
proclame les résultats qu’elle transfère vers la commission nationale.
Pour ce qui est du poste de vote, le personnel est composé de trois
personnes (un responsable de poste et son adjoint, et un représentant
pour chaque candidat). Son rôle est centraliser les suffrages des
électeurs du département et de proclamer les résultats provisoires qu’il
saisi et transfère vers la commission départementale.
Quel est le coût de l’opération ?
Le budget prévisionnel pour la refonte totale du fichier électorale
s’élève à 2.885. 000. 000 F Cfa. Il présente un tableau estimatif avec
plusieurs rubriques. Tout le contraire pour les experts du Ministère de
l’intérieur qui estiment que le coût de l’opération doit varier entre 6
et 9 milliards de F Cfa.
Pour lui, le temps nécessaire pour la refonte totale, avec création d’un
nouveau fichier des Cartes nationales d’identité, d’un fichier de base
pour l’informatisation au niveau national de l’Etat civil, d’un fichier
électoral fiable avec un répertoire national des localités, ne saurait
excéder six (6 ) mois avec un budget total de moins de 4 milliards, y
compris le prévisionnel. Le Ministère de l’intérieur parle d’un délai de
14 mois pour faire tout ce travail.
Le système envisage de doter les communes d’arrondissement, les
communautés rurales, les commissariats de police et quelques brigades de
gendarmerie, d’équipement informatique. Ils seront les relais de la Daf
pour les travaux de la refonte du fichier électoral et de
l’informatisation de l’Etat civil au niveau national.
Par ailleurs, le budget prévisionnel pour les élections législatives
2006 (système hybride) et présidentielle s’élèvent respectivement à 2
983 700 000 F Cfa et 1.373 700. 000 F Cfa.
Bakar Ndiaye est formel : à partir de 2006, une consultation électorale
coûtera moins de 2 milliards de F Cfa, avec toute la transparence
requise. Et de souligner que l’organisation d’une consultation
électorale coûte en moyenne 4 milliards F Cfa sans la refonte totale du
fichier, ce qui nous donne pour les élections de 2006 et 2007 un total
de plus de 8 milliards F Cfa. « En comparant les deux systèmes nous
constatons qu’un plus de la transparence dans le scrutin, l’Etat peut se
retrouver avec des économies très importantes sur le budget des
élections », soutient-il.
Système actuel de gestion des élections : Une machine de fraudes
électorales ?
Les fichiers des Etat civil n’étant pas fiables, il en résulte, dit-il,
implicitement que tous les autres fichiers dérivés se retrouvent dans la
même situation. Et l’inexistence d’une procédure fiable de gestion au
niveau national ( fichier national de l’Etat civil ) rend impossible le
contrôle sur toutes les déclarations justifiant ainsi les doubles dits
vrais ou faux (doublons, Ndlr) dans les fichiers centralisés.
Il estime que la procédure et les périodes d’organisation des audiences
foraines ont des motivations réelles qui ne sont pas avouées. « Elles
rendent plus nébuleuse la gestion de l’Etat civil et sont les
principales sources des doubles dits faux (doublons) qui existent dans
le fichier électoral ».
Le noyau dur du fichier électoral ne doit pas, selon lui, être accepté
car il sert souvent de base d’analyse pour organiser des fraudes.
Les responsables de la gestion du noyau dur qui sont par ailleurs les
derniers utilisateurs peuvent à tout moment disposer de certaines
données qui, combinées avec celles provenant des séances foraines,
permettent d’organiser une fraude à l’échelle nationale. Parce que des
données statistiques comme le nombre de votants par localité, les
résultats des élections précédentes par localité et la représentativité
des candidats par localités, peuvent être obtenues à partir du noyau dur.
Il reste convaincu que les structures nationales de contrôle des
élections ne peuvent pas garantir la transparence d’un scrutin et ne
doivent pas être un point de fixation pour la validité d’un processus
électoral.
Bacary Domingo MANE
(Source : Sud Quotidien 26 aout 2004)