Refonte totale du fichier électoral, carte d’identité numérique : Les techniciens rassurent les politiques
vendredi 13 août 2004
La décision du président de la République, Me Abdoulaye de procéder à une refonte totale du fichier électoral, a suscité de nombreuses réactions dans la classe politique. L’opposition y sent un coup fourré, une volonté de fraude, surtout avec la possibilité d’introduire une carte numérique.
Les craintes de la classe politique sont-elles fondées ? Les suspicions s’appuient-elles sur des données scientifiques. Eclairages de techniciens qui, pour des raisons qui leur sont propres, ont préféré garder l’anonymat.
Faisabilité de l’opération
La question de la faisabilité de l’opération a été posée. Est-elle techniquement et financièrement réalisable ?
D’aucuns ont parlé du coup onéreux, en avançant le montant de 7 à 10 milliards de F Cfa. D’autres ont évoqué le problème de temps pour justifier le rejet du projet.
Certes, l’opération demande des moyens, reconnaissent les techniciens interrogés. Le problème, selon eux, est de savoir qu’est-ce que le pays gagne en se lançant dans la modernisation du système d’informations. Ramené à cette proportion, l’argument du coup ne tient plus la route, si on pose la question en termes de gains pour l’Etat du Sénégal dans un futur proche.
Pour ce qui est du temps qui ne militerait pas, selon des hommes politiques hostiles à la refonte totale du fichier, en faveur d’une telle opération, les experts abordent plutôt le problème sous l’angle de la disponibilité des ressources humaines, financières. Si tous ces moyens sont réunis, ils estiment que l’opération peut se faire en 16 mois.
Tout serait alors lié aux contrôles et aux ressources qui seront mobilisées pour faire ce travail. L’opération pourrait aller vite, si l’on travaille sur la base du fichier des cartes d’identité.
Pour les experts, il y a les compétences pour faire ce travail. Il suffit que l’Etat mette en place les moyens matériels et financiers.
Fiabilité du système
L’autre question qui est souvent soulevée concerne la fiabilité du système. Quelle garantie pour une refonte totale du fichier électoral ?
Les experts soulignent que la fiabilité d’un système informatique n’est pas à démontrer en termes de support d’informations. Par contre, la problématique viendrait de ce qu’ils appellent « la source de l’information ». Autrement dit, la fiabilité du système informatique qui sera mis en place à partir de l’opération de la refonte totale dépendra de la crédibilité des informations sur chaque électeur potentiel : saisie des informations de l’Etat civil et leurs vérifications.
Dans le processus d’informatisation, il y a ce que les techniciens appellent le processus de saisie et de validation. Il faudrait donc s’assurer, au niveau du fichier que les contrôles sont bel et bien effectués.
En somme, précisent les experts, la « fiabilisation d’un fichier dépend de la remontée de l’information de sa source à sa mise en place sur un support ». Tout ceci pour dire que la source d’informations peut-être génératrice d’erreurs, parce que les données répertoriées ne sont pas fiables.
C’est pourquoi, dans le cadre de la refonte totale, la bataille pour la transparence va se situer sur la fiabilité des données qui seront introduites dans le nouveau fichier. Pour cela, l’idéal serait, suggèrent les experts, de donner la possibilité aux techniciens des différentes formations politiques et des organisations de la société civile de contrôler ces données.
Le fichier des cartes d’identité supposé plus fiable
Mais entre le fichier de l’Etat civil et celui des cartes nationales d’identité, nombre d’experts ont estimé que le fichier des cartes d’identité est supposé plus fiable dans la mesure où les conditions de mise en place de cet outil, ont suivi des procédures beaucoup plus serrées. De plus en plus, disent-ils, redondances ou les homonymies sont réduites.
Seulement, le problème qui va se poser, c’est l’exclusion de ceux qui n’ont pas de carte nationale d’identité parce que leur nom n’y figurent pas. Les personnes en âge de voter et qui sont dans une telle situation doivent donc s’inscrire pour figurer dans le fichier.
Par contre, avec l’Etat civil, on est confronté, selon les experts, à des problèmes de conservation de documents, de préservation des registres etc. Par exemple, souligne l’un d’entre eux, « si l’on veut, par exemple, avoir la liste de tous les citoyens d’une commune donnée, on doit au minimum remonter jusqu’aux quatre-vingts ans, au cas où l’on considère l’âge maximal des gens qui sont encore en vie. Ce qui pose des difficultés, rendant ainsi le travail très délicat avec des marges d’erreurs parfois importantes ».
Pour conclure sur ce chapitre, les techniciens estiment que la fiabilité du fichier dépend en grande partie de la source d’alimentation du fichier. Le vocable « fiable » est utilisé dans son assertion « informatique », c’est-à-dire mesures de contrôle des données.
La carte numérique en toute sécurité
Les techniciens rassurent une partie de la classe politique et de l’opinion qui estime que l’introduction de la carte numérique dans le système électoral sera la porte ouverte à la fraude. Ils citent plusieurs pays dont les Etats-Unis, l’Italie, la Malaisie, un pays émergent où le système des cartes numériques est en entré en vigueur.
Les experts sont convaincus que la carte numérique offre des garanties du point de vue technique. Le passage du papier au numérique devient un élément de sécurité extrêmement intéressant.
Le système informatique met en scène plusieurs compétences dont les domaines, même s’ils se complètent, ne sont pas moins indépendants. Ce qui signifie que les possibilités de fraude tant redoutées par une partie de la classe politique ne s’offrent que si la vaste chaîne de techniciens qui interviennent dans la mise en place du fichier accepte de jouer la carte de la complicité. Et les techniciens de se demander pourquoi là où les Banques sénégalaises ont réussi, en introduisant le système des cartes électroniques pour leurs opérations bancaires, les politiques échoueraient ?
Bacary Domingo MANE
(Source : Sud Quotidien 13 aout 2004)