Récit d’un « braquage » interne : M. Socé, M. Diop et les 700 millions de la Sonatel
vendredi 24 octobre 2025
C’est un véritable pillage industriel qui vient d’être mis au jour. Un vaste réseau de voleurs de batteries lithium et de câbles télécoms, opérant au préjudice de Camusat, un sous-traitant stratégique de la Sonatel, a été démantelé par la Brigade de recherches de Keur Massar. Au cœur du scandale : deux techniciens de confiance, M. Socé et M. Diop.
À la barre du Tribunal des flagrants délits de Pikine-Guédiawaye, la semaine dernière, M. Socé (33 ans), technicien en communication aux Parcelles Assainies, est apparu comme le principal instigateur. Employé de Camusat Sénégal, partenaire de la Sonatel spécialisé dans la maintenance et la valorisation des infrastructures numériques, il est poursuivi pour avoir mis en place un système bien rodé de vols de batteries lithium et de câbles destinés aux antennes de télécommunication.
Un modus operandi bien huilé
Le mode opératoire consistait à camoufler, pendant la journée, les batteries et câbles non utilisés sur les sites techniques, avant de revenir la nuit pour les récupérer et les écouler sur le marché parallèle à des prix dérisoires.
« Il enfouissait le matériel dans les fosses techniques pour les reprendre plus tard », a déclaré Ab. Cissé, représentant de la Sonatel, lors de l’enquête menée par les gendarmes de la Section de recherches de Keur Massar.
Pour écouler son butin, M. Socé s’était entouré de complices, tous familiers du milieu technique et commercial. Parmi eux, M. Diop (32 ans), technicien domicilié à Keur Massar, accusé de complicité de vol et de recel, aurait servi d’intermédiaire entre le cerveau du réseau et les receleurs.
C’est lui qui aurait livré les batteries volées à Ch. A. Seck (37 ans), commerçant établi à la Médina, importateur d’équipements électroniques, inculpé pour recel et association de malfaiteurs. À la barre, ce dernier a reconnu avoir acheté les batteries à M. Diop sans facture.
« Je lui ai fait confiance, c’est la première fois que je voyais ce type de batteries », a-t-il tenté de se justifier. Mais le juge lui a rappelé les contradictions de son dossier.
Selon l’enquête, 26 batteries lithium ont été retrouvées dans son magasin ou revendues à des clients, certaines à plus de 500 000 FCFA l’unité, alors qu’il les achetait à 100 000 FCFA pièce.
Informés de la revente illicite de batteries appartenant à la Sonatel, les enquêteurs ont monté une opération d’infiltration : un agent s’est fait passer pour un acheteur et a commandé cinq batteries auprès de M. Diop. Pris en flagrant délit avec une batterie FTA sur sa moto, le technicien a été arrêté, avant de dénoncer son complice, M. Socé.
Une perquisition chez ce dernier a permis de retrouver quatre batteries lithium, des câbles, un onduleur et des panneaux solaires. La piste a ensuite conduit les gendarmes à Pikine et Gorom, où d’autres batteries ont été saisies chez des receleurs présumés, S. Mendy et M. Ly, qui avaient même installé les équipements chez eux.
Selon A. Sy, représentant de Camusat, les vols ont provoqué des pertes vertigineuses : 269 756 009 FCFA pour les batteries et 132 226 400 FCFA pour les câbles, sur la période de juillet 2023 à juillet 2025.
« Chaque batterie coûte environ 800 000 FCFA et assure la continuité du réseau en cas de coupure électrique », a-t-il expliqué. Ces vols ont entraîné des pannes récurrentes et des pénalités contractuelles infligées par la Sonatel à Camusat, pour un préjudice total estimé à plus de 700 millions de FCFA.
À l’audience, les débats ont été tendus. M. Socé a reconnu avoir volé des batteries dites « alarmées », c’est-à-dire défectueuses, mais affirme les avoir « réparées ». M. Diop, lui, nie toute intention frauduleuse et prétend n’avoir vendu « que deux batteries ». Quant à Ch. A. Seck, il soutient avoir ignoré l’origine frauduleuse du matériel, malgré les prix anormalement bas et l’absence totale de factures.
Le Procureur a écarté ces arguments et requis deux ans de prison ferme contre M. Socé et M. Diop, ainsi que deux ans dont six mois ferme contre Ch. A. Seck, assortis du versement de 30 millions de FCFA à la partie civile, à titre de dommages et intérêts.
Dans son délibéré du 22 octobre, le tribunal de Pikine-Guédiawaye a finalement :
– relaxé M. Socé des chefs d’association de malfaiteurs et de dégradation d’équipements, mais l’a condamné à deux ans de prison, dont six mois ferme, pour le reste ;
– condamné M. Diop à trois mois de prison ferme, après relaxe partielle ;
– et infligé à Ch. A. Seck deux mois de prison ferme, également relaxé du chef d’association de malfaiteurs.
Les trois condamnés devront verser solidairement 500 000 FCFA à la Sonatel et 2 millions FCFA à Camusat, à titre de dommages et intérêts.
(Source : Senenews, 24 octobre 2025)
OSIRIS