Radios communautaires : La directrice de Niani FM s’attaque aux stéréotypes
lundi 13 septembre 2004
Yacine Diop est âgée d’une trentaine d’année. Cette jeune directrice de la radio communautaire Niani FM à Koumpentoum (Tambacounda) dénonce la persistance des stéréotypes qui veulent confiner la femme dans des rôles périphériques.
Sur les ondes de Niani FM, la radio communautaire de Koumpentoum (région de Tambacounda), on n’entend parler que d’elle. Son nom : Yacine Diop. Cette femme est sans doute la plus jeune des directeurs de radios au Sénégal. Sa nomination avait fait grincer des dents chez ses collègues du sexe dit fort. Certaines personnes disaient même : « comment une femme, de surcroît pas native de la région, peut-t-elle diriger notre radio ». Ses débuts avaient été difficiles, mais à aucun moment l’idée d’abandonner son poste ne lui effleura l’esprit. « Je n’ai jamais pensé à partir parce que je suis convaincue que les femmes sont aussi compétentes que les hommes pour diriger une radio », nous explique-t-elle. Sa voix tonique a fait d’elle l’une des animatrices vedettes de Niani FM. Sur les ondes, elle défend l’environnement et s’attaque aux mariages forcés. Elle sait que sa « légitimité » est précaire, mais Yacine n’en a cure. À Koumpentoum, elle est devenue célèbre et, en solitaire, elle rame à contre-courant de cette bonne vieille tradition.
Son teint est clair, sa chevelure noire et son débit lent. Elle n’a pas froid aux yeux et prend tout le temps nécessaire pour expliquer son point de vue. L’ancienne étudiante en Comptabilité se bat pour une scolarisation massive des jeunes car, dit-elle, c’est la voie royale pour libérer les femmes de la domination des hommes. Ses émissions ont convaincu plus d’un et poussé même certains habitants de la contrée à changer de comportements. Aujourd’hui, de nombreuses personnes, aussi bien des femmes que des hommes, la soutiennent dans son combat. La jeune directrice de Niani FM a su se faire accepter. L’insoumise est devenue leader d’opinion. Bien calée dans son fauteuil, elle vérifie le programme du jour avant d’observer une pause. Cette femme adore les débats contradictoires, mais n’hésite pas « abdiquer » si elle s’aperçoit que l’idée de son interlocuteur est plus pertinente. « C’est elle la directrice, mais elle accepte que nos idées soient appliquées pour le bon fonctionnement de la radio », nous confie Ahmadou, animateur. Ses cours de comptabilité lui ont bien servi dans le management de la station. Le programme de la semaine est inscrit en gros caractères sur le tableau de la salle de rédaction.
Yacine sait que le chemin qui lui reste à parcourir est long, difficile, mais elle est très fière d’avoir réussi à faire de Niani FM un outil de développement pour les populations, une radio de référence dans le paysage des stations communautaires. Et après une rude journée de labeur, rien de tel pour elle que de se plonger dans la lecture, pour se distraire et approfondir ses connaissances.
M. BACALY ET I. SANE
(Source : Le Soleil, 13 septembre 2004)