La décision du Président Macky Sall d’attribuer une licence à un 
quatrième opérateur télécom n’a pas manqué de susciter des 
interventions et contributions sur son opportunité. Pour les 
opérateurs en place, à travers la plume de certains de leurs employés, 
cette décision  n’est pas opportune. Pour d’autres, des considérations 
préliminaires doivent être prises pour réformer le secteur  avant de 
finaliser le cahier des charges.  Mais en dernier lieu, pour apprécier 
simplement cette décision, et sans se perdre dans les chiffres, il 
faut se poser la question de savoir quels critères doivent être 
considérés dans la décision d’octroyer cette nouvelle licence. Cela 
permet de simplifier l’évaluation de cette décision et d’en apprécier 
l’opportunité dans les circonstances actuelles.
On peut citer 7 critères décisifs.
1.     La densification du réseau de distribution des services 
télécoms.  Le Sénégal a besoin de renforcer la densité de son réseau. 
Nous sommes déjà dans la société de l’information, de la communication 
numérique et des réseaux d’échanges de de données.  La densification 
des réseaux est dans cette perspective un objectif à renforcer, une 
condition critique à réaliser  comme on le ferait pour un tissu 
industriel avec une panoplie d’acteurs partenaires qui ensemble, 
concourent à offrir une plateforme de réseau national de 
télécommunications intégré de manière à réduire les gaps entre les 
différentes zones géographiques aussi bien au niveau national 
qu’international, dans des modalités de coûts soutenables.
2.     La diversification des services de télécommunication. Renforcer 
la diversification des services de télécommunication est aussi un 
objectif  visé pour exploiter toutes les niches de clientèle et ainsi 
offrir des services ciblés sur les besoins spécifiques dans un marché 
qui va se différencier progressivement dès lors que les services de 
base, par nature homogènes  dans la phase initiale, auront atteint 
leur seuil de maturité et devront se différencier selon ces segments 
de manière compétitive.
3.     Le renforcement de la concurrence entre opérateurs. La 
concurrence,  aussi bien sur les prix que sur les services, comme dans 
tous les secteurs, permettra  d’offrir des produits plus compétitifs 
au profit du client.  Les coûts en services de télécommunication 
peuvent aujourd’hui être considérés comme faisant partie du panier de 
la ménagère tant  communiquer par les médias modernes mobiles est 
aujourd’hui devenu une banalité. Il ne faut pas sous-estimer l’impact 
d’une baisse des prix sur les clients de manière générale. La baisse 
de ces prix aura aussi un effet sur la pénétration des services TIC 
dans les foyers, les écoles, les institutions, les lieux publics, etc. 
Les services de télécommunication   vont de plus en plus devenir des 
services de base comme l’électricité et l’eau. La baisse du prix a son 
importance dans cette massification de la consommation et sa 
diffusion  générale.
4.     L’élargissement de l’offre des services télécom intermédiaires.  
L’élargissement de l’offre pour des produits et services 
intermédiaires aux opérateurs de télécommunication sera développée et 
renforcée par l’arrivée d’un autre opérateur, puisqu’il renforcera les 
clients potentiels des fournisseurs de services en infrastructures 
télécoms intermédiaires. Les réformes envisagées par l’ARTP devraient 
permettre de renforcer l’émergence de ce segment qui précisément a 
aussi besoin de  clients dans une situation de concurrence réelle  et 
non d’une position oligopolistique étroite.
5.     L’investissement. L’arrivée d’un opérateur, c’est aussi 
forcément de nouveaux investissements de plusieurs centaines de 
milliards. L’importance de ces investissements dépend certes de 
plusieurs facteurs dont le potentiel du marché, la stratégie de 
l’opérateur, mais aussi et surtout sa taille. Un grand opérateur avec 
des moyens aussi importants que ceux du plus grand opérateur actuel 
aura des ambitions à la mesure de ce concurrent.  De ce point de vue, 
disposer d’un grand opérateur est un must pour  rétablir l’équilibre. 
Expresso et Tigo ne font pas le poids  avec Orange en termes de 
capacité d’investissements quelle que soit la créativité et 
l’agressivité de leurs offres commerciales.
6.     L’emploi. L’arrivée d’un opérateur est créatrice d’emploi. 
Penser que l’arrivée d’un quatrième opérateur fera perdre des emplois 
dans notre pays est un vue catastrophique sans rapport avec la 
réalité. Les  exemples de fusions d’opérateurs télécom données par 
certains sur la question pour expliquer les stratégies développées par 
des opérateurs télécoms pour faire face à la concurrence ne sont pas 
propres au secteur des télécoms.   Dans les services financiers cette 
stratégie de consolidation est développée tout comme dans le secteur 
industriel sans que cela soit dû à la morosité du secteur.  Elle 
procède souvent du besoin de renforcer sa position en s’alliant avec 
d’autres acteurs  du secteur.
Un nouvel opérateur dans le contexte actuel, c’est aussi 
l’amélioration de la mobilité potentielle des ressources humaines 
qualifiées du secteur  qui naturellement bénéficieront de la 
concurrence des opérateurs. De ce point de vue encore, il faut un 
grand opérateur capable d’offrir des packages concurrentiels pour 
recruter ou garder ses cadres.
L’emploi, c’est aussi le réseau de distribution des petits revendeurs 
qui peut être renforcé, de manière marginale cependant, par un nouvel 
opérateur.
L’impact peut aussi être répercuté sur le développement des services 
en TIC et les entreprises  qui utilisent  directement les services des 
opérateurs. C’est le cas des services de transfert d’argent, des 
paiements en ligne et des entreprises de l’économie numérique de 
manière générale. Aussi bien sur l’emploi direct que sur l’emploi 
indirect et l’amélioration des facteurs de compétitivité, les effets 
nets attendus seront positifs.
7.     Les revenus. L’arrivée d’un nouvel opérateur c’est le paiement 
de la licence qui devrait rapporter au moins 100 ou 125 milliards 
comme droits de porte, des redevances annuelles à payer et finalement 
des taxes qui remplissent les caisses de l’Etat. Dans un pays comme le 
nôtre, cette manne est très appréciable, encore que dans l’usage, on 
peut se poser la question de savoir à quoi servent réellement les 
revenus générés si ce n’est pour les engloutir dans nos dépenses 
publiques inefficaces.
C’est l’occasion de plaider pour que les ressources de la quatrième 
licence soient consacrées exclusivement à l’emploi des jeunes qui 
souffre d’une indigence  notoire en moyens pourtant si essentiels à 
la lutte contre ce fléau. En  réservant par acte législatif le prix de 
la licence et l’intégralité des redevances de la 4ème licence  au 
financement de programmes ciblés sur l’emploi des jeunes, on met ainsi 
à profit   ces nouvelles ressources pour agir sur la croissance et 
l’emploi  des jeunes sans dépendre des arbitrages annuels du ministère 
des finances, d’un premier ministre et du président de la République 
beaucoup plus soucieux des problèmes d’électricité et de la 
satisfaction des revendications des syndicats que du problème de 
l’emploi des jeunes. A tort.
Mais tout ceci, il faut le dire, nécessite que l’ARTP, le maillon 
faible du secteur des télécoms au Sénégal soit renforcé et mis à 
niveau. Comme arbitre et planificateur, elle doit renforcer les 
conditions d’une compétition concurrentielle et avoir les moyens de 
surveiller le secteur tout en gardant une capacité de perspective qui 
lui permettra d’anticiper sur les changements et l’évolution du 
secteur. C’est ce manque de perspective qui explique le bradage 
initial de la licence à Tigo. De ce point de vue, Mr Djibril Lô, 
technicien d’Orange France qui dans une récente contribution dans la 
presse, plaidant pour son employeur, remet en question l’opportunité 
du 4ème opérateur, a raison de noter les insuffisances de l’ARTP.
Mais, il faut aussi encourager les décisions récentes et actions que 
l’ARTP compte déployer pour réformer le secteur avant la finalisation 
du cahier des charges. Ces réformes, à terme, devront rendre le 
secteur plus ouvert et plus concurrentiel. Le quatrième opérateur est 
juste annoncé, mais l’élaboration du cahier des charge et 
l’attribution subséquente seront précédées par ces réformes. La 
décision du gouvernement de donner une quatrième licence n’est donc 
pas une précipitation. C’est une bonne décision.
La  décision qu’il faut peut-être dénoncer est celle d’attribuer une 
extension de licence globale à Tigo tout simplement pour régler un 
contentieux juridique alors même qu’une nouvelle équipe avec une 
nouvelle  orientation était en voie de se mettre en place avec des 
réformes en vue. L’empressement du gouvernement à conclure cet accord 
avec Tigo, à la surprise de tous, renforce l’argument qui voudrait que 
l’ARTP soit extraite de la présidence de la République pour ne pas la 
laisser sous les décisions impulsives d’autorités qui  vivent sous des 
pressions budgétaires permanentes.  Les 50  milliards perçus de cet 
accord avec Tigo sont surement déjà dépensés et digérés sans que l’on 
ait pensé à orienter ces revenus exceptionnels vers des 
investissements exceptionnels. Les revenus de la quatrième licence 
doivent échapper à une telle utilisation.
Les jeunes méritent de bénéficier des ressources qui seront générées 
par cette quatrième licence. Sur 15 ans, les revenus consolidés de 
cette licence peuvent générer 300 milliards qui iront exclusivement au 
financement d’opportunités à leur endroit. Mais puisque rien n’est 
donné dans ce pays pour qui ne sait pas se faire entendre devant le 
brouhaha des priorités nationales légitimes face aux ressources 
publiques limitées, peut-être bien qu’il faudra qu’ils paient de leur 
personne pour l’exiger. Encore et encore jusqu’à ce que justice leur 
soit rendue. A bon entendeur, salut.
Amadou Guèye, Consultant et Président de l’UNIS
(Source : Dakar Actu, 24 mars 2013)
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