Les technologies de l’information et de la communication (TIC) ont été très déterminantes dans la réussite de l’organisation des élections présidentielle et législatives en 2007 au Sénégal. Elles ont été à toutes les étapes du processus. Elles ont, aussi, été utilisées sous toutes leurs facettes et sous toutes les coutures. Aussi bien par les organisateurs, les acteurs politiques en lice que les citoyens.
Le ton a été donné par le président de la République, Abdoulaye Wade qui a pris la décision politique de procéder à la refonte totale du fichier électoral et d’instaurer les cartes numérisées aussi bien pour la carte nationale d’identité que la carte d’électeur. C’est ainsi qu’à la place des carnets d’inscription, toutes les commissions d’inscription ont été équipées d’ordinateurs, de capteurs pour les empreintes et la photo.
Dans une interview exclusive, le chef de la direction de l’automatisation du fichier (DAF), Habib Fall a livré toutes les ficelles du dispositif qu’ils ont mis en place lors des élections. « On a introduit en 2004 la carte d’identité numérisée qui va servir de moyen unique pour avoir une carte d’électeur qui est basée sur la biométrie (l’association des empreintes et de l’état civil) », a témoigné le directeur de la DAF.
Selon lui, « il y a eu sur le plan technologique une évolution tendant à éliminer à la fois les problèmes liés au support de la carte d’électeur et à son contenu c’est-à-dire l’état civil des personnes. Il s’y ajoute qu’on a mis pour la première fois sur la carte d’électeur une photo numérique ».
Ces innovations ont, de l’avis d’Habib Fall, permis non seulement d’avoir pour la présidentielle un taux de participation énorme, exceptionnelle, mais surtout de fiabiliser le vote parce que personne ne pouvait voter deux fois parce que les empreintes suffisant pour définir l’unicité de l’électeur.
Après la phase des inscriptions, c’est un véritable arsenal de TIC que le ministère de l’Intérieur a déployé pour permettre aux Sénégalais d’être informés selon leur choix sur la situation exacte de leur inscription. Ce dispositif à la fois classique et numérique est mis en branle en même tant que la publication des listes électorales provisoires. L’annonce a été faite par le ministre de l’Intérieur, Me Ousmane Ngom, lui-même.
« Pour accompagner le processus et rapprocher au maximum l’administration des citoyens Sénégalais, des instructions ont été données aux gouverneurs, préfets et sous-préfets », avait expliqué le ministre de l’Intérieur. Après avoir parlé de la phase de publication classique des listes électorales provisoires, Me Ousmane Ngom avait chanté les prouesses des technologies en citant étape par étape les procédés qui permettent au citoyen d’avoir accès à l’information relative à son inscription.
En effet, avait-t-il avancé, le nouveau fichier électoral provisoire est publié sur un site web (http://www.elections2007.sn/) et sur un service wap ou Gprs (protocole qui permet d’avoir accès à l’Internet sur le téléphone portable). Il était aussi, selon lui, accessible avec l’utilisation du Sms, et même avec un numéro vert (8002007) ou à l’aide d’un centre d’appel (828 11 70). « Ils avaient pu savoir s’ils figurent ou non sur les listes électorales, si leurs cartes étaient disponibles et à quel niveau », avait indiqué Me Ousmane Ngom.
Assaut des candidats vers le net
L’utilisation des outils et applications technologiques ne se réduit pas simplement à l’aspect organisationnel. Après les phases d’inscriptions et de publication des listes, on est entré de plain pied dans la course à la présidentielle. Contrairement aux précédentes consultations électorales, celles-ci ont été marquées par un rush vers le net.
En effet, nombre de candidats déclarés ou leaders de partis politiques ont créé leur site Internet en sus de celui de leur parti politique pour mieux asseoir leur stratégie électorale. Le maire de Ziguinchor et ancien membre du bureau politique du Parti socialiste (Ps), Robert Sagna avait annoncé la couleur presque un an avant la présidentielle du 25 février 2007 en lançant un blog : http://www.robertsagna.com/. Son activisme sur la toile lui a permis de se faire connaître davantage au niveau du grand public et surtout de participer au débat politique et citoyen. Le député-maire de Ziguinchor a pu tirer profit de sa présente sur le Net parce que la coalition qui est née à moins de six mois des élections est arrivée cinquième à la présidentielle.
A côté de Robert Sagna, l’un des candidats à la présidentielle qui a beaucoup profité des opportunités qu’offrent les TIC est celui de la coalition « And Ligueye Sénégal » qui signifie en français « bâtir ensemble le Sénégal », Idrissa Seck qui avait également créé son parti en moins de six mois. C’est à 100 jours du scrutin du 25 février 2007, précisément le jeudi 23 novembre de la même année qu’il avait lancé au cyber campus de Thiès son site Internet « www.idy2007.com ». Sur ce site « officiel » de campagne, l’ancien Premier ministre et maire de Thiès faisait la présentation de son parti en plus de son propre CV. L’ancien fils spirituel du président de la République, devenu adversaire redouté du Parti démocratique sénégalais (PDS) au pouvoir avait, en outre, dévoilé dans ce portail ses ambitions pour le Sénégal.
Les outils du Web 2.0 entrent dans la scène
Ce leader politique, virtuose des technologies avait, par ailleurs, décidé d’envoyer des informations sur sa campagne sous forme de vidéo sur le site (http://www.youtube.com/). L’objectif d’Idrissa Seck à travers cette action était de médiatiser son différend avec les autorités étatiques du Sénégal. Le staff du candidat de la coalition « And Ligueye Senegal » avait, à la veille du scrutin présidentiel envoyé des messages sms à une bonne partie de la population pour les convaincre de voter en sa faveur. C’était au moment où l’affaire des chantiers de Thiès qui lui avait valu six mois de prison battait son plein. Et pourtant, il était classé deuxième derrière le candidat Abdoulaye Wade, son ancien mentor.
Le candidat de la Coalition Sopi 2007 et président sortant, Abdoulaye Wade avait à lui seul trois sites Internet. Le principal http://www.abdoulayewade.net/ qui était son portail de campagne diffusait des informations sur ses réalisations, son cursus et ses ambitions pour consolider les acquis et obtenir un second mandat. Cette plateforme du président de la République était sur le plan du design le mieux défini avec une certaine interactivité. A côté de ce site, d’autres avaient été créés par ses lieutenants politiques pour participer à leur manière à la campagne du candidat et secrétaire général du Parti démocratique Sénégalais (PDS, parti au pouvoir), Abdoulaye Wade. Il s’agissait, ainsi de http://www.lalternance.com/ et http://www.lepresidentwade.com/). Le candidat de la Coalition Sopi avait remporté l’élection présidentielle du 25 février 2007 avec plus de 1 millions cinq cent millions d’électeurs.
La gauche se met à jour
L’ancien Premier secrétaire du Parti socialiste, Ousmane Tanor Dieng ne s’était pas seulement contenté du site Internet de son parti. Pour les besoins de la campagne présidentielle, il avait lancé http://www.tanor-dieng.com/. Ce portail pouvait ainsi concurrencer tous les sites qui ont été créés pour la circonstance tant il a répondu aux normes du web 2.0 et était très attrayant du point de vue architectural. Cette url était ainsi alimentée de façon presque journalière par des articles de presse, des photos et des vidéos. « Seulement, le forum proposé n’a pas été bien actif, depuis le début de la campagne jusqu’à l’élection proprement dite », avait commenté le confrère du journal « Le Matin », Patrick Djossou. Ousmane Tanor Dieng n’a pas, selon lui, su rendre son site plus verdoyant que celui de son parti (http://www.partisocialiste.sn/). Le candidat du Ps avait occupé la 3e place lors de la présidentielle avec plus de cinq cent mille électeurs contre trois cent mille lors des élections législatives d’avril 2001.
A côté du leader du Ps, le chef de file de l’Alliance des forces de progrès (AFP), Moustapha Niasse avait mis en selle www.yakarniasse.com pour mieux aller à la conquête des Sénégalais. Pour toucher le plus largement possible sa cible, le candidat de la coalition alternative 2007 avait, aussi, battu campagne avec le site de sa formation politique http://www.afp-senegal.org/.
Ces leaders politiques avaient connu des fortunes diverses lors des joutes présidentielles de février 2007 et qui avaient eu un score de moins de 2 % ne s’étaient pas donnés beaucoup de peine pour soigner leur présence sur la toile. C’est le cas de Ligue démocratique/Mouvement pour le parti et le travail (Ld/Mpt) également, les technologies n’avaient pas occupé une place très importante dans leur stratégie de communication politique. C’est le site du parti http://www.ldmpt.sn qui avait été aussi utilisé lors de la campagne électorale du candidat Abdoulaye Bathily.
C’est le même cas de figure avec And-jëf/Parti africain pour la démocratie et le socialisme (Aj/Pads). http://www.ajpads.org/, cette plateforme qui a longtemps servi de support de communication pour ce parti politique a été aménagée pour vendre l’image du candidat, Landing Savané.
Le candidat indépendant Modou Dia qui avait occupé la dernière place de l’élection présidentielle n’était pas très mal loti sur le net. Il y était présent avec comme url : http://www.modoudia.com/.
Par contre, les autres candidats comme Cheikh Bamba Dièye, Doudou Ndoye et Jacques Senghor n’avaient pas de portail ou du moins n’ont pas communiqué là-dessus.
Le blog, moyen d’expression des citoyens
Ce ne sont pas simplement les politiques qui s’étaient intéressés au net dans le cadre des joutes électorales de 2007. Des citoyens à travers leur blog étaient et sont encore en train de donner leurs avis sur la manière dont le pays est géré, mais aussi sur le comportement de nos hommes politiques. C’est le cas de cet internaute qui a comme pseudo « Sénégalais frustré ». Chaque jour, ce citoyen sénégalais donne, dans son blog “politique-senegal.over-blog.com”. Selon sa description « Quelques réflexions sur les dérives du parti politique au pouvoir au Sénégal, et sur la curieuse passivité de l’opposition... ».
Le politologue et chargé de cours d’analyse de discours politique à l’Institut supérieur des sciences de l’information et de la communication (ISSIC), Abdou Aziz Diop fait partie des blogueurs attitrés du Sénégal. Ses analyses et commentaires sont très prisés par les internautes mais aussi les lecteurs des quotidiens et des auditeurs des radios de la place.
Un autre bloggeur qui de par ses écrits a décidé de plonger dans l’arène politique en briguant la mairie de Louga (nord ouest 210 km de Dakar) lors des élections locales qui étaient prévues le 18 mai prochain avant d’être reporté au 22 mars 2009. L’économiste Moubarack Lo dispose d’un blog qu’il anime régulièrement.
Les technologies ont véritablement régenté le Sénégal car c’est grâce à un réseau qui couvre tout le pays et qui relie toutes les sous préfectures, préfectures et gouvernances du pays. C’est avec ce réseau qui avait été à la base de la refonte totale du fichier électoral que le ministre de l’Intérieur a pu transmettre et recevoir toutes les données relevant des élections. « Aujourd’hui, le Sénégal est l’un des rares pays en Afrique à disposer d’une interconnexion de toute l’administration territoriale », s’est glorifié le directeur de la DAF.
En plus de ce réseau, le ministère de l’Intérieur a, toujours dans le cadre de l’organisation des élections, développé des outils pour améliorer la collecte des résultats de l’élection présidentielle. « Pendant toute la soirée électorale, les résultats ont été collectés à travers tout le pays sur nos servers à travers le réseau en direct par le moyen de transfert de données. Les données émanaient des collectivités locales, des départements et des gouvernements. Toutes les données étaient centralisées et saisies par une équipe. Les applications, qui étaient développées, permettaient d’afficher au fur et à mesure l’évolution du score pour tous les candidats. Ce qui nous a permis à minuit de connaître la tendance générale et même les résultats des élections. C’est également une innovation qui a été mise en œuvre pendant les élections de 2007 », a confié Habib Fall.
Ibrahima Lissa FAYE
(Source : Article produit à l’occasion de l’Edition 2008 du Prix IPAO « Sociétés de l’Information »)