Programme « new deal technologique » : Enjeux et défis d’une stratégie
samedi 15 février 2025
Dans le cadre de la « Vision Sénégal 2050 », les nouvelles autorités sénégalaises sont déterminées à mettre le numérique au cœur de la transformation économique et sociale du pays. Si cette ambition reste réaliste, elle fait face néanmoins à un certain nombre d’enjeux et de défis.
Le numérique est au cœur de la Vision Sénégal 2050. Le « New Deal Technologique », nouvelle stratégie numérique du Sénégal, a été conçu pour donner corps à la volonté des nouvelles autorités. Ces dernières, dans une dynamique de construire le développement de notre pays, sont engagées à faire de ce secteur un véritable moteur de croissance en assurant l’amélioration de la compétitivité économique.
Aujourd’hui, les technologies de l’information et de la communication(Tic), en envahissant tous les secteurs de la vie, sont devenues incontournables. A travers l’innovation technologique, elles font partie des piliers fondamentaux de l’émergence économique et sociale des Etats. Pour des pays en voie d’émergence comme le Sénégal, l’intégration des Tic dans les programmes et politiques de développement semble être bien plus qu’une priorité. Ailleurs dans le monde, beaucoup de pays se sont illustrés dans ce secteur et ont pu bénéficier de l’atout qu’offrent les innovations numériques pour booster leur Pib.
Avec le « New Deal technologique », il s’agira surtout de faire face au déficit lié aux infrastructures numériques. L’accès aux infrastructures de télécommunications étant fondamental. Malgré les différents programmes ces dernières années, le Sénégal ne dispose pas assez d’infrastructures de stockage, de la puissance de calcul pour réaliser son ambition dans ce secteur. Le défi est donc de travailler « à moderniser et à étendre les réseaux de télécommunications ». La nouvelle vision politique du pouvoir est d’aller vers une inclusion numérique pour mieux faciliter l’accès des citoyens aux outils technologiques avec une approche bâtie autour de la territorialisation. L’accès à des réseaux performants et de qualité constitue ainsi un défi de taille qu’il urge de réaliser.
En effet, l’ambition de bâtir une souveraineté numérique adossée à une sécurité numérique passe, sans doute, par la disponibilité d’une connexion haut débit à moindre coût. Certaines parties du pays restent encore dans une zone grise par rapport à l’accès à l’Internet au moment où la capitale Dakar est sur le point de basculer dans la 5G. Un déséquilibre qu’il va falloir corriger avec le « New Deal technologique ». Celui-ci, au-delà de permettre d’arriver à une digitalisation complète de l’administration publique pour régler définitivement le problème des lenteurs administratives, aidera aussi à aller vers la digitalisation foncière.
Transformation digitale inclusive
En plus de l’identité numérique unique, l’adressage numérique permettant aux « populations, administrations et entreprises de disposer d’une bonne adresse géo-localisable, de faciliter la navigation des usagers, des organismes assurant des missions de service public tel que l’acheminement des courriers et colis » est également inscrit dans le chapitre des défis auxquels fait face notre pays.
Au Sénégal, le secteur informel qui concentre une bonne partie de la population, n’est pas digitalisé. Ce qui constitue un manque à gagner important pour l’État qui reste, aujourd’hui, déterminé à disposer d’une politique de transformation digitale inclusive.
Par ailleurs, si le Sénégal veut se positionner en leader et catalyseur de l’innovation numérique en Afrique, il doit apprendre de ses erreurs du passé ; tirer des leçons des échecs de ses politiques dans ce secteur. Force est de reconnaître que malgré les nombreuses initiatives ces dernières années, notre pays n’a pas fait un saut qualitatif pour atteindre ses objectifs dans le domaine du digital. Ce qui est, pour certains acteurs, le résultat de notre incapacité « d’exécuter certains plans et stratégies déjà élaborés ».
La stratégie Sénégal numérique 2025 adoptée fin 2016 n’a pas réussi à atteindre ses ambitions. Ce programme, composante digitale du défunt Plan Sénégal émergent(Pse), qui était censé créer 35.000 emplois directs, 100.000 indirects, à travers la mise en place du Parc des technologies numériques de Diamniadio, et contribué à hauteur de 10% au Pib, n’a jamais pu atteindre ses objectifs. Dans la SN 2025, il était prévu 69 projets et 28 réformes pour un coût global de 1.361 milliards de Fcfa, dont 73% seraient supportés par le secteur privé, 17% par le secteur public et 10% par le Ppp (Partenariat public-privé). Finalement, le taux d’exécution de ce programme ne sera que 19%. Un niveau d’exécution relativement faible au regard des fortes ambitions numériques adressées dans le document.
Toujours par rapport à la Stratégie SN 2025, Oumar Diallo, membre fondateur de SenStartup, patron de Ceo of Orya Technologie, regrette le fait qu’il n’y a pas eu l’équipe qu’il fallait à la tête de cet ambitieux programme. Aujourd’hui, pense-t-il, le Sénégal doit tirer des enseignements sur cette mauvaise expérience, en s’ouvrant aux véritables acteurs du secteur. Aux yeux de l’expert, il faut investir sur les infrastructures (Cloud national, supercalculateur) pour prétendre à une souveraineté numérique. « Pour la première fois, on a la possibilité de mettre en place, au Sénégal, une stratégie qui permet de dominer la sous-région avec la technologie, à travers les meilleures universités, les meilleures startups, les meilleurs techniciens ainsi que les meilleurs avocats en ce qui concerne les levées de fonds… », laisse-t-il entendre.
Ibrahima Ba
(Source : Le Soleil, 15 février 2025)