Procès Latif Coulibaly-Thierno Ousmane Sy : La neutralité du procureur, une directive du ministère de la Justice ?
vendredi 17 septembre 2010
La neutralité du parquet durant le procès opposant Abdou Latif Coulibaly à Thierno Ousmane Sy est une attitude courante. Mais, selon un spécialiste en droit pénal, ‘pour le cas d’espèce, le procureur a sûrement appliqué une directive du ministère de la Justice’.
Le verdict du procès opposant Abdou Latif Coulibaly, l’accusé, à Thierno Ousmane Sy, la partie civile, sera vidé le 16 novembre prochain. Durant l’audience, mardi dernier, le procureur a affiché sa neutralité, se gardant de participer à l’interrogatoire et de faire des réquisitions. Cette attitude a suscité de nombreux commentaires, notamment de juristes.
A en croire un spécialiste en droit pénal, ‘en soi, la position du procureur n’a rien d’extraordinaire’. Toutefois, indique notre interlocuteur, cette posture est souvent adoptée ‘dans les affaires simples, les petits délits comme un vol de mouton, etc.’. Mais pour une affaire de cette dimension, ‘si le parquet choisit de ne pas faire de réquisition, c’est parce qu’il a certainement reçu une directive du ministère de la Justice’.
Au niveau du parquet, une source bien au fait du dossier ne confirme, ni n’infirme que la Chancellerie a dicté au procureur son attitude. Elle indique simplement que celle-ci est ‘conforme à la politique pénale dégagée par le parquet’.
Notre source explique : ‘Lorsqu’une partie est citée devant le tribunal correctionnel pour le délit de diffamation, le parquet peut se contenter, conformément à la loi, d’adopter trois comportements : se rapporter à la décision du juge, requérir l’application de la loi ou solliciter une peine d’emprisonnement.’ La première option a prévalu lors du procès Latif Coulibaly-Thierno Ousmane Sy.
Les avocats des parties en procès ont interprété la neutralité du procureur de diverses manières (voir par ailleurs). Si Me El Hadj Diouf, qui défend les intérêts de Thierno Ousmane Sy, estime que le parquet ne voulait pas gêner la Chancellerie, à la tête de laquelle se trouve Cheikh Tidiane Sy, père de son client, Me Aly Fall, pour la défense, voit autrement. Pour lui, ‘si le parquet est resté aussi silencieux, c’est qu’il n’a pas été véritablement convaincu de la pertinence de la commission d’une infraction’.
Directeur de publication du magazine La Gazette, Abdou Latif Coulibaly ainsi que deux de ses reporters ont été accusés de diffamation et de diffusion de fausses nouvelles par Thierno Ousmane Sy, conseiller du chef de l’Etat en Technologies de l’information et de la communication (Tic). Il est reproché aux journalistes d’avoir prétendu que le conseiller de Wade a touché sa part de la commission qui aurait été versée dans le cadre de la vente de la licence de Sudatel.
Lors de l’audience de mercredi dernier, Abdou Latif Coulibaly a déclaré n’avoir jamais écrit que Thierno Ousmane Sy a perçu de l’argent dans le cadre de l’affaire. En revanche, il maintient que ce dernier est impliqué dans la transaction, qui est ‘un scandale de corruption’.
Pape Ndiaye
(Source : Wal Fadjri, 17 septembre 2010)