Procès La Gazette/Thierno Ousmane SY : Le duel à distance, audience du 14 septembre
lundi 4 octobre 2010
Si le procès Thierno Ousmane Sy contre La Gazette se jouait sur la mobilisation, on aurait pu alors se passer des passes entre les avocats. Il y a eu un face à face à distance. Et là, la sentence est tombée sans attendre le délibéré du 16 novembre prochain.
Les partisans d’Abdou Latif Coulibaly et ses deux co-prévenus n’ont pas fait dans la dentelle. Comme s’ils s’étaient passé le mot, ils se sont pointés à l’entrée aux premières heures de la matinée. Nombre d’entre eux ignoraient que le procès était une « Audience spéciale ». Mais tous savaient que la personnalité du principal prévenu faisait du procès une affaire particulière. « Je suis là depuis 30 mn », témoigne un homme, la soixantaine, sans doute, franchie. Le transistor collé à l’oreille, il dit être là pour « Latif ». Il était 7h 10mn. Le gendarme en faction à l’entrée principale, débonnaire, prévient que c’est à 8h que le public peut accéder à l’enceinte du temple de Thémis.
La foule grandit, au fil des minutes, telle une mousse de détergent saupoudré dans une bassine. Dans cette masse d’individus, le commentaire, les mines et l’intérêt portés à la une des journaux renseignent du camp. « Le public est là pour Latif », avance un journaliste. Il est 8h, la porte s’ouvre. Il faut se mettre dans les rangs, exhiber une pièce d’identité et ouvrir le sac au gendarme avant d’entrer. Cette étape franchie, une nouvelle barricade s’érige : la salle 7 est encore fermée. Là, il n’y a pas d’ordre. C’est une « boule » compacte, impatiente de violer l’antre de vérité. Les portes s’ouvrent, nouvelle frénésie pour être à la bonne place. Sur deux grandes banquettes d’une dizaine de places chacune, il faut faire le vide. Le Mdl chef préposé à la police de la salle avertit qu’il s’agit de places réservées aux prévenus et aux avocats. Nouvelle redistribution. Puis, le calme s’installe. Il est 8h 40mn, il faut encore près de deux heures de patience. Un coup d’œil circulaire permet de se rendre à l’évidence. « C’est une affaire de pot de fer contre un pot de terre », commente un monsieur. Et dans un tel cas de figure, le public se range toujours derrière le martyr.
A 10h 5mn, un homme sort d’un long couloir, la moustache quelque peu fournie, assène sur la table du Tribunal de violents coups. « Le Tribunal ! », martèle-t-il. A cet instant précis, la salle était comble. Les allées remplies de monde. Et à chaque fois que la porte s’ouvre, un terrible brouhaha violente l’ambiance dans la salle. Le vacarme est provoqué par la foule compacte de retardataires massés devant la salle 7. Point de doute, le camp « Latif » est écrasant. La classe politique, la société civile, un public de tous les âges braquent un regard attendrissant sur le directeur de publication de La Gazette. A l’extrême gauche de la salle, se trouve le camp Thierno Ousmane Sy. Le plaignant est aux côtés de sa mère, une dame au teint clair drapé dans un voile bleu parsemé de motifs scintillants.
Tout autour une dizaine de personnes. Elles sont toutes discrètes. Comme si, happées par la pudeur, elles trahissent, d’emblée la gêne habitant le vainqueur armé d’un pot de fer. Quand les avocats de Tos sont à l’œuvre, ses parents et ses partisans gardent le profil bas, évitant, sans doute, de s’attirer les foudres d’un public outré. Le camp de Latif applaudit aux belles envolées, explose de colère aux dérives de Me El Hadj Diouf, sourit aux aveux calamiteux de Tos. Mais que d’émotion lorsque Latif Coulibaly, le regard cimenté au Power Point, déroule le film du scandale. « Il est son propre avocat », soupire d’admiration un monsieur. Pour autant, le patron de La Gazette s’est fondu dans les bras de Me Mame Adama Guèye, dernier à plaider. Il était manifestement ravi de la plaidoirie de Me Guèye. Le président du Tribunal reprend la parole. Il réfrène la volonté de Me El Hadj Diouf de répliquer à la belle plaidoirie de Me Guèye. « Tout est dit et bien dit », lâche le président. Sa sentence est accueillie par une clameur de soulagement du public. Le camp de Tos blêmit. « Ça pue la fraude », avait averti Me William Bourdon.
Hamidou Sagna
(Source : La Gazette, 4 octobre 2010)