« Première FM » du groupe Avenir COommunication : Aphonie forcée pendant 45 jours
samedi 2 juin 2007
Les autorités sénégalaises ont, par l’intermédiaire de l’Agence de régulation des Télécommunications et des Postes (Artp), pris une nouvelle décision controversée contre les médias nationaux. En fermant la radio « Première Fm » pour des raisons présentées comme « techniques », elles laissent planer l’ombre de la censure.
À peine avait-elle commencée à émettre que la radio « Première Fm » a été contrainte au silence pour 45 jours, au moins. Ainsi en ont décidé les autorités de l’Agence de régulation des Télécommunications et des Postes (Artp). Et c’est accompagnés d’un dissuasif bataillon de gendarmes, que des membres de l’Agence se sont invités avant-hier dans les locaux du groupe Avenir Communication pour exécuter la décision controversée. Pour le directeur de « Première Fm », Michel Diouf, on reproche à sa radio de fonctionner avec un matériel « importé de l’étranger » par une société, Iso trading technology, qui ne bénéficie pas de l’agrément de l’Artp.
« En tout cas c’est ce qui figure dans la correspondance qui nous a été adressée » s’exclame-il. Jusque-là rien ne semble anormal. Mais « la société en question a déjà importé du matériel pour d’autres organes de presse notamment la Rmd (Ndlr : Radio municipale de Dakar), la radio de Pape Diop qui cumule les fonctions de maire de Dakar et de président de l’Assemblée nationale » ajoute le directeur de la « Première Fm ». Et pour ces radios, reprend M. Diouf, « On a trouvé que c’était normal ». Ce dernier, passablement énervé par ce petit jeu, pense donc que les raisons avancées ne sont que des prétextes. « Ils (Ndlr : les tenants du pouvoir) ont peur que nous parlions ; ils ont l’appréhension que nous allons dévoiler des secrets compromettants ».
L’affaire est d’autant plus « louche » que ce n’est pas le premier obstacle que doit surmonter « Première Fm ». Ainsi, Madiambal Diagne, président du groupe « Avenir Communication », sollicite depuis 2003 une fréquence pour sa radio. Il n’a pu l’obtenir pendant 4 ans « au prétexte que le bande Fm était saturée à Dakar ». Curieux, quand dans le même temps, d’autres radios obtenaient les fréquences soit-disant « inexistantes ».
Ces éléments conjugués poussent à une question inévitable : ne serait-ce pas la personne de Madiambal qui pose problème ? La réponse des principales victimes à cette décision ne s’est d’ailleurs pas fait attendre. Conscient du caractère « illégitime » (Madiambal dixit) de l’acte de l’Artp, Michel Diouf déclarait : « Nous allons attaquer la décision de l’Artp devant le Conseil d’Etat pour abus de pouvoir ».
Quant à Madiambal Diagne, il ne compte pas s’en arrêter là : « nous allons saisir la Commission africaine des Droits de l’Homme et des peuples. Au plan international, nous avons déjà saisi l’Association internationale des journaux (Ndlr : qui se réunit depuis hier à Cape Town en Afrique du Sud), mais nous allons continuer la mobilisation et l’information de l’opinion publique » a-t-il fait savoir. Il estime même que l’acte de l’Agence de régulation des télécommunications et des Postes est directement dirigé contre sa personne « le président Wade a brandi mon journal publiquement (Ndlr : Le Quotidien) en disant qu’il allait régler mon compte et en me citant nommément ». Et M. Diagne de conclure : « apparemment c’est ma liberté de ton et mon indépendance qui les gênent ; ils voudraient me voir m’aliéner et cela, je ne peux pas l’accepter ».
Felix NZALE
(Source : Sud Quotidien, 2 juin 2007)