Paiement mobile, la nouvelle source de revenus pour les opérateurs télécoms africains
lundi 16 mars 2009
En Afrique, le taux de bancarisation est de 3,6 % soit le plus faible au monde. Pendant ce temps, le secteur mobile progresse rapidement. A la fin 2008, le continent comptait près de 270 millions d’abonnés au service mobile pour 900 millions d’habitants. Selon l’Union Internationale des télécommunications, le continent connaît le taux de croissance le plus élevé pour le secteur des mobiles. Poussée par la convergence des applications et des services de télécommunications, la technologie permet aujourd’hui de décloisonner les limites entre les différents secteurs. Avec un simple terminal mobile, il est possible de faire converger plusieurs domaines : média, électronique, monétique, services bancaires et financiers...
De ce fait, le mobile et l’Internet doivent être développés en tant que canaux de paiement. Aujourd’hui, le téléphone portable sert à transférer rapidement de l’argent. Il constitue non seulement un moyen plus rapide et sécurisé mais surtout accessible à la grande majorité de la population.
Selon Mohamed Horani, PDG de HPS, une des sociétés leaders dans le domaine de la monétique, « les banques doivent développer davantage les réseaux commerçants de proximité notamment et promouvoir de nouveaux services tels que le paiement de factures des grands opérateurs (distributeurs d’eau et d’électricité, opérateurs télécoms etc.) et le transfert d’argent. » En termes de transfert de fonds, la Banque africaine de Développement (BAD) estime que la diaspora africaine envoie chaque année 17 milliards de dollars dans les pays d’origine. Ce montant dépasserait celui des investissements directs étrangers et celui de l’aide publique au développement. Mais cette somme est malheureusement presque totalement engloutie dans des dépenses de consommation. Le développement d’une offre monétique permettrait de lutter progressivement contre cette culture du cash et d’aider les bénéficiaires de ces fonds à mieux orienter leurs dépenses, à épargner et participer à la création de richesses dans le pays. « En France, par exemple, la carte a été développée grâce aux distributeurs automatiques de billets. Cette commodité d’accès au cash a développé le reflexe d’utilisation de la carte. Progressivement, les porteurs de cartes ont commencé à doser les retraits cash en fonction de leur besoin, favorisant ainsi la croissance de l’épargne », explique Mohamed Horani.
Vodafone s’inspire de sa filiale kényane
Les services bancaires sur mobile représenteront un marché de 5 milliards de dollars d’ici 2012, selon l’Association GSMA qui regroupe 750 opérateurs mobiles dans plus de 200 pays. L’association prévoit 913 millions d’utilisateurs d’ici 2014 contre seulement 20 millions actuellement.
Vodafone vient d’annoncer la création d’une co-entreprise avec la division Global Transaction du groupe Citigroup Corporate and Investment Banking. Cette association donnera naissance à un service international de transaction monétaire via un téléphone mobile de marque Vodafone. ” Ce nouveau service fournira aux expéditeurs et destinataires d’argent un système de transfert monétaire de premier choix qui sera économique, confortable, sécurisé, transparent et facile à utiliser », expliquent les promoteurs de ce projet.
L’opérateur britannique s’est certainement inspiré du franc succès de Safaricom, sa filiale kenyane, pour faire valoir son avance dans ce domaine. Déjà au Kenya, depuis mars 2007, les abonnés de Safaricom, le plus gros opérateur mobile local, peuvent envoyer des fonds par messages texte. Ce système, baptisé M-Pesa, est considéré comme une véritable révolution dans ce pays où près de 80 % de la population ne dispose pas de compte bancaire. Ils peuvent désormais transférer de l’argent à une autre personne en envoyant un SMS ; le destinataire de l’appel peut ensuite aller retirer l’argent dans n’importe quelle boutique de téléphonie mobile du pays. Ce système fournit de l’argent de manière rapide et sécurisée grâce à un code d’accès ; sa simplicité séduit également ceux qui passaient auparavant par une banque. En effet, les opérations effectuées auprès des banques demandent beaucoup de temps en raison des procédures. De plus, les familles sont souvent obligées de se déplacer sur de longues distances pour trouver une banque. Aujourd’hui, près de 2 millions de clients ont souscrit à ce service et le succès qu’il engendre commence à gêner certains. Certaines banques auraient en effet suggéré au Ministre des Finances de procéder à un audit approfondi de l’opérateur en laissant insinuer des prétextes fallacieux, selon lesquels M-Pesa serait basé sur un système pyramidal mettant en danger l’argent des porteurs.
Au-delà de l’offre pionnière de Safaricom au Kénya (voir billet précédent), MTN, le premier opérateur mobile africain, vient de lancer son propre service de banque sur mobile dans 21 pays d’Afrique et du Moyen-Orient.
Décrite comme étant une solution complémentaire à l’offre bancaire, Orange Money a de son côté été lancé en juillet 2008 en Côte d’Ivoire puis au Sénégal et dernièrement au Mali. « Ce service permet de faciliter les transactions courantes pour les clients qui sont abonnés à nos services. Il permet aussi de créer une fidélisation et un attachement à la marque », explique Marc Rennard, directeur exécutif international Afrique, Moyen-Orient et Asie chez Orange-France Télécom. C’est dans ce contexte que l’opérateur mobile Zain a récemment déclaré qu’il allait bientôt lui aussi lancer son service de paiements via mobile (Zap) au Kenya pour concurrencer le service M-Pesa, de Safaricom.
Un outil de fidélisation
Pratiquement, tous les opérateurs comptent s’appuyer sur ces nouveaux services financiers pour trouver des relais de croissance et des programmes de fidélisation pour une clientèle de plus en plus volatile. « D’autant plus volatile que plus de 98% des clients sont des abonnés en mode prépayé », explique un expert.
Présentant le plus grand marché intérieur, le Nigeria, avec ses 140 millions d’habitants dont 54 millions abonnés au service mobile, pourrait contribuer à accélérer cette nouvelle tendance. Le secteur bancaire nigérian, qui est l’un des plus dynamiques du continent, devrait favoriser l’émergence d’une nouvelle catégorie d’entrepreneurs mobiles et créer des emplois. Ces services de paiement mobile devraient alors déverrouiller le système, réputé fermé, pour apporter des solutions au microcrédit.
En Afrique du Sud, Wizzit, filiale de la South African of Athens Limited, ouvre un autre concept. Ce modèle vise à toucher les populations non bancarisées d’Afrique du Sud, notamment celles des zones rurales ou des townships. Mais l’originalité de cette entreprise réside dans le fait que les commerciaux sont recrutés parmi les jeunes issus des diverses communautés ethniques et linguistiques que la banque cherche à toucher. C’est une innovation qui intègre une dimension sociologique et communautaire associant à la fois technologie, business et solidarité. D’ailleurs, Wizzit vient de remporter le Grand prix Netexplorateur 2009. Ce prix distingue les innovations numériques les plus prometteuses.
Après avoir démontré leur capacité à transcender des questions complexes liées notamment au roaming international, les opérateurs panafricains viennent, une fois de plus, démontrer que le continent ne sera pas en marge du développement des mobiles. A travers son dynamisme, le continent africain s’impose naturellement comme un laboratoire en matière d’usage.
Mohamadou Diallo
(Source : CEOMag, 16 mars 2009)
Transferts et paiements par téléphone mobile , Visa aussi s’y met
Visa Europe et Visa Inc., qui gèrent un réseau mondial de paiement électronique pour les particuliers, ont annoncé que le GSMA, l’association professionnelle mondiale de l’industrie du mobile, les avait choisis comme fournisseurs de solutions de transferts d’argent et de paiements par téléphone mobile. Dans le cadre de cette collaboration, Visa et le GSMA auront notamment pour mission de définir des normes de transfert d’argent et de paiement par téléphone mobile. Cette collaboration permettra aux exploitants de réseau et aux établissements financiers de déployer le paiement par téléphone mobile. La normalisation favorisera l’interopérabilité entre exploitants et institutions financières, des conditions d’utilisation fiables, ainsi qu’une adoption plus rapide de la technologie. http://www.visaeurope.com/