Ousmane Sané, économiste et financier : ‘La Sonatel continue d’être une valeur phare, rentable et transparente à la Brvm’
mardi 31 août 2010
Malgré ses difficultés avec l’Etat du Sénégal, la Sonatel continue d’être une société de référence en terme de gestion transparente pour la Brvm. L’assurance émane du Dr Ousmane Sané, ancien directeur de l’antenne nationale de la Bourse au Sénégal. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, cet économiste et financier, devenu aujourd’hui consultant international, voit en rose l’avenir de la Sonatel. Tout comme celui du Port autonome de Dakar qui, selon lui, peut être leader en Afrique de l’Ouest s’il parvient à entrer en Bourse.
Wal Fadjri : Quelle est l’importance de la capitalisation boursière dans le marché financier ?
Ousmane SANE : La capitalisation boursière représente l’agrégation de la valeur des sociétés cotées sur une bourse. Elle est un indicateur de profondeur d’un marché boursier. Rapportée au Produit intérieur brut (Pib), elle permet de déterminer un ratio de développement du système financier et permet les comparaisons internationales des places boursières.
En juillet 2010, la capitalisation boursière s’est établie à plus de 3 000 milliards Fcfa. A qui profite cette somme ? Quels effets peut-elle avoir dans les économies des entreprises cotées ?
Ces milliards sont plus un indicateur ponctuel de l’importance de la place boursière que de l’argent disponible. Il faut y voir plus un indicateur de développement et une meilleure image en termes de crédibilité. De ce point de vue, elle profitera à l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) et aux sociétés cotées.
Qu’est-ce que la progression ou la régression d’un indice Brvm 10 ou d’un indice composite peut avoir comme incident dans les entreprises cotées ?
C’est l’évolution des cours qui est synthétisé dans un indicateur qu’on appelle indice. Par conséquent, c’est l’évolution du cours des actions des sociétés listées qui dicte celle des indices et non l’inverse.
Quel est l’avenir de la Sonatel sur le marché financier compte tenu des problèmes qu’elle rencontre avec l’Etat (refus de celui-ci de lui accorder la licence 3 G, affaire Global Voice, etc.) ?
Je suis comme tous les Sénégalais, les problèmes que vous soulevez. Je dois préciser que la Société nationale des télécommunications du Sénégal (Sonatel) est l’une des rares sociétés voire la seule a avoir au-dessus d’elle deux régulateurs : l’Artp (Agence de régulation des télécommunications et des postes du Sénégal) et le Crepmf (Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers).
Les problèmes que vous évoquez n’ont rien à voir avec l’actionnariat de la Sonatel S.a. qui continue à être une valeur phare, rentable et transparente à la Brvm. Qui plus est, elle n’a aucun différend avec le régulateur du marché financier régional, le Crepmf. Par conséquent, je ne vois pas l’avenir de Sonatel S.a. autrement qu’en rose tant que son mode de gouvernance d’entreprise et sa gestion financière resteront sous la conduite actuelle que Cheikh Tidiane Mbaye, ses administrateurs et son personnel ont jusqu’ici imprimée ; et tant que les intérêts des actionnaires y compris les minoritaires ne seront pas manifestement sabotés.
Malgré les nombreuses actions de sensibilisation, les entreprises sénégalaises restent frileuses à entrer en Bourse. Ont-elles peur de faire la transparence dans leur gestion ?
Jusqu’ici, le financement de l’entreprise par ouverture et augmentation de son capital n’est pas un mécanisme qui a la préférence des propriétaires de sociétés. Nous sommes encore en économie d’endettement malgré les efforts de modernisation de notre système financier. Il faut du temps, de la sensibilisation continue et un environnement socioéconomique qui catalyse l’initiative privée. Des progrès réels sont en train d’être faits nonobstant les contraintes macroéconomiques.
Le Port autonome de Dakar (Pad) affiche une volonté d’entrée en Bourse. En a-t-elle les capacités ? Y a-t-il des préalables à respecter ?
Le Pad a plusieurs fois tiré profit du marché financier régional où par deux fois elle a levé des dizaines de milliards pour financer sa modernisation. Elle y a aussi placé par moment ses excédents de trésorerie en achetant des actions. Si elle affiche une volonté d’entrer en Bourse, ce serait une bonne initiative et une grande première pour l’Afrique de l’Ouest. Les dirigeants du port, ayant déjà une culture boursière, (ils) pourront facilement résoudre les contraintes préalables à l’introduction à la Brvm. Je souhaite que cette volonté se concrétise dès la rentrée.
Quel regard jetez-vous sur la Brvm ? A-t-elle des perspectives meilleures ?
Bien, mais peut mieux faire !
Propos recueillis par Ndakhté M. Gaye
(Source : Wal Fadjri, 31 août 2010)