Depuis son installation au Sénégal, la compagnie de téléphonie Free fait parler d’elle à travers une approche de conquête agressive. Cette stratégie est différente de celle jusque-là adoptée par la compagnie leader Orange.
Après le courrier adressé à Free par l’Autorité de régulation des Télécommunications et des Postes (Artp) pour non-respect de la législation sur l’encadrement des promotions, la rédaction web du Soleil revient sur sa stratégie de développement ainsi que celle de Orange, leader du marché sénégalais. L’opérateur de téléphonie « Orange » se positionne par une présence de plus en plus accrue, à travers différents pays du continent africain. Un maillage qui s’est opéré au fil du temps et au gré des opportunités de marchés. La prudence demeure cependant le maître mot de cet opérateur, devenu leader, partout où il s’est quasiment implanté. Ambitieuse certes, mais très prudente, Orange cultive une stratégie faite de discrétion et de réalisme.
Une capacité de discernement au cœur d’une démarche qui cherche à tout prix à s’accaparer des nouveaux marchés émergents de téléphonie. « On a un modèle d’activité robuste car la communication est un besoin de base et les gens ne cessent pas de téléphoner », soulignait déjà en 2008 Marc Rennard alors PDG d’Orange Digital Investment interrogé par jeuneafrique. La compagnie n’est point adepte des risques ni des aventures. Sa devise est donc prudence. Son credo, les marchés à fort potentiel. Pour s’implanter dans un nouveau pays, Orange profite de l’octroi d’une nouvelle licence (Cameroun, Mali, Niger, Guinée-Bissau…) ou, mieux encore apporte une forte participation au sein d’opérateurs locaux pour bénéficier de leur réseau (Guinée équatoriale, Maurice, Ouganda, Kenya…). La firme s’installe dans des pays quasi conquis d’avance.
Free cultive la rupture
L’opérateur Free adopte une approche contraire à celle d’Orange. Cette compagnie de téléphonie attire l’attention partout où elle s’implante. Elle est passée maître dans l’art de faire et d’entretenir le buzz. Dans un marché des télécoms ultra-concurrentiel, la compagnie de Xavier Niel laisse toujours planer la menace d’une guerre des prix. Dès qu’on a le sentiment d’une offre installée ou d’une position acquise sur le marché, l’entreprise semble chercher à surenchérir au plus vite. La stratégie de Free tient dans le fait que l’opérateur se veut toujours en mouvement. Selon Etienne Candel, Chercheur en communication qui décortique la stratégie « low cost » des télécommunications, dans la parution du journal français Tribune du 07/09/2015 « l’agressivité de Free se justifie par sa volonté délibérée et affichée de capter de nouveaux utilisateurs.
Résultat, il étoffe régulièrement ses offres en y ajoutant, par exemple, des améliorations. Une telle stratégie permet d’aller à la rencontre du grand public, mais aussi, comme Free l’a toujours fait, de jouer sur des relais d’opinion, des personnes ». Selon lui, cette approche peut même passer par une « instrumentalisation ». Cette stratégie n’est vraiment pas une nouveauté ; C’est même très fréquent, relève l’universitaire français. Exemple à l’appui, Etienne Candel rappelle que dans l’industrie du tabac ou de la pharmacie, les communicants ont l’habitude de trouver des relais non publicitaires dans l’opinion, par exemple par du lobbying. Bien sûr, les hommes politiques sont des cibles de choix, souligne-t-il. « Là où l’initiative de Free est intéressante, c’est que cette entreprise est la seule à pousser ce levier dans leur secteur, face à des acteurs historiques aux pratiques moins audacieuses ». En clair, selon lui cette compagnie est capable de transformer une stratégie de lobbying très classique dans l’industrie, en une stratégie de provocation et de prise de position politique, en y impliquant le grand public.
(Source : Le Soleil, 5 novembre 2019)