Nokia- Multimédia, infrastructures téléphonique, micro-ordinateurs... : Le n°1 du mobile anticipe sur le développement de l’Afrique
lundi 24 juillet 2006
Parlez à un Finlandais du principal secteur de l’économie de son pays, il cite, fier, Nokia. Même s’il n’est pas capable de fournir des statistiques. Numéro un mondial de la téléphonie mobile, Nokia s’est imposé en Finlande et dans le monde comme en témoigne son siège à Helsinki : une impressionnante bâtisse, un bijou architectural où le visiteur, sans guide, se perdrait facilement. Sur les berges du fleuve, rigueur, organisation et méthode font foi et loi.
Nokia est un “réseau mondial” basé en Finlande. L’entreprise emploie au total 58 874 personnes. Dans la répartition géographique des places, l’Europe arrive en tête avec 63%, l’Amérique suit avec 11%, le groupe Asie-Pacifique en compte 8% ; la Chine à elle seule représente 10% du personnel. Enfin l’Afrique et le Moyen-Orient comptent seulement 1% des emplois du Finlandais de la téléphonie mobile. Et pourtant, Arabes et Africains, qui sont si mal lotis dans cette entreprise, ne sont pas les derniers, en termes de consommation des produits Nokia.
AFRIQUE ET MOYEN ORIENT : 13% DES VENTES
Il est vrai que les opérations de l’opérateur se font partout dans le monde. En septembre 2005, Nokia a vendu 2 milliards de téléphones portables. Les ventes se font dans plus de 130 pays. Elles représentent, pour 2005, 34,191 millions d’euros [1], soit 16% de hausse par rapport à 2004. Les bénéfices sont évalués à 4,639 millions d’euro, qui représentent 7% de croissance. Pour cette même période, l’action de Nokia à la bourse a augmenté de 20%.
Dans ces ventes de 2005, l’Europe est au premier rang, avec 42%, l’Asie-Pacifique 18%, le groupe Moyen Orient-Afrique 13%, la Chine 11%, l’Amérique latine 8%, l’Amérique du Nord 8%. On avait déjà noté que l’Afrique et le Moyen-Orient, qui consomment 13% de la production de Nokia, ne représentent que 1% du personnel de la société mondiale de téléphonie mobile.
LE SENEGAL DANS LA STRATEGIE
Et pourtant, en décidant d’ouvrir un bureau à Dakar, en ce mois d’août, Nokia semble chercher à mieux se positionner en Afrique, compte tenu du développement de la téléphonie mobile sur le Continent. Selon les projections de la compagnie, 20% de la croissance viendraient de l’Afrique avant 2010. Le nombre d’abonnés aux réseaux Gsm ne cesse de croître (déjà 47 millions en Afrique de l’Ouest), au rythme de la population ouest-africaine évaluée à 400 millions d’habitants à l’horizon 2025/2030. D’ailleurs, l’arrivée de Nokia coïncide avec le lancement, sur le marché sénégalais, de deux appareils bien adaptés aux conditions climatiques du pays, et destinés aux bourses modestes. Un créneau que Nokia ne veut décidément pas laisser à ses concurrents.
Le choix du Sénégal, en plus du fait que le pays polarise une dizaine de pays de la sous-région, s’explique également par “le développement du marché national de la téléphonie mobile (deux opérateurs, en attendant un troisième, Ndlr), la stabilité et les dessertes aériennes régulières”.
Toutefois, en termes de vente de produits par pays, la Chine vient en tête avec 3 403 millions d’euros de ventes, suivie des Etats-Unis d’Amérique (2 743 millions d’euros), du Royaume Uni (2 405millions d’euros), de l’Inde (2 022 millions d’euros), de l’Allemagne (1 982 millions d’euros), de la Russie (1 410 millions d’euros), de l’Italie, (1 160 millions d’euros), de l’Espagne (923 millions d’euros), de l’Arabie Saoudite (897 millions d’euros) et de la France (870 millions d’euros), selon les chiffres fournis par les responsables de l’entreprise.
C’est ainsi que Nokia capitalise 33% du taux de pénétration des produits de téléphonie mobile dans le monde. Et se classe en tête. Première société mondiale de téléphonie mobile, elle est aussi 6ème du Top 10 des entreprises mondiales les plus connues, derrière Microsoft, Ibm, Intel et Coca Cola...
Dans sa stratégie de conquête du marché mondial de téléphonie mobile, Nokia dispose d’un Centre de Recherches et de Développement sur 11 pays. Et 20 882 personnes travaillent dans la plate-forme technologique du secteur de Recherches et de Développement. Ces chiffres ont été établis en fin 2005, les chiffres de 2006 n’étant pas encore, bien entendu, disponibles. Le personnel, qui se consacre à la Recherche et au Développement, représente 36% des Ressources humaines de Nokia (58 874 personnes). Toujours en 2005, ce secteur stratégique de la société internationale finlandaise a occasionné des dépenses de 3,825 millions d’euros, soit 1,2% des ventes nettes. “La nécessité de créativité et d’innovation est permanente d’autant que les goûts et besoins des consommateurs évoluent très vite et sont différents selon qu’on est jeune, adolescent, homme ou femme d’affaires... Par conséquent, les offres doivent suivre pour apporter des satisfactions au consommateurs. la prise en compte des besoins du marché permet de mieux se positionner dans la compétitivité”, selon Jarkko Sairanen, Vice-président chargé de la Strategie d’entreprise.
Dans cette compétitivité, Jarmo Hostio, Senior manager Channel Development in Emea, Enterprise solution, est d’avis qu’il faut “faire en sorte de connecter les utilisateurs à partir des dispositif au-dessus de tout réseau”.
DU PAPIER A LA TELEPHONIE...
Nokia intervient dans 5 secteurs d’affaires : système des installations de réseau de services professionnels, équipement de téléphonie mobile, les multimédias, en prenant en compte les services Internet des consommateurs, les solutions d’entreprise... Elle met en réseau, et par jour, “800 millions de personnes qui utilisent” son dispositif.
La stratégie de Nokia est “d’anticiper sur les besoins et se projeter dans le futur” aussi bien dans les fonctionnalités des appareils que de leurs designs. Car les nouvelles séries multimédias, des mini-ordinateurs à elles seules, supportent et réalisent toutes les expériences dans les domaines à forte croissance des télécommunications et de l’électronique de consommation. “C’est donc de modèles simples pour le travail, performants pour les entreprises et les personnes préoccupées par l’info à temps réel”, explique Juha Putkiranta, Senior Vice-président Multimédia computers Unit, Multimedia. Ainsi, sont crées les nouvelles séries “réunissant toutes les fonctions : Internet, musique (Mp3), télé, connexion Wi Fi, mémoire suffisante, photo, caméra...”, vante Juha Putkiranta, pour qui, les expériences multimédias développées font qu’on n’ait plus besoin d’un simple appareil photo, car le téléphone mobile permet désormais de prendre, développer et de stocker des images photographiques. “Le blog, l’agenda, la discothèque, l’information”, entre autres besoins, sont intégrés au téléphone pour être “à portée de main”.
Investissant le multimédia, Nokia compte aller au-delà des opportunités qu’offre l’ordinateur par la mobilité pour les services offerts. L’objectif de la compagnie, pour 2008, est de vendre 3 milliards de téléphones portables. Et les dirigeants assurent s’être donnés les moyens de le réaliser.
Nokia a connu une grande évolution. De 1865 à 2006, Nokia est passée de la fabrication du papier à celui de la téléphonie mobile, à travers l’utilisation des technologies novatrices. De 1990 à 2005, la partie la plus importante est constituée de pièces électroniques, soit 27% de la production de Nokia, 21% en système d’information, de câble, et 10% en téléphonie mobile. Mais à partir de 2005, la situation s’est inversée. Et la téléphonie mobile représente 60% de la production de la société Nokia.
L’histoire débute en 1865.
Le plus important manufacturier de téléphone mobile au monde doit son nom à un village finlandais, d’où est originaire l’ingénieur des mines Fredrik Idestam. Cette année-là, Fredrik Idestam fonda une entreprise d’industrie forestière dans le sud-ouest de la Finlande. Puis en 1898, fut créée la firme Finnish Rubber Works Ltd et en 1912, naquit la société Finnish Cable Works. Progressivement, le capital de ces deux firmes et celui de Nokia se trouve concentré entre les mains d’une poignée d’hommes. En 1967, elles fusionnent pour constituer Nokia Corporation. Dans les années 80, Nokia se “concentre et se positionne sur les marchés des télécommunications et de l’électronique”.
VISITE - Usine de production et de lancement A Salo
Salo se trouve à 120 km de Helsinki, la capitale finlandaise. C’est là que se trouve la manufacture de Nokia. Toute prise d’image par le visiteur est interdite, avant d’arpenter les couloirs des balcons qui surplombent les installations et les travailleurs tous habillés en blouse blanche avec un col bleu pour certains. La visite est guidée par Timo Kallioinen, Senior Manager Operational Development. L’usine de production de Nokia s’étend sur 38 000 mètres carré. Salo emploie au total 4 769 personnes, dont 60% de femmes, selon des chiffres datées du 30 avril 2006. La moyenne d’âge générale est de 31 ans ; et de 24 chez les femmes. Les travailleurs se relaient par tranche de six heures. De même, ils réapprovisionnent les lignes en composants et redirigent les produits semi-finis vers d’autres chaînes en vue de leur personnalisation et des emballages. Ici, le travail à la chaîne produit 9 appareils à la seconde.
Avec Salo en Finlande, Nokia compte 9 usines dans le monde. Elles sont réparties entre l’Allemagne, la Hongrie, le Mexique, le Brésil, Dallas aux Etats-Unis d’Amérique, l’Inde, la Corée du Sud. La Chine dispose de deux usines. Il n’y a encore aucune manufacture en Afrique. Cette organisation spatiale est liée au désir de rapprochement des marchés de masse et l’accélération des temps de marché (time to market).
Les usines, nous dit-on, fabriquent chacune environ 50 000 téléphones chaque jour. Elles fonctionnent 24h par jour, au moyen d’une douzaine de longues chaînes de production automatisées. Tôt le matin, tout le personnel est à pied d’œuvre. Et pour la dizaine de journalistes invités dans le cadre d’un voyage de presse, il faut émarger pour récupérer et porter son badge, comme tout le personnel. Le programme des séances de travail est respecté à la minute. Les communicateurs passent, un à un, s’entretiennent avec les journalistes, dans le respect strict du timing. Historique, état des lieux, évolution et perspectives, tout est passé au peigne fin par les différents responsables en charge de ces questions. Ils placent tous la réussite de la société Nokia dans la trinité qu’ils appellent les ‘’3 C’’ : “Crédibilité, continuité et consistance”, selon Heikki Tarvainen (vice-president Mobile phone E Marketing), qui fait la présentation générale de la société Nokia, après les mots de bienvenue de Riitta Mard, responsable de la Communication.
L’organisation de Nokia pour la croissance repose sur 5 domaines d’intervention ou entreprises, autrement dit, “chaînes de valeurs, famille-produit” : une chaîne de valeurs téléphonie mobile, une chaîne de valeurs d’équipement d’infrastructures téléphonique fixe et mobile (fourniture de réseau de télécommunication), une chaîne de valeurs de terminaux multimédias (application interactive et télédiffusion par satellite et par câble), une chaîne de valeurs de moniteurs pour micro-ordinateurs... D’où les opérations, les bénéfices et la croissance financière impressionnante qu’a connu Nokia ces dernières années.
Babacar DIOP
(Source : Le Quotidien, 24 juillet 2006)
[1] Note : 1 euro = 655 francs Cfa.