Mobilisation syndicale contre une « recolonisation » des télécoms
mercredi 29 avril 2009
Les syndicats de Sonatel, opérateur historique des télécommunications au Sénégal, battent le rappel des troupes pour empêcher la prise de contrôle de l’entreprise par France Télécom, synonyme pour eux de « recolonisation des télécommunications » dans cette ex-colonie française. L’intersyndicale des employés de Sonatel a annoncé vendredi le dépôt d’un préavis de grève couvrant un délai de 30 jours, pour empêcher l’Etat sénégalais de céder 9,87% de ses actions Sonatel au groupe français, qui détiendrait alors 52,2% du capital.
« Nous avons travaillé pour faire de Sonatel un bijou. Nous n’accepterons jamais la recolonisation du système des télécommunications par les Français » a assure le coordonnateur de l’Intersyndicale, Mamadou Aïdara Diop, interrogé par l’AFP. Sonatel est aujourd’hui « la première capitalisation boursière » de la Bourse régionale des valeurs mobilières d’Abibjan, souligne-t-on à l’antenne locale de la BRVM à Dakar. Le groupe, qui a adopté la marque commerciale Orange en 2006, a des filiales au Mali, en Guinée-Bissau et en Guinée. Et ses bénéfices nets ont triplé entre 2003 et 2007, passant de 56 milliards FCFA (85 M EUR) à 161 (245 M EUR).
France Télécom a fait son entrée il y a 12 ans dans le capital de l’entreprise privatisée. Le groupe français détient à présent 42,3% du capital et l’Etat sénégalais 17,28%, le reste étant partagé entre institutions, grand public et salariés. Mais, le 8 avril, Dakar a signé un protocole d’accord pour céder au groupe français 987.000 de ses actions et encaisser ainsi 200 milliards de francs CFA (305 M EUR). Le ministre de l’Economie, Abdoulaye Diop, a justifié la vente par « un besoin d’argent ». « Tous les pays du monde rencontrent des difficultés à cause de la crise. Le Sénégal a besoin de financer son développement, ses infrastructures, payer ses dettes » au secteur privé, a-t-il dit à la presse. Quant au directeur exécutif de France Télécom pour la zone Afrique, Moyen-Orient et Asie, Marc Rennard, il a mis en avant dans un communiqué « la qualité des équipes de Sonatel conjuguée à l’expérience de France Télécom » qui a permis de faire du groupe « l’un des tous premiers opérateurs d’Afrique de l’Ouest ». M. Rennard a évoqué « une nouvelle étape dans le partenariat » qui « ne pourra que renforcer cette dynamique d’entreprise performante ».
Mais à Dakar, l’affaire est abondamment évoquée comme « un bradage » des intérêts nationaux. « Le Sénégal escroqué », a titré l’hebdomadaire La gazette. « La croissance au Sénégal est portée par le secteur des télécoms dans lequel Sonatel joue un rôle d’oligopole, ainsi que par le BPT (bâtiment et travaux publics) et les envois des émigrés », explique Mohamed Mbodj, responsable du Forum civil, antenne de Transparency international. « Si on touche à la Sonatel, il y aura un effet global sur l’économie », avertit M. Mbodj. « L’Etat sénégalais doit prendre ses responsabilités. Pourquoi ne pas vendre ces actions au secteur privé national ? » interroge-t-il. Les syndicats redoutent aussi une réduction des effectifs. Sonatel emploie 2.340 agents permanents au Sénégal.
(Source : AFP, 20 avril 2009)