Mme Aminata Niane (Directrice générale de l’Apix) : « Le Sénégal a confirmé sa place au Salon européen des centres d’appels »
jeudi 4 mai 2006
Pour sa troisième participation au Seca, le Sénégal a confirmé sa place et son ambition dans le secteur des téléservices. C’est le bilan que la Directrice générale de l’Agence nationale chargée de la promotion de l’investissement et des grands travaux (Apix), Mme Aminata Niane, a tiré, dans l’entretien qu’elle nous a accordé, de l’édition 2006 du Seca. Un Salon qui a réuni, du 4 au 6 avril dernier, à Paris, les sommités des Nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Wal Fadjri : Quel bilan tirez-vous du Salon européen des centres d’appels (Seca), édition 2006 ?
Aminata Niane : Cette année marque la troisième participation de l’Agence nationale chargée de la promotion de l’investissement et des grands travaux (Apix) au Seca (du 4 au 6 avril dernier, Ndlr) qui est un rendez-vous mondial très important dans le domaine de la délocalisation des centres d’appels et tout ce qui est outsourcing dans le domaine des nouvelles technologies. Par cette participation, le Sénégal a confirmé sa place et son ambition pour se positionner et augmenter ses parts de marché dans ce secteur très important en termes d’exportation de services, mais aussi en termes de création d’emplois. Je veux surtout parler d’emploi d’une main d’œuvre qualifiée et de diplômés. Nous sommes essentiellement dans le domaine des centres d’appels, de télémarketing, d’appels entrants et sortants essentiellement sur le marché français. Mais nous espérons diversifier, non seulement dans le domaine des plus grandes valeurs ajoutées, mais aussi diversifier nos partenaires clients vers d’autres zones que la France.
Wal Fadjri : Quelles sont les retombées engrangées par le Sénégal lors des précédentes éditions du Seca ?
Aminata Niane : C’est d’abord un portefeuille de prospects, de clients potentiels très importants et diversifiés, l’entrée dans le marché de nouveaux investisseurs dont un groupe américain qui est en train de s’implanter au Sénégal, la confirmation de la place des Sénégalais, surtout les Sénégalais de la diaspora qui reviennent au pays investir dans les secteurs avec de plus en plus de valeur ajoutée. Le Sénégal se positionne donc bien. Et notre marge de progression est très importante.
Wal Fadjri : On parle de plus en plus d’un nouveau concept lié à la télésurveillance par rapport au centre de contact. Existe-t-il des possibilités d’implantation d’un tel centre de contact au Sénégal ?
Aminata Niane : Il en existe. Il y a déjà deux projets en cours d’implantation. Et c’est un secteur très porteur. D’autant que ça nous permet d’entrer dans des marchés à langue étrangère différente du français. Par exemple, c’est un marché très développé aux Etats-Unis. Et on veut très bien, à partir du Sénégal, assurer la sécurité d’une banque, d’immeuble aux Etats-Unis. Et même assurer l’accueil du secrétariat de grandes sociétés américaines. Et même, l’intérêt de la surveillance, c’est que la barrière linguistique n’est plus une barrière d’entrée et comme vous le savez, le secteur de la sécurité et de la surveillance au Sénégal est assez développé, donc c’est un secteur qui peut aussi être une source de délocalisation et de lobbying.
Wal Fadjri : Autrement dit, un vigile d’un établissement financier de la Place de l’Indépendance, à Dakar, peut surveiller un autre établissement qui se trouve à Los Angeles ?
Aminata Niane : Absolument. C’est cela qui vous montre le potentiel extraordinaire de développement que nous offre la qualité de nos infrastructures de télécommunication, la qualité de nos ressources humaines. Et l’expertise qu’on a déjà acquise dans le segment des call center nous permet de nous diversifier sur d’autres marchés et d’autres segments.
Wal Fadjri : Mais les potentiels investisseurs des centres de contact ont relevé quand même le problème lié à l’accès à l’immobilier.
Aminata Niane : Absolument. Vous savez la compétitivité est un processus dynamique. On améliore toujours ce qu’on fait. On est très bon dans les déterminants principaux que sont la qualité des infrastructures, la qualité des ressources humaines, la proximité géographique, la proximité linguistique, la stabilité politique, etc., disons toutes les choses difficiles sur lesquelles nous nous sommes focalisés toutes ces années. Maintenant, c’est en ayant des clients, en discutant avec les prospects que l’on voit quels sont les secteurs ou les choses à améliorer parmi lesquels l’offre de site est prêt à être branché des plateaux d’immeubles intelligents. Malheureusement, nos investisseurs immobiliers étaient tous dans le même créneau classique de construction d’immeubles à usage d’habitation, d’appartement. Et quand vous voulez vous installer en bureau, vous êtes obligé de casser les murs et d’installer vous-mêmes votre réseau de câblage. Nous avons signé des protocoles avec des investisseurs dans l’immobilier à qui nous avons expliqué et montré le potentiel de ce nouveau créneau. Ils ont répondu favorablement. Et, en attendant la construction d’un cyber cité, beaucoup d’investisseurs sénégalais, aujourd’hui, sont en train de réaliser des plateaux.
Wal Fadjri : Ne serait-il pas mieux d’avoir la présence d’un promoteur immobilier lors des prochaines éditions du Seca ?
Aminata Niane : Pourtant on en avait invité un. Je ne sais pas pourquoi il n’est pas venu. Mais, je pense que l’essentiel, c’est que nous puissions nous, dans notre package d’offre, inclure ces immeubles en construction. Et nous le faisons dans notre stratégie de promotion.
Wal Fadjri : Pouvez-vous rappeler les dispositifs mis en place par le Sénégal pour un développement des centres de contact ?
Aminata Niane : La principale incitation c’est déjà la qualité de l’infrastructure. Sans une infrastructure fiable, rapide, efficace, aux normes internationales, avec la fibre optique, avec le câble SAFE et Atlantis, il ne peut pas y avoir d’offre, de services à valeur ajoutée dans les nouvelles technologies. Donc, c’est cela déjà le grand avantage du Sénégal qui fait qu’on est ici en tant que pays pouvant offrir et accueillir de la délocalisation dans le domaine des nouvelles technologies. Les autres éléments sont bien sûr des incitations générales à l’investissement, les incitations fiscales, la qualité générale de l’environnement. Autant de choses sur lesquelles le Sénégal est compétitif. Bien sûr au-delà de la qualité de la main d’œuvre, il y a le coût de la main d’œuvre, le coût des infrastructures. Je pense qu’il y a des efforts à faire maintenant pour la défiscalisation totale des call center qui sont éligibles au statut de l’entreprise franche d’exportation. Mais, si nous nous comparons à nos concurrents, notre statut est un peu défavorable parce qu’il y a quand même un impôt de 15% à payer. Alors qu’au Maroc et en Tunisie, il y a une défiscalisation complète. Nous espérons qu’avec la Stratégie de croissance accélérée, nous allons arriver à ce niveau-là.
Wal Fadjri : On a constaté que le Sénégal est le seul pays d’Afrique noire présent lors du Seca 2006. Qu’est-ce qui justifie cela ?
Aminata Niane : C’est parce que le Sénégal est le seul pays d’Afrique noire présent dans le secteur des nouvelles technologies. Parce que, comme je vous l’ai dit, notre pays a investi depuis très longtemps, a misé sur les infrastructures, et nous sommes en train de cueillir les fruits de cet investissement. Malheureusement, les autres pays de la sous-région, d’Afrique sub-saharienne n’avaient pas investi autant que nous. Le téléphone marche mieux au Sénégal que dans ces autres pays. La qualité de la main d’œuvre aussi est avérée. Notre proximité avec l’Europe, la fréquence des liaisons aériennes, la stabilité politique sont autant de différences qui font que nous faisons la différence en Afrique sub-saharienne.
Wal Fadjri : La délocalisation des centres d’appel a suscité beaucoup de débats en France, notamment avec l’ancien ministre des Finances et de l’Industrie, Nicolas Sarkozy. C’était en 2004. Est-ce que réellement c’est une page tournée aujourd’hui ?
Aminata Niane : Absolument, je pense que les Français ont compris qu’ils ont intérêt, pour améliorer leur compétitivité globale industrielle, de se centrer sur les métiers de base et comme toute entreprise qui veut être compétitive, de laisser les services annexes à des spécialistes. Ce sont tous les services de suivi clientèle, de démarcharge, de marketing, etc. qui sont aujourd’hui extrêmement compétitifs et importants pour la compétitivité industrielle. Donc, ce n’est pas une délocalisation de perte d’emploi mais plutôt une délocalisation de certains services qui permettent à l’industrie française d’être mieux compétitive aujourd’hui dans un environnement global où la compétition est extrêmement dure.
Wal Fadjri : Quelle sera la politique de l’Apix en direction des prochaines éditions du Salon européen des centres d’appels et de la relation client ?
Aminata Niane : Nous serons toujours présents. Nous espérons au Seca et à d’autres rendez-vous mondiaux importants. Ce sont des rendez-vous incontournables. Et à chaque fois, nous allons améliorer notre présence, améliorer le partenariat avec les structures clés, faire venir de plus en plus nos partenaires des télécom, comme l’Agence de régulation des télécoms. Je pense que la prochaine fois, nous viendrons aussi avec l’Agence de l’informatique de l’Etat pour montrer aussi, le potentiel en matière d’offre de services par l’Etat. Nous viendrons aussi de plus en plus avec les acteurs comme nous l’avons fait cette fois-ci.
Wal Fadjri : A l’instar du Seca, il y a une exposition qui se tient ici à Paris, le marketing direct ou Md. Ne pensez-vous pas qu’il y a lieu d’exploiter aussi cette niche porteuse ?
Aminata Niane : Absolument. Mais notre marketing ne se résume pas au Seca. Toute l’année, nous faisons un suivi presque personnalisé de nos prospects. Nous intervenons aussi dans d’autres marchés comme le Maroc. Nous allons voir ce qui s’y passe. Nous participons à leur salon spécialisé. Je pense que la prochaine étape, ce sera d’organiser au Sénégal un Salon des centres d’appels.
Propos recueillis par Johnson MBENGUE
(Source : Wal Fadjri, 4 mai 2006)