Mamadou Diop Decroix, ministre de la culture et de la communication : « Notre objectif est de raccorder sept mille villages au téléphone » (Le Soleil, 6 septembre 2000)
mercredi 6 septembre 2000
Les populations de l’intérieur du Sénégal doivent, elles aussi, bénéficier des moyens de communication qu’offrent les nouvelles technologies. Pour atteindre cet objectif, le ministre de la Culture et de la Communication, Mamadou Diop Decroix, a un ambitieux projet : raccorder sept mille villages au réseau téléphonique national et acheminer cet outil moderne qu’est Internet jusque dans les coins les plus reculés du pays.
Dans cette interview, le ministre évoque également la possibilité de créer au Sénégal, grâces aux industries des téléservices, cent mille emplois en cinq ans.
Téléphonie rurale
« Les grands travaux du département dont j’ai la charge se subdivisent en trois principales composantes : la Communication, la Culture et une troisième partie où les deux premières parties s’interpénètrent. En ce qui concerne la communication, le premier grand problème à résoudre est celui de la téléphonie rurale. Il y a quelques jours, le président de la République a bien voulu m’accorder une audience assez longue afin que je lui fasse part de la réflexion que mon département a pu mener au cours de ces quatre mois pour, à la suite des orientations générales qu’il m’avait fixées lors de l’audience publique du 6 avril, dégager les grands axes du ministère. Récemment, lors d’une mission avec le Premier ministre à Hanovre (Allemagne, ndlr), j’ai pu discuter de ces questions avec lui. Il a même été retenu l’idée de faire une communication en Conseil des ministres sur ces thèmes. C’est une réflexion que j’ai menée en rapport avec mes collaborateurs et des bonnes volontés intéressées par ce que fait le ministère. Cette réflexion a donc débouché sur ce que je vais vous indiquer.
Dans le domaine de la communication en général, nous avons le problème de la double fracture numérique, en rapport avec la problématique de la société de l’information dans laquelle nous évoluons de plus en plus. C’est quoi cette double fracture numérique ? Vous avez, d’un côté, les pays avancés de l’hémisphère Nord qui continuent sans cesse de développer des technologies nouvelles, les communications, l’Internet, etc., à un rythme extrêmement rapide. De l’autre vous avez les pays du Sud, moins avancés, qui ont un grand retard sur ce terrain-là. Ceci est la première fracture numérique. La seconde fracture se remarque au sein même des pays du Sud comme le Sénégal, entre les villes et les campagnes. Aujourd’hui, le taux de pénétration du téléphone en zone rurale est extrêmement faible. Je me demande même s’il fait 3 % ! Je ne parle même pas du taux de connectivité qui avoisine 0 % en campagne. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication permettent de trouver des solutions à un grand nombre de difficultés qu’il aurait été très difficile, pour un pays comme le Sénégal, de résoudre. Par exemple, le monde s’achemine de plus en plus vers l’enseignement à distance appelé télé-enseignement, la télé-médecine et la télé-éducation en général. Tout cela montre qu’il ne faut désormais plus se limiter à enseigner et à scolariser d’une façon classique.
Il faut utiliser ces nouvelles technologies pour d’autres types d’éducation et d’information. Vous avez également le commerce électronique. En général, lorsqu’on parle de ces opportunités, on pense uniquement aux villes. Ce n’est pas du tout le cas puisqu’il existe, dans les zones rurales, des producteurs, des artistes, des sculpteurs, des peintres et diverses autres unités de productions à l’intérieur du pays qui peuvent utiliser Internet. Aussi bien des chanteurs que des comédiens peuvent, par exemple, vendre leur art à travers le monde s’ils disposeraient de cet outil qu’est Internet. La société de l’information, ce n’est pas uniquement cela. C’est une révolution très profonde qui va même affecter les comportements et les relations entre les individus. Le pays qui n’aura pas préparé son entrée dans cette société de l’information raterait, d’une certaine manière, le train de l’Histoire.
Le problème du téléphone doit donc, désormais, être perçu comme un besoin vital. Celui qui ne dispose pas de cet outil nécessaire pour communiquer avec les autres sera de plus en plus marginalisé, exclu. L’objectif majeur que je me suis fixé est d’arriver à raccorder, dans des délais raisonnables, sept mille villages au réseau téléphonique, en plus de ceux qui sont déjà raccordés. Le président de la République et le Premier ministre sont d’ailleurs d’accord avec moi sur cette question. Il faut dire qu’actuellement, moins de mille villages ont accès au réseau. A ce sujet, je suis en rapport très étroit avec la Sonatel et je dois rencontrer son directeur général ce soir (vendredi soir, ndlr). Nous utiliserons les dernières avancées technologiques, c’est-à-dire les boucles locales radio, les satellites et toutes les innovations dont nous disposerons afin de raccorder sept mille villages au réseau téléphonique. Dans mon entendement, il s’agit de réaliser tout cela avant la fin 2002 ou plus tard au cours du premier semestre 2003.
Voilà l’objectif que je me suis fixé. Bien entendu dans mon optique, il faut, partout où le téléphone est installé dans les campagnes, avoir une connexion Internet et, naturellement, de l’énergie. Des propositions nous ont déjà été faites, ce qui montre que c’est tout à fait réalisable avec l’énergie solaire. Ceux qui nous font ces offres nous proposent d’ailleurs un package, c’est-à-dire installer le téléphone avec un panneau solaire qui fournira l’énergie nécessaire à son fonctionnement. Il est donc possible d’avoir un ensemble où vous aurez à la fois le téléphone, l’énergie et les accessoires qui vont avec. La téléphonie rurale est donc le premier grand objectif de mon département ».
Nouvelles technologies de la communication
Le deuxième grand chantier est le développement des industries de téléservices. L’objectif est d’arriver à créer cent mille emplois au cours des quatre à cinq prochaines années. Ce qui fait une moyenne de vingt mille à vingt-cinq mille emplois par an dans ces industries de téléservices et dans l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Bien entendu il y a des contraintes qu’il faudrait régler. La civilisation de l’Universel dont parlait le président Senghor il y a vingt ans, c’est ce que j’appellerai la mondialisation problématisée. Nous sommes désormais au rendez-vous du donner et du revoir, à la société de l’information. Il faut prendre garde de ne pas s’y présenter pour uniquement recevoir et n’avoir rien à proposer aux autres. C’est cela la bataille des contenus. J’estime qu’il s’agit de se battre au plan politique pour que les décideurs admettent la nécessité de sauvegarder et de promouvoir les identités culturelles mais également de faire en sorte, dans les pays de culture dominée, que les contenus soient présents sur le réseau. C’est à nous de développer les contenus, de les présenter d’une manière attrayante qui puisse intéresser les autres. La bataille des contenus est aussi économique. Par exemple, dans le cadre de l’enseignement, il nous faut développer des contenus adaptés. Les huit années de croissance soutenue aux Etats-Unis avec un taux de croissance de 7 % ont été en grande partie possible grâce à l’industrie de l’information et du savoir. Des centaines de milliers d’emplois ont été créés. Alors quand je parle de créer cent mille emplois au Sénégal grâce aux industries de téléservices, ce n’est pas un rêve car, nous aussi, pouvons tirer notre taux de croissance de ces industries.
Je dois d’ailleurs dire qu’une étude sur les téléservices vient d’être bouclée par des experts sénégalais. Elle est extrêmement intéressante. Vraiment, les Sénégalais savent poser les problèmes. Ils ont indiqué les voies et moyens pour trouver des solutions afin de placer le Sénégal en position de gagner son pari. C’est sur la base de cette étude et de l’expérience des autres pays que nous allons élaborer notre plan d’action eu égard à notre niveau réel et nos préoccupations valables ».
Télévision privée
« En ce qui concerne le secteur de l’audiovisuel, l’objectif est de lancer une chaîne de télévision publique culturelle et éducative dans les meilleurs délais possibles. Nous allons également autoriser entre trois ou quatre chaînes privées commerciales ou culturelles. L’inspecteur technique et le directeur de la Communication et de la Cinématographie sont en train de sillonner les pays limitrophes afin de procéder aux arrangements techniques habituels qui sont nécessaires pour nous permettre de délivrer rapidement les autorisations. Le cahier des charges, qui est une composante essentielle dans cette opération, est en cours d’élaboration. Six à sept demandes provenant de promoteurs nous sont parvenues et nous les examineront tous ».
Politique et projets culturels
« Un site a déjà été identifié pour la construction de l’Ecole nationale des Arts et des partenaires ont manifesté la volonté de nous apporter leur concours pour sa réalisation. Le décret qui organise cet établissement sera revu dans le souci du reprofilage du contenu des enseignements et de la création de nouvelles filières. Il y a aussi la construction de la Bibliothèque nationale du Sénégal pour doter notre pays d’une institution à la mesure de ses ambitions culturelles et scientifiques, la création d’un Musée d’arts contemporains et la réalisation d’œuvres décoratives pour les places publiques afin d’améliorer l’espace urbain. Concernant le Mémorial Gorée-Almadies, nous sommes en train de revisiter le concept. Il y a des idées extrêmement intéressantes formulées là-dessus, mais que je ne peux pas, pour le moment, développer au cours de cet entretien.
Notre projet culturel a l’ambition de répondre à trois préoccupations essentielles : maintenir l’équilibre entre nos valeurs fondamentales et les implications du développement scientifique et technologique ; soutenir la créativité et le développement de l’esprit d’initiative ; enfin, développer des relations de coopération et de solidarité au plan international dans le respect mutuel. L’un de nos objectifs est également l’amélioration des dispositions fiscales, juridiques et institutionnelles pour élargir l’accès à la Culture, promouvoir la créativité, soutenir les entreprises et industries culturelles et protéger la propriété intellectuelle. Nous allons aussi mettre l’accent sur la conservation, la restauration et la diffusion du patrimoine culturel. Une autre priorité de notre politique est le soutien à la création, à la diffusion, le développement des entreprises et industries culturelles. Ce sont là les différents éléments de la stratégie destinée à développer la Culture dans ce nouvel environnement et dans ce nouveau contexte politique.
Il y a bien sûr dans la Culture différentes facettes. Nous allons, par exemple, organiser avec l’Association des métiers de la musique les Assises de la musique. Cette activité est devenue une composante extrêmement importante au Sénégal. Il existe des industries culturelles et nos musiciens sont connus et appréciés un peu partout dans le monde. Il faut arriver à faire en sorte que l’activité musicale soit plus développée. Il y a aussi les autres artistes comme les peintres, les sculpteurs, etc. L’idée est d’arriver à faire en sorte que les problèmes, comme la fiscalité, qui se posent du fait de l’administration soient bien étudiés de façon à trouver des solutions permettant aux artistes de vivre de leur art. Sur ce plan, des concertations auront lieu pour nous permettre d’avancer. A la Télévision nationale, il faudrait qu’on assure la promotion de la production locale, en particulier l’utilisation des langues nationales, selon une démarche non pas égalitariste mais équilibrée. De telle sorte que les différentes cultures des communautés nationales puissent s’exprimer à ravers la télévision et être promues pas ce biais.
En dehors des centres culturels régionaux qui existent actuellement et qu’il faudrait redynamiser, il faudrait construire des centres culturels départementaux. Nous sommes actuellement en train d’étudier cette perspective. La construction des complexes culturels va se poursuivre et nous allons également redynamiser la Compagnie du Théâtre national Daniel Sorano par un programme de création et de diffusion à la hauteur de la renommée de l’institution. Il faut aussi faire en sorte que cette compagnie puisse se produire à l’intérieur du pays.
Dans le domaine de la conservation, de la restauration et de la diffusion du patrimoine culturel, il faut aussi réaménager et équiper le Musée dynamique. Nous sommes d’ailleurs en train d’en discuter pour savoir s’il est possible de redonner au Musée sa structure d’antan, avec toutes les transformations qu’il a connues. Un architecte réfléchit sur la question et il semble qu’il soit possible de redonner au Musée dynamique sa vocation au plan architectural. Nous sommes également très préoccupés par la sauvegarde et la restauration des sites et des monuments historiques. Je pense qu’en dehors de ces sites et monuments qui sont là et qui ne sont pas sauvegardés et protégés, il en existe d’autres comme Halwar où rien n’est fait. Je crois qu’il faut arriver à faire quelque chose dans tous ces endroits-là. D’ailleurs, nous allons créer un Centre de recherches et de documentation sur le patrimoine national. Nous allons également ériger les Ateliers du patrimoine. Le patrimoine immatériel va être transféré sur support numérique pour une meilleure conservation.
Il y a aussi le problème de la sauvegarde de l’île historique de Gorée (d’où transitèrent des millions d’esclaves africains en route vers les Amériques, ndlr). Certains Sénégalais qui n’ont jamais mis les pieds sur cette île ont dû être certainement très surpris lorsqu’ils ont suivi le reportage sur la visite que j’y ai récemment effectuée. Ils ont peut-être même eu un haut-le-cœur en voyant Gorée en décrépitude malgré les efforts de ses populations. Je me suis entretenu de cette situation avec le président de la République. Il faut absolument faire quelque chose pour Gorée, de même que pour l’île de Saint-Louis qui doit bientôt être inscrite sur la liste du patrimoine mondiale. Le dossier de Saint-Louis a d’ailleurs obtenu l’avis favorable du Bureau du patrimoine mondial lors de la dernière session de juin et sera examiné en décembre en Australie.
Pour ce qui concerne le Soutien à la création, à la diffusion et au développement des industries culturelles, il y a un certain nombre d’axes que explorons actuellement. Nous sommes en train de repenser le Fonds d’aide aux artistes et au développement de la Culture. Le Programme de soutien aux initiatives culturelles (initié depuis quelques années entre le Sénégal et l’Union européenne, ndlr) dispose d’une enveloppe d’un milliard deux cents millions Cfa destinée à soutenir les artistes et la Culture en général. Vous avez également le Projet d’appui au développement culturel qui vient d’être signé avec la France pour un montant de 600 millions de F CFA et qui couvre une période de trois ans. De notre côté, nous avons soumis à la Banque mondiale un Plan de développement des ressources culturelles (PRODEC) d’une valeur de 4,6 milliards de F CFA pour la période 2001-2003 ».
Coopération culturelle internationale
« Lors de mon séjour à Hourtin (près de Bordeaux, ndlr) pour les besoins de l’Université d’été de la communication, j’ai eu d’intéressantes discussions avec l’épouse du président du Conseil régional de la Gironde pour l’organisation d’une semaine culturelle sénégalaise à Bordeaux. Nous envisageons également d’organiser un événement similaire aux Antilles françaises c’est-à-dire en Martinique et en Guadeloupe. Notre ambition est de contribuer à la préservation de la diversité culturelle et de soutenir la promotion de nos créateurs et de leurs produits. En rapport avec le ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, nous voulons créer dans les ambassades une vitrine sénégalaise où pourront être consultées et appréciées nos productions littéraire, artistique, la créativité, la richesse du patrimoine et la qualité de notre artisanat. Une innovation qui participera au renforcement du secteur touristique. Et déjà des rencontres ont réuni les services du ministère du Tourisme et ceux de mon département ».
Retour des cendres de Sidya Ndatté Yalla et d’Aline Sitoe Diatta
« Parmi les grandes actions que nous envisageons de mener, il y a le rapatriement des cendres de ces deux héros sénégalais inhumés respectivement au Gabon et au Mali ".
« Comité permanent pour l’information et les affaires culturelles de l’organisation de l’OCI (COMIAC) »
« Depuis 1981, ce comité ne s’est réuni, je crois bien, que six fois. Aujourd’hui que le Chef de l’Etat Me Abdoulaye Wade préside aux destinées de cette structure de l’Organisation de la Conférence islamique, sa redynamisation s’avère nécessaire. Le président de la République souhaite que le COMIAC travaille et apporte une contribution importante à l’édification et au renforcement de l ’OCI ».
Code de l’industrie cinématographique
« Il est dans le circuit. Mais, j’envisage de prendre d’autres initiatives. Un rapprochement entre les cinéastes et la télévision devrait permettre d’y faire passer tous les films produits par les Sénégalais. Aussi, dans le nouvel organigramme que j’ai proposé à l’adoption par le Gouvernement, nous passerons d’un Bureau du cinéma à une Direction de la cinématographique. L’objectif est de faire renaître le cinéma sénégalais pour qu’il soit à la
hauteur des ambitions africaine et internationale de notre pays ».
RECIDAK
« Actuellement, je n’ai pas encore poursuivi la réflexion jusqu’au niveau des Rencontres cinématographiques de Dakar (cette manifestation n’est plus organisée depuis quelques années, ndlr). Mais je pense que les cinéastes doivent examiner cette affaire et nous faire des propositions ».
Grève des travailleurs de la SIDEC
« Résoudre les problèmes de la Sidec, c’est résoudre ceux du cinéma en général. Car au-delà des mesures ponctuelles à prendre, il faut une approche globale. Le Premier ministre l’a exprimé à l’Assemblée nationale et le président de la République l’a dit lors des audiences publiques du 6 avril dernier. C’est sur la base de tout cela que nous allons vraiment résoudre de manière stratégique toutes les grandes équations qui se posent au Sénégal ».
Rapports Presse-Pouvoirs publics
« La dernière rencontre (celle du mercredi 30 août dernier, ndlr) entre le ministère et les professionnels du secteur a permis d’entrevoir une résolution à caractère stratégique des problèmes qui se posent. En fin septembre, nous nous retrouverons pour aborder toutes les questions. Au cours de notre rencontre avec le syndicat des journalistes, les patrons de presse, le Comité pour le respect de l’éthique et de la déontologie et le Haut conseil de l’audiovisuel, il n’a presque pas été question de ces récents malentendus entre les journaux et le gouvernement. Tous ceux qui avaient pris la parole avaient plutôt mis l’accent sur les problèmes de la profession. Dès lors, ce malentendu a été un prétexte pour aller au fond des problèmes qui se posent au monde de la presse. Cette dynamique se poursuivra lors des assises nationales que nous allons organiser à la rentrée. J’ai la conviction qu’à la sortie de ce séminaire-atelier, nous franchirons un grand pas dans la promotion de notre presse, du système démocratique et du pluralisme ».
Loi sur la presse
« Beaucoup de choses seront revues au niveau de cette loi sur la presse afin d’enlever ou de modifier certaines dispositions qui peuvent paraître obsolètes et non pertinentes. Il faudrait, s’il le faut, en ajouter d’autres dispositions afin de prendre en considération les évolutions récentes ».
Médias du service public
« Les médias du service public doivent gagner et convaincre l’opinion. Apparemment, ils y sont arrivés avec l’alternance. Il faut que les Sénégalais écoutent la radio nationale, lisent le Soleil et que la Télévision nationale soit à la hauteur de la concurrence qui va s’ouvrir avec l’émergence de chaînes privées. Ce combat ne peut être gagné que par le contenu car, pour l’essentiel, dans la forme, ces médias publics sont mieux outillés que les autres. Aujourd’hui, de nouveaux types de rapports doivent s’établir entre les médias du service public et le gouvernement pour accompagner leur nécessaire mutation. Il faut dire que les autorités publiques actuellement au pouvoir d’Etat ont été portées à la tête du pays à la suite d’élections démocratiques. Elles sont donc l’émanation d’une volonté populaire. Alors, je pense que les médiats du service public doivent appuyer le gouvernement pour qu’il puisse atteindre les objectifs de son programme. Ils ne devraient pas être, à mon avis, des médias anti-pouvoir. mais en même temps, ils se doivent d’assurer le pluralisme qui existe dans le pays. Et le Sénégal va y gagner ».
Renforcement de la presse privée
« Ministre en charge de la communication, mon rôle n’est pas de traquer la presse mais de la défendre. Je dois aider à sa promotion. Au moment de quitter ce ministère, si les Sénégalais constatent que rien n’a changé alors j’aurais échoué dans ma mission. La volonté du gouvernement de l’alternance est d’œuvrer pour la promotion de la presse, d’assurer son rayonnement dans les zones les plus reculées du Sénégal, à travers la sous-région et en Afrique. Elle doit mener la bataille du contenu sur Internet et la gagner en se situant à la hauteur des ambitions du gouvernement de l’alternance pour le Sénégal ».
Fonds d’aide à la presse
« Ma volonté est de faire en sorte que la presse soit aidée et soutenue de manière plus substantielle qu’elle ne l’a été jusqu’ici. Le président de la République est de cet avis. Maintenant, il faudrait voir si le Fonds d’aide à la presse doit être porté de 100 millions à 300 millions Cfa. Atteindre cet objectif serait bien mais j’aimerais même qu’on le dépasse. A ce niveau, la question reste ouverte ».
Haut Conseil de l’Audiovisuel
« Je dois rappeler que nous nous sommes battus, dans l’opposition, à travers des manifestations de rue pour la démocratisation et le pluralisme dans les médias publics. C’est grâce à notre combat que le Haut conseil de la radio et de la télévision (HCRT) a vu le jour avant de se transformer en Haut Conseil de l’audiovisuel. Il est normal que le HCA puisse subir des mutations, pas seulement par le nom, mais par le contenu avec un enrichissement de sa composition. Nous nous sommes inscrits dans cette dynamique ».
Porte-parole du Gouvernement
« Il est vrai que nous sommes dans un gouvernement de coalition qui s’achemine vers un référendum et des législatives anticipées. Alors le souci et le besoin de visibilité existent chez les uns et les autres. Le rôle de porte-parole est certes délicat mais pas difficile. Il s’agit pour moi de bien le comprendre et de ne pas porter les paroles des partis politiques qui composent la coalition. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui m’ont poussé à quitter ma fonction de porte-parole d’AJ/PADS qui n’est pas compatible avec celles de porte-parole du gouvernement. Ce sont les positions du président de la République, du Premier ministre et des membres du gouvernement que je dois exprimer ».
Désir de changement des Sénégalais
« Sur les questions de changement, je ne pense pas que nos compatriotes puissent les vouloir plus que les membres du gouvernement. Ils ne sont pas plus pressés que nous. Le gouvernement mis en place à la faveur d’une alternance démocratique et pacifique ne peut pas mettre les textes de loi de côté et gérer le pays par ordonnances. Nous voulons créer les conditions de développement sur la base de l’Etat de droit. C’est le cas pour les audits. S’il est clair que les gens ont pillé, il faut établir les preuves et laisser à la justice le soin de faire son travail ».
Langue de bois
« Je ne pense pas que le fait d’être devenu ministre m’ait assagi. Je suis le porte-parole du gouvernement, je rends compte de ses activités et je m’efforce d’organiser sa communication même si cela n’est pas encore au point pour diverses raisons. Aussi, il faut comprendre que nous ne sommes pas dans une période de joute car la nouvelle opposition semble chercher ses marques. Il n’y a pas lieu de monter sur ses grands chevaux. Je ne peux pas avoir la langue de bois car je n’ai pas été formé dans ce sens. C’est normal lorsque je rends compte des activités du gouvernement que je le fasse avec diplomatie ».
Bilan officiel des cent jours du Gouvernement de l’Alternance
« Je n’avais pas dit que le gouvernement allait faire son bilan mais seulement que, chaque mois, nous viendrons faire le point. Aussi, il ne faut pas oublier que cent jours ne constituent pas une référence pour nous. Le gouvernement travaille au jour le jour sur la base d’orientations claires et précises ».
Université d’été de la communication de Hourtin
« Les rencontres de Hourtin auxquelles j’ai participé (du 20 au 25 août 2000, ndlr) sont très fréquentées par le gouvernement français. C’est là où le Premier ministre français, Lionel Jospin, avait prononcé son discours mémorable indiquant les orientations et les mesures que la France devrait prendre pour rattraper sont retard en matière de nouvelles technologies par rapport aux Etats-Unis et au Canada. Aujourd’hui, la France a fait des pas importants pour combler ce fossé. Récemment le sommet du G8 d’Okinawa a déploré la fracture numérique entre le Nord et le Sud. En France, le comité interministériel sur la société de l’information présidée par Lionel Jospin a réitéré l’idée d’appuyer les pays les moins avancés dans leurs efforts d’appropriation des nouvelles technologies de la communication. Le bénéfice que le Sénégal pourrait tirer des initiatives de ce genre est très important. D’autant plus que notre volonté est aujourd’hui plus forte que jamais pour éviter à notre pays de rater le train de la société de l’information. Aux Etats-Unis où je m’étais rendu lors d’AFCOM 2000, nous avons discuté avec des partenaires dans ce domaine ».
Dakar 2001
« Dakar 2001, après Bamako 2000 en février dernier, portera sur le thème « Citoyenneté et Société de l’information » C’est une rencontre extrêmement capitale. Ce sera un moment fort où l’Afrique et ses partenaires réfléchiront sur la société de l’information et feront le point sur les avancées réelles dans le domaine de la résorption du gap, de la fracture numérique entre le Nord et le Sud. Aussi nous allons aborder la problématique de la démocratie, de l’État de droit au regard de la citoyenneté, d’Internet et la société de l’information. Les organisateurs de l’Université de la Communication de Hourtin viendront à Dakar 2001 pour participer et voir ce qu’il est possible de faire ».
Propos recueillis par Modou Mamoune FAYE et Doudou Sarr NIANG
(Source : Le Soleil, 6 septembre 2000)